La dernière goutte – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « La Bombe » de Frank Harris. https://www.librairie-ptyx.be/la-bombe-de-frank-harris/ https://www.librairie-ptyx.be/la-bombe-de-frank-harris/#comments Wed, 28 Jan 2015 08:52:40 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4917

Lire la suite]]> La Bombeil y avait quelque chose de pourri dans une société qui abandonnait à l’oisiveté forcée des cerveaux bien pleins et des mains disponibles.

Le 4 mai 1886, alors que depuis plusieurs jours la police de Chicago s’en prend violemment aux grévistes et manifestants qui réclament de meilleures conditions de travail, se tient à Haymarket Square un meeting politique, rassemblant des centaines d’ouvriers, pour la plupart d’origine étrangère.  Les policiers, fidèles à leurs habitudes assaillent brutalement le rassemblement jusque là pacifique.  Soudain, une bombe explose.  L’explosion tuera huit policiers, en blessera des dizaines d’autres et sera à l’origine de mouvements sociaux sans précédents et d’un immense retentissement.

C’est leur ignorance qui en fait des esclaves.

En 1908, Frank Harris s’empare de ce fait mondialement connu (qui est entre autres à l’origine du 1er Mai) et de ses zones d’ombre pour livrer un roman d’une troublante actualité.

[La lutte entre patrons et employés] était envenimée par le ralliement à la cause des maîtres d’une écrasante majorité d’Américains de souche, au motif que les ouvriers étaient des immigrés et des intrus.

Revendication d’une allocation universelle, scandales alimentaires, mécanismes de corruption industrielle, fossé grandissant entre pauvres et riches, inanité de la presse, repli nationaliste, racisme larvé : le contexte de l’époque qui verra se lever, et se légitimer peu à peu, une violence en réponse à celle, omniprésente, de l’état et des possédants, n’est pas sans rappeler le notre.  A tel point que ce ne sont pas les germes de notre époque que nous pressentons dans la lecture de celle de Frank Harris, mais bien, et cela jusque dans certains de ses détails, notre temps lui-même.  Comme un aujourd’hui qui aurait commencé il y a bien longtemps et qui semblerait ne jamais devoir finir.

Je ne crois pas que les forts, les insolents, puissent renoncer à la tyrannie tant qu’ils n’auront pas pris peur devant ses résultats.

S’il montre certaines faiblesses (par ailleurs habilement dissimulées sous un « truc » formel simple mais efficace), et s’il ne s’éloigne pas d’un classicisme un peu convenu, le roman de Frank Harris nous démontre brillamment, si besoin en était, que la violence plonge toujours ses racines dans une autre.  Jusqu’à ce que l’une vienne légitimer l’autre.  Et, en cela, il demeure essentiel.

Je suis comme vous : je crois en la violence.  Elle justifie mes actes.

Frank Harris, La Bombe, 2015, La Dernière Goutte, trad. Anne-Sylvie Homassel.

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« Thèse sur un homicide » de Diego Paszkowski. https://www.librairie-ptyx.be/these-sur-un-homicide-de-diego-paszkowski/ https://www.librairie-ptyx.be/these-sur-un-homicide-de-diego-paszkowski/#respond Tue, 22 Oct 2013 07:32:27 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3451

Lire la suite]]> Thèse sur un homicideparce que c’est ça le plus difficile, décider à quoi penser, à quoi occuper le temps, que faire de ce temps, comment ne pas s’ennuyer quand personne ne t’aime ou même quand quelqu’un t’aime.

Paul Besançon est un brillant étudiant français en droit pénal admis à suivre un prestigieux séminaire à Buenos Aires.  Celui-ci est dirigé par un éminent professeur, Roberto Bermudez, ami de longue date du père de Paul.  Alors que son professeur peine à se gérer entre l’alcool et une rupture sentimentale qu’il n’arrive pas à dépasser, Paul ourdit une défense de thèse pour le moins radicale.

Un crime, pour Paul, est d’abord un enseignement.

Le livre est construit en diptyques.  Aux monologues du professeur, tout tendu vers la boisson et dérangé par l’obsession de la femme partie, succèdent les relations des agissements de Paul se projetant tout entier dans les préparatifs de son projet.  En apparence, Roberto est autant épars, désordonné, sur le point de sombrer, que Paul est déterminé, froid, mécaniquement ordonné.  Le monologue du professeur est haché.  La phrase qui rend compte des préparatifs de l’étudiant est toute en longueur, comme toute entière tendue vers son but.  Alors que l’étudiant veut démontrer par la pratique que la justice ne fonctionne pas, que son aveuglement est bien loin de seulement décrire son fondement éthique d’impartialité mais plutôt une inhérente inefficacité, le professeur fait reposer en elle (et dans le whisky) son seul espoir d’encore posséder quelque chose de stable à quoi raccrocher son existence.

La loi est tout juste une vaine tentative d’organiser le désordre, les multiples étincelles de la société, pour donner forme à un hasard inéluctable.

Peu à peu, alors que le drame se noue inexorablement, les deux discours vont se contaminer.  De la lutte entre les deux positions inconciliables (qui ressemble tant à celle, rebattue, du Bien contre le Mal), de ces extrêmes clos l’un à l’autre, naît pourtant un moyen terme.  Un moyen terme qui est peut-être bien plus questionnant et terrifiant que la victoire du Mal initial.

Diegi Paszkowski, Thèse sur un homicide, 2013, La dernière goutte.

