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Passer, quoi qu’il en coûte.

 

puisqu’un droit élémentaire, passer, leur est refusé, puisque le droit d’asile ne leur est pas convenablement accordé, que peuvent-ils faire, désormais, sinon, transgresser la loi?*

Nous vivons un moment ou l’autre n’est plus seulement interdit de rester, mais aussi de passer. L’autre (cet autre radical, de moins en moins « humain », dont les replis identitaires de plus en plus étriqués aujourd’hui à l’oeuvre viennent sans cesse grossir les rangs) qui fuit, qui quitte un endroit pour la seule raison qu’il n’y peut plus vivre, se retrouve criminalisé pour cela-même. Sa fuite, son « désir de passage », qui sont les seuls gestes qui lui permettent de rester en vie, deviennent, ici, ceux qui le condamnent. Ce n’est plus faire fuir qui est criminel. Ni ne plus accueillir. C’est passer qui est devenu criminel. Et comme passer est criminel, celui qui passe peut être humilié, pourchassé, enfermé, renvoyé à la mort.

L’autrui du témoin? C’est, d’abord, celui qui n’a pas eu le temps ou la possibilité de signifier son geste ou sa douleur : c’est le réfugié d’Idomeni quand il demeure muet, occupé aux tâches de l’immédiate subsistance. C’est, ensuite, celui qui n’a pas le temps ou le courage d’écouter cet acte ou cette souffrance : c’est le nanti de la grande ville quand il demeure indifférent, occupé aux tâches de sa vie confortable. Le témoin se tient donc « entre deux autruis », il est en tout cas un geste de messager, de passeur, un geste pour autrui et pour que passe quelque chose.*

Aux antipodes de la posture contestataire, du soulagement de conscience à peu de frais par tweet rageur, du révolutionnaire en pantoufles et bigoudis nourri au post facebook, de l’indigné convaincu que parce qu’il s’indigne devant des milliers d’autres convaincus, s’indigner suffit, à l’opposé de l’idéologue nourrissant son idéologie, et elle seule, de la détresse qui l’environne, il existe heureusement nombre d’initiatives qui, comme on dit, « redonne foi en l’humanité ». Des initiatives dont ceux qui les font vivre ont compris que la meilleure manière de s’opposer est d’abord de prendre soin des plus faibles, dont la faiblesse ne fait que prospérer sur le lit stérile de nos clivages. Des initiatives qui, plutôt que renchérir en circuit fermé sur l’hostilité, lui opposent un geste inverse, aussi ancestral qu’il parait oublié : l’hospitalité.

Si ça vous dit :

Groupe d’hébergement parc Maximilien : groupe facebook auquel s’organise l’hébergement et le transport de sans-papiers gravitant autour du Parc Maximilien à Bruxelles. Chaque soir ce sont entre 150 et 250 migrants qui trouvent asile chez l’habitant.

Emission de BX1 : émission faisant le point sur quelques initiatives citoyennes.

Doucheflux : lieu – à la recherche de bénévoles et de sous! – où il est possible à des gens dans la précarité de laver leur linge, prendre une douche, etc.

Perles d’accueil : blog qui rassemble les témoignages de personnes qui accueillent ou ont accueilli chez elles des migrants. Utiles à tous ceux qui auraient – et c’est bien normal – des craintes quant à adopter eux-mêmes cette démarche. On est très loin du migrant-prédateur. Et de l’hébergeur-bobo-islamo-gauchiste…

* citations et titre extraits de Passer, quoi qu’il en coûte, de Georges Didi-Huberman & Niki Giannari, 2017, Minuit.

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