Et pourtant, je ne me suis pas suicidé
Avez-vous jamais vu un sapin se rendre lui même à la scierie
Notre place est ici en cette forêt
aux branches coupées aux troncs à moitié calcinés
aux racines coincées parmi les pierres.
La vie d’Aris Alexandrou est toute entière vouée à l’indépendance. Longtemps détenu au cours d’une vie qui ne l’a jamais vu embrasser aucun -isme, il a traversé l’histoire troublée de la Grèce sans jamais se plier aux diktats d’aucun camp. Emprisonné, il l’était doublement, jusqu’au sein même de la prison, où son refus d’adhérer à tout mouvement le laissait seul. Double isolement qu’il meubla de sa poésie.
Nous sommes responsables des matériaux de nos défaillances.
nous sommes responsables de notre obstination
à pétrir encore de nos pieds nus
la cendre et le sang.
Cette situation, cet écart où les autres le laissaient aurait pu le confiner à une poésie ressassement d’une défaite ou à une autre éthérée, déconnectée de toute action. Mais sa liberté radicale, son scepticisme, ne seront jamais dilettantes. A l’exact inverse, toute tendue vers l’action, son indépendance, dont sa poésie n’est qu’un des pans, est un cheminement dans les choix. C’est au filtre de sa conscience, de sa connaissance de soi, qu’il épouse non des doctrines, mais des actes. Radicalement indépendante tout en se reconnaissant héritière d’une tradition, sa poésie est une des plus belles expressions de responsabilité et de liberté.
que tu le veuilles ou non, il te faut acquérir ton propre espace.
Aris Alexandrou, Voies sans détour, 2014, Ypsilon, trad. Pascal Neveu.