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« La parfaite autre chose » de Fernanda Garcia Lao. https://www.librairie-ptyx.be/la-parfaite-autre-chose-de-fernanda-garcia-lao/ https://www.librairie-ptyx.be/la-parfaite-autre-chose-de-fernanda-garcia-lao/#respond Tue, 22 Jan 2013 09:42:59 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=1886

Lire la suite]]> La parfaite autre choseJe prenais plaisir à offenser des femmes au hasard.  Faisais l’idiot pour m’attirer la confiance des gens.  Je suis un stratège.  Je suis un homme.  J’ai besoin de dormir au-dessus de quelqu’un.

Sept personnages se partagent la narration de « La parfaite autre chose ».  Adolfo, Eva, Adonis, Jessica, Isidro, Rosalin, Tancredo dès le début du livre se voient attribuer chacun une ligne de conduite (pour l’un l’orgueil, l’autre la liberté, etc…) ainsi qu’un chapitre.  Chaque chapitre est alors l’occasion d’un retour égotiste sur soi.  Frisant l’onanisme (dont l’auteur a l’amabilité de nous prévenir), la confession vire à l’auto-apitoiement.  Tous tentent sans le dire ni probablement même se l’avouer, de justifier d’abord leurs actes puis leur être.  Dans un récit comme haché, aux phrases courtes.  Dans une langue qui leur échappe, tout préoccupé de l’indulgence à s’accorder à soi-même.

La langue est un leurre. Parfois elle t’oublie. Elle te distrait et te fait croire que tu es important et sans t’en rendre compte, tu perds ton temps à essayer de te faire comprendre par d’autres imbéciles qui aspirent à la même chose que toi.

Tout occupé de soi et uniquement de soi, ils ne contemplent les autres que dans la mesure où cette contemplation justifie leur complaisance à leur égard.  Ne voyant chez les autres que ce dont ils se trouvent dépossédés, les en jalousant.

Tous avaient une vie, sauf moi.

Tous errent, comme à la recherche de quelque chose qui leur échappe et qui serait censée fonder leur errance.  Sans voir, dans leur tentatives désepérées de se créer par une logorrhée autocentrée, qu’ils ne peuvent y accéder par eux-mêmes mais bien par les discours et les regards d’autres.

Cette chose m’a regardée et j’ai été vue.  Pour la première fois, j’existais dans la mesure où cette chose me regardait.  La parfaite autre chose est mon commencement.  Elle n’a pas eu à ouvrir la bouche, car au commencement, il n’y avait pas de verbe.  Juste de grands yeux pleins d’éclats.

Qu’est-ce que « la parfaite autre chose »?  Un acte sexuel?  Le retour vers un Eden où rien n’est encore à expier?  Rien n’en est dit clairement.  Pas même qu’elle serait inatteignable.  Ni non plus qu’elle aurait une quelconque réalité.  L’auteure, en démiurge inspirée, tisse ici sublimement cette étoffe fragile dont nous sommes fait.  Loin de nos discours solipsistes, autant de tentatives d’être, à leur opposé même, c’est dans ceux des autres que se dessinent non pas les raisons ou les preuves, mais les causes mêmes de notre existence.

Feranda Garcia Lao, La parfaite autre chose, 2012, La dernière goutte.

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« Les enfants disparaissent » de Gabriel Banez. https://www.librairie-ptyx.be/les-enfants-disparaissent-de-gabriel-banez/ https://www.librairie-ptyx.be/les-enfants-disparaissent-de-gabriel-banez/#respond Sat, 21 Jul 2012 12:21:00 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=868

Lire la suite]]> Macias Möll, vieil horloger paralytique, partage son « temps » entre la réparation des montres et la préparation de sa chaise roulante en vue d’améliorer ses « temps » dans la descente de la petite place .

Sa passion, il la vouait aux assemblages mécaniques, à cette ingénierie d’infimes calculs logée au coeur des montres, ainsi qu’au ciment lissé qui couvrait la pente de la petite place et lui permettait de la descendre avec précision.  Les pentes étaient semblables aux heures.  Temps et mouvement, deux paramètres immuables qu’il avait appris à maîtriser.

D’un côté, chercher à maîtriser les rouages qui rendent compte du temps.  De l’autre affiner ceux qui permettront de l’amputer de quelques centièmes.  Le temps, seul paradigme au creux duquel tout se joue.

Pour lui, l’unique dieu véritable était le temps.

Mais, voilà.  A chaque nouveaux records, des parents signalent la disparition d’enfants.  Et le vieil horloger de se voir alors projeté sur le devant de la scène, entre les espoirs que les parents fondent en lui et les suspicions mâtinées de séductions que le pouvoir (politique et policier) entretient tels de vieux réflexes.

Tour à tour roman de formation (d’un vieillard), énigme policière, fable politique, satyre positiviste, Les enfants disparaissent interroge d’abord notre rapport à l’enfance.  Et qu’est ce que l’enfance, si ce n’est une interrogation sur le réel?  Réel d’où, si les enfants disparaissent, c’est peut-être moins la conséquence d’un acte criminel que celle d’un acte porté sur le réel même.  Où les adultes tombent dans le piège des mots qu’on assemble pour comprendre des choses, et dans celui du temps dont ils oublient qu’en son sein  « tout est toujours pour toujours ».  Un réel unique, figé, piège dans lequel seuls les enfants ne versent jamais.

Une table est une table, jusqu’à ce qu’un enfant s’asseye dessus : c’est alors une chaise…

Gabriel Banez, Les enfants disparaissent, 2010, La dernière goutte.

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