« Psyché » de Erwin Rohde.

Rares sont les textes qui subsistent au-delà de leurs temps. Si cette antienne peut être vérifiée à propos des textes dits littéraires, elle est sans aucun doute encore plus patente pour les textes dits historiques. Et ce n’est pas le revival, ces derniers temps, d’une France dessinée par Michelet – voire par Clovis lui-même, s’il eût été historien – qui pourra contredire cette constatation. Le fait est là, la lecture de l’Histoire est à ce point marquée par l’histoire de son époque, qu’elle lui survit rarement très longtemps.

c’est du culte des âmes qu’est dérivée la foi en leur survivance.

C’est d’abord cela qui frappera le lecteur qui aura la bonne idée d’ouvrir cette chose : si le quatrième ne l’en avait pas prévenu, il lui eut été impossible de discerner que ce qu’il lit date d’il y a plus de 130 années. Non seulement la masse des documents brassés, mais aussi sa diversité, son ton « objectif », son détachement d’a priori très « d’époque », tout cela fait indéniablement très « contemporain ».

Se proposant d’explorer dans le détail la conception de la psyché chez les grecs, Erwin Rohde a recours à tous les moyens disponibles. Philologie, philosophie, histoire, archéologie, théologie, etc… aucun domaine d’exploration n’est négligé. Préfaçant en cela les fameuses « studies » actuelles qui croisent les disciplines sur une focale très précise, plutôt que d’embrasser large avec les outils d’un champ d’analyse spécialisé, il démontre que « l’épuisement » d’un sujet permet de facto de le déborder. Ainsi cette analyse immense (près de 800 pages abondamment annotées), tatillonne, rigoureuse jusqu’au vertige, de ce sujet si « pointu » – et qui nous paraîtrait, au premier abord, uniquement affaire de « spécialistes » -, permet d’éclairer non seulement nos propres réflexes face à la mort, en en documentant les fondements, mais aussi et surtout, de déconstruire la fabrication de tout rite, de tout culte, comme de toute histoire qui en rende compte et/ou les crée.

A peine émaillé ça et là de discrets tours un tantinet dix-neuvième, ce généreux mastodonte est un chef-d’oeuvre d’une modernité sans âge.

C’est ainsi que partout l’usage survit aux mœurs et aux idées qui l’ont fait naître.

Erwin Rohde, Psyché, le culte de l’âme chez les grecs et leur croyance à l’immortalité, Encre Marine, 2017, trad. Auguste Reymond.

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