« Promenades avec Robert Walser » de Carl Seelig.

Entre 1936 et 1956, Carl Seelig rendra très régulièrement visite à Robert Walser dans la maison de santé de Herisau où il fut placé dès 1933. Au cours de ses visites, systématiquement, qu’il pleuve, neige ou vente, Carl Seelig et Robert Walser se promènent, arpentant infatigablement le canton d’Appenzell en tout sens, n’interrompant leurs pérégrinations que pour ingurgiter des quantités astronomiques de nourriture dans des gargotes typiquement suisses. Ce sont les récits de ces promenades, de leurs conversations, entrecoupés de photographies, qu’a compilés ici Carl Seelig.

Dans mon entourage, il y a toujours eu des complots qui visaient à écarter la vermine comme moi. Avec une élégance hautaine, on a toujours tenu à l’écart tout ce qui n’appartenait pas à ce beau monde. M’y imposer, je n’ai jamais osé. Je n’aurais même pas eu le courage d’y jeter un coup d’œil. J’ai donc vécu ma propre vie, à la périphérie des existences bourgeoises, et n’était-ce pas bien ainsi? Mon monde n’a t-il pas également le droit d’exister, quoiqu’il soit apparemment plus pauvre, et dépourvu de pouvoir?

Il est aussi difficile de lire les livres de Walser en faisant complètement abstraction de son destin exceptionnel que de lire un récit sur Walser sans se demander en quoi on y retrouve la matière de ses œuvres. A fortiori quand ce récit provient de celui dont on sait le rôle prépondérant qu’il joua pour pérenniser et populariser l’œuvre de l’auteur suisse. Critique, éditeur, tuteur légal, ami, comparse de randonnée, Carl Seelig est à ce point omniprésent quand il s’agit de Walser qu’on se demande en quoi un propos rapporté de l’auteur suisse est ou non fidèle à qui fut l’auteur de L’institut Benjamenta. En quoi le récit de ces promenades est-il vrai? Est-il caché quelque chose, ou mis autre chose en avant, qui donne de l’auteur suisse une image autre que ce qu’il fut réellement?

Notre devoir, une fois pour toutes, c’est de nous promener ; ne trouvez-vous pas?

C’est au-delà de ces questions d’ordre documentaire que se situe l’intérêt de ces promenades. Peu importe finalement la vérité « Walser » que représente le « Walser » des promenades que nous raconte Seelig. À travers celles-ci, c’est une géographie qu’on parcourt. Des paysages. Une époque. Une façon d’être au monde. Et oui, aussi, un personnage qui se nomme « Robert Walser », dont on ne sait en quoi il est précisément le « Robert Walser » qui écrivit l’une des œuvres majeures de la littérature, mais dont on sait qu’il eut pu jouer, dans cette œuvre même, un rôle de choix. Et c’est tout le mérite de Carl Seelig d’avoir construit à l’auteur dont il était si proche et qu’il défendit bec et ongle un portrait magnifique et émouvant qui aurait pu être le personnage d’une de ses histoires…

Carl Seelig, Promenades avec Robert Walser, Zoé, trad. Marion Graf.

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