Théâtre Typographique – ptyx http://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Fri, 07 Dec 2018 08:17:23 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.4 Traductions et expériences. http://www.librairie-ptyx.be/traductions-et-experiences/ http://www.librairie-ptyx.be/traductions-et-experiences/#respond Tue, 31 Jul 2018 09:45:36 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7748

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La traduction est-elle un simple mode opératoire appliqué sur un texte, une technique dont la raison d’être disparaîtrait une fois son service rendu? Ou déborde-t-elle de son simple cadre pratique – à la place d’un mot, je place un autre, d’une autre langue – pour épouser celui de la signification même? Est-elle assujettie à une origine dont elle devrait se borner à rendre compte ou la révèle-t-elle? Voire même, n’y ajoute-t-elle pas un « surplus » qui, seul, la légitimerait? Peut-elle être juste? N’est-elle que faillible? Ces dernières années ont vu émerger tout un champ de questions – et d’études – sur le phénomène de la traduction, qui l’ont fait sortir du simple acte technique auquel on aurait tendance à le laisser cantonné.

C’est dans ce cadre que les éditions Théâtre Typographique ont mis sur pied une série autour du thème de l’intraduction, dont trois courts titres ont parus à ce jour : The Climate suivi de First Warm Day de Edwin Denby, Regardez, je peux faire aller Wittgenstein exactement où je veux de Pascal Poyet et Un autostoppeur et son accident, poèmes, de Erik Lindner. Le premier reprend deux poèmes de Edwin Denby traduit en français par différents traducteurs, le deuxième est une variation – suivie d’une « réflexion » – sur la traduction en anglais et en français du premier énoncé du Tractatus Logico-philosphicus de Wittgenstein, le troisième est la traduction en français par Bénédicte Vigrain – qui ne connait pas le néerlandais – de poèmes du poète hollandais Erik Lindner à partir de versions anglaise, allemande ou italienne. Soit la possibilité de comparer un éventail de traductions d’un même poème, l’exploration – c’est ici un euphémisme – des affres de la traduction à partir d’un très court exemple aussi pratique que potache, et la « réponse » à la question : « est-il possible de traduire sans « connaitre » la langue d’origine? »

Avec ces trois courtes publications, plutôt que de se répandre en thèses doctes et en formules creuses pseudodeleuziennes, l’excellent Théâtre Typographiques préfère la mise en exergue des questions de fond de la question de la traduction par des illustrations de sa mise en pratique. Ainsi se décèlent bien mieux dans l’acte de traduire non seulement ce qu’il contient de jeu, mais aussi les abîmes que finalement, peut-être, seul le jeu peut révéler. S’y aperçoit alors le plus clairement cet espace, cet entre-deux que crée la traduction, qui n’appartient ni à une langue dite de départ ou dite d’arrivée, ni à un quelconque programme dont il s’agirait d’appliquer le processus pour accéder à un « vrai » ou à un « juste », et qui, sans doute, est et restera chose un peu mystérieuse. Traduire n’est pas chose simple. Traduire est chose ludique. Et donc très sérieuse. Mais aussi très drôle.

Edwin Denby, The Climate suivi de First Warm Days, 2018, Théâtre Thypographique, trad. Jack Cox, Ian Monk, Marie Borel, Jérémy Victor Robert, Barbara Beck, Dominique Quélen, Bernard Rival, Françoise de Laroque, Pascal Poyet, Matthie Brion, Gabriel Gauthier, Pierre Alferi.

Pascal Poyet, Regardez, je peux faire aller Wittgenstein exactement où je veux, 2018, Théâtre Typographique.

Erik Lindner, Un autostoppeur et son accident, poèmes, 2018, Théâtre Typographique, trad. Bénédicte Vilgrain. 

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« Simurgh & Simorgh » de Gabriel Gauthier. http://www.librairie-ptyx.be/simurgh-simorgh-de-gabriel-gauthier/ http://www.librairie-ptyx.be/simurgh-simorgh-de-gabriel-gauthier/#respond Tue, 16 Aug 2016 07:59:26 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5942

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such as                                                  cette chose

they are                                                dehors

 

Page de gauche, des mots (épars, « épurés » donc manifestement de la poésie) en anglais. Page de droite, des mots (épars et « épurés » de même, donc de la poésie aussi) en français cette fois. Les conventions de l’édition sont ainsi faites qu’elles poussent le lecteur à y déceler, à gauche, un texte original et à y chercher, à droite, une traduction. S’y collant, il découvre que cela, parfois, achoppe : « cette chose » ne peut vouloir traduire « such as », ni « dehors », « they are », du moins telle qu’une traduction « normale » devrait le faire. Cela le dérangeant dans son attente, à laquelle une simple articulation de l’espace de la page l’avait introduit, il relit alors, et peut-être relit encore, et se rend compte alors que ce qu’il attendait du côté du sens s’est déplacé sur le terrain du son. (S’il faut mieux vous en convaincre pour en goûter la parenté, et ses différences, prononcez à voix haute et distinctement « cette chose » et « such as », ou « they are » et « dehors » à plusieurs reprises). Relisant encore – décidément -, il percevra alors peut-être que d’une page l’autre, il convient aussi moins de basculer d’une langue à une autre que d’y lire une continuité sémantique (« comme cette chose ils sont dehors »). Y revenant encore, il s’intéressera à ce qu’est ce « dehors » et aux rapports que celui-ci peut entretenir avec « cette chose ». Reprenant l’ensemble (les sons, l’utilisation de l’espace livre, celle des attentes d’un lecteur, les rapports signifiant-signifié, etc…), il découvrira alors que par delà les « jeux » que ces deux pages proposent, chacun gardant cependant son intérêt par devers les autres, ces « jeux » donc ne prennent tout leur sens que dans l’ensemble qu’ils construisent par les rapports qu’ils instituent de l’un à l’autre. Et de la jouissance du ludique, le lecteur verse alors dans le vertige de l’ontologie. Par la seule grâce de la poésie.

Oiseau à tête de chien de la mythologie iranienne, le Simurgh – ou Simorgh, donc – (سيمرغ, en persan) est fondamentalement bon, est dit immortel par certains et habite dans l’arbre du savoir dont il répand les graines de par le monde en s’envolant. En questionnant ce qui se cache du côté du signifié sous cette infime différence du côté du signifiant – ce « u » et ce « o » -, Gabriel Gauthier nous dévoile des abîmes de sens.

Simurgh et Simorgh sont dans un bateau. Mais s’il tombait à l’eau l’un de ses jumeaux à plumes, l’un de ces dieux persans à tête de chiens, perdu serait leur dialogue franco-anglais, fait d’à-peu-près, de faux-amis : ni gazouillis ni aboiements, mais zigzags à tâtons entre oracle et balbutiement. Et ce serait bien dommage, parce que dans la pliure qui diffère leur fusion en vol quelque chose comme la poésie renaît. [quatrième de couverture par Pierre Alferi]

Gabriel Gauthier, Simurgh & Simorgh, 2016, Théâtre Typographique.

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