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« Projet el Pocero » de Anthony Poiraudeau.

EL POCEROEt c’est ainsi que surgit la ville.

A l’heure où la crise frappe de plein fouet l’Europe, les témoins de celle-ci affleurent.  Et comme pour tant d’autres bouleversements, ce sont les vestiges restant du temps d’avant qui en disent le plus sur le revirement à l’oeuvre.  Et quand ce vestige prend la forme de 35 immenses immeubles dressés en plein désert, il en devient forcément l’étendard accompli, le témoin parfait, le parangon.  Alors qu’on créait une ville, ou plus justement (la différence est notable) qu’une ville se créait autour de, à côté de ou avec…, ici, la ville est elle-même son propre moteur.  C’est la croyance en une valeur immobilière toujours haussière qui l’a fait s’ériger.  L’économie a produit la valeur de la ville qui ne trouve que dans sa propre valeur marchande sa seule raison d’exister.

Déambulant dans cette ville comme sortie de rien, et y retournant presque naturellement tant elle peine à se peupler, Anthony Poiraudeau nous dresse un portrait de notre temps qui ressemble furieusement à un petit traité de la démesure.  Où la vie de son promotteur accointe avec ce conte de fée gore que d’aucuns donnent comme modèle.  Parti de rien, arrivé à l’une des plus grosses fortunes d’Espagne, il fait s’ériger une ville du néant, qu’il dote d’une statue de ses parents, asseyant par ce fait son projet dans une forme d’antériorité (en arrêtant sa présomption au seuil de sa propre représentation), lui permettant ainsi de na pas faire fi complètement de la sédimentation historique sur laquelle les cités élèvent leur grandeur.

El Quinon est lointain, il résiste à la proximité, même lorsqu’on s’en approche.

El Quinon est certes fort loin.  Et le texte d’Anthony Poiraudeau est là moins pour nous en approcher mieux que pour nous en faire ressentir l’évidence.  Car dans l’érection de ces immeubles démesurés dans laquelle la candeur le dispute au cynisme, c’est cet éloignement qui frappe.  L’éloignement, physique, de la ville, et celui de ce projet de toute accointance avec une réalité désirée.

Les pneus sentent un peu les algues pourrissantes.

Anthony Poiraudeau, Projet el Pocero, 2013, Inculte.

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