puf – u = pf

puf

Nous apprenions il y a peu que les puf allait ré-ouvrir une librairie dans le quartier latin à Paris. Youpi, nous sommes-nous dit! Une nouvelle librairie, un ré-investissement d’une maison d’édition historique dans la distribution de son catalogue, c’est toujours bien. D’autant que cela nous semblait marquer un revirement bienvenu dans la politique récente de cette maison historique. Et puis nous découvrîmes  la chose!

Le concept est radicalement simple. Une vitrine, des livres des puf dedans, et un espace au milieu duquel trône une espresso book machine, machine qui vous imprime – au même prix qu’un livre « normal » – en cinq ou sept minutes le livre de votre choix parmi un catalogue (des puf évidemment) de 5000 titres… Cela nous vaut, dans la presse – qui s’est manifestement plus fait l’écho de la communication guidée par l’éditeur qu’elle ne s’est piquée d’investiguer vraiment -, des phrases assez jouissives. Florilège :

« Dans le monde entier, elle a été accueillie comme la bouée de sauvetage de la librairie et de l’industrie du livre. »

« On peut aussi rédiger une dédicace, qui sera imprimée gratuitement en première page. »

« À la fin du processus, le livre tombe dans une petite boîte en plastique, et il suffit de le récupérer comme on récupère une canette au distributeur. »

« Ce que la presse de Gutenberg a fait pour l’Europe au XVe siècle, la numérisation et l’Espresso Book Machine le feront pour le monde de demain »

« Finies, donc, les heures passées en librairie à fouiller des étagères mal rangées pour s’apercevoir que l’objet désiré n’est plus disponible »

« A la sortie, l’ouvrage est tout chaud comme un pain au chocolat qui sortirait du four d’un boulanger »

« avec l’impression à la demande, un livre produit est un livre vendu. L’incertitude n’existe plus »

« L’ambition de ce projet est en effet de […] créer un service qui serait le YouTube des écrivains… »

« une libraire est là pour vous aider et vous conseiller. En un clic, elle envoie la commande à la machine, qui trône au fond de la librairie comme un totem moderne »

You Tube des écrivains, avenir de la librairie, Gutenberg de demain,… Diantre! Le libraire de l’avenir serait donc une machine, ou son officiant servile… Et l’éditeur de s’en réjouir!

Et cet avenir doré, teinté du mépris pour toute une profession, quel meilleur oracle pouvait nous l’annoncer que l’éditeur en question! Éditeur qui vient d’être racheté par un gros groupe de ré-assurance. Qui vient de virer l’ensemble de son équipe de représentants. Qui refuse de vous informer efficacement de la parution de ces titres « pointus », sous prétexte que vous ne vendez pas assez de ses « titres-phares »… Éditeur dont la puérilité et l’ineptie du projet prêteraient à s’esclaffer s’il ne se bâtissait pas aux dépens d’un catalogue exceptionnel et de compétences mises au chômage.

Alors, vous savez quoi? Et bien, quant à nous, cet éditeur si heureux d’annoncer pouvoir se passer de nous, nous avons décidé de nous passer de lui. Oh pas définitivement! Non. Mais pour deux semaines seulement! A ceux qui nous rétorqueraient que c’est manquer à notre devoir de service envers nos clients et les pousser vers un autre grand méchant loup encore plus pourri, nous leur répondrions que nous avons déjà pu faire l’expérience qu’un client pouvait réfléchir, voire même, pour autant qu’on lui ait donné les outils pour penser, attendre. A ceux qui nous demanderaient pourquoi faire ainsi et en appeler à ce boycott temporaire – car non content de boycotter nous, nous en appelons d’autres à venir nous rejoindre -, nous leur répondrions : « juste pour faire chier ». Car précisément, « juste faire chier » est quelque chose qui n’est pas de l’ordre du machinique. Car « juste faire chier » n’a que faire d’un effet. « Juste faire chier » échappe à la logique technologisante dont rêve le réassureur déguisé en éditeur. « Juste faire chier » est trop humain! « Juste faire chier » lui rappellera peut-être donc que ce libraire, qu’il méprise tant, il est encore un tout petit peu obligé d’au moins faire semblant de ne pas aspirer à sa disparition…

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(2 commentaires)

  1. Hé oui ! c’est fini de pomper les auteurs …

    1. Vendre une qualité photocopie non diffusée, non distribuée, non conseillée, non transportée au prix d’un livre imprimé du circuit « normal »?!? En l’espèce, c’est le lecteur qui me paraît « pompé »… Quoi qu’il en soit, j’ai déjà pu observer que ceux qui s’ingénient à toujours distinguer aux dépens ou aux bénéfices de quelle parties du « monde du livre » ce dernier est organisé, et à s’en plaindre, étaient soit très mal informés quant à son fonctionnement réel, soit s’en étaient vu refuser l’accès par les voies classiques… Hé oui!

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