« Vox populi, une histoire du vote avant le suffrage universel » de Olivier Christin.

vox populiAlors que ces jours-ci aboutissent sur les tables des librairies des livres au titre parfois très aguicheur qui (et cela sans vouloir faire à ceux-ci un quelconque procès d’intention) questionnent moins le procédé électif qu’ils ne cherchent à priori à appliquer certains des propres désirs de leur auteur, le livre d’Olivier Christin a le premier mérite de proposer une analyse rigoureuse, scientifique, de ce qu’est le vote.

Il puise, pour ce faire, dans l’histoire précédant les révolutions du 18ème siècle et la naissance des systèmes représentatifs dits modernes.  Se documentant richement dans toutes les sources disponibles, entre autres régionales (françaises surtout mais aussi suisses ou italiennes), sans s’arrêter aux diktats des pouvoirs en place, son analyse défait nombre d’idées reçues.  Ainsi, si en 1692, dans la foulée de la révocation des édits de Nantes, est décidée de Paris la vente des offices municipaux qui, jusque là, étaient attribués électivement, il ne faut pas croire que dès ce jour, un système dogmatique et centralisé a pris la place d’un autre entièrement voué au vote.  D’une part, le vote jusque là très généralisé dans les municipalités, était organisé suivant des modalités très différentes de l’une à l’autre.  D’autre part, de nombreuses villes, très attachées au modèle électif, ont dès cette époque, cherché à racheter elles-mêmes ces charges de manière à les réattribuer après par élection.  Il convient donc de ne pas voir dans l’imposition centralisante d’une politique une vérité universelle.

En battant intelligemment en brèche, par le document, l’image d’un Ancien Régime monolithique, émerge une histoire du vote cahotante, hésitante.  Qui, si elle est bien le théâtre d’une émergence de certaines pratiques (imposition (et non triomphe) du bulletin secret, extension du système de vote majoritaire) ne présente pas du tout, n’en déplaise aux amateurs de constructions simplistes, l’image d’une forme de progrès constant nous menant à nos systèmes actuels.

Le souci de construire un modèle électif qui préserve les minorités en reposant sur une base aussi large que possible, qui soit stable mais dynamique, qui contrebalance les effets éventuels de concentration du pouvoir issus du vote par l’introduction de l’aléatoire dans les procédures, la volonté de bâtir un système dont l’autorité qu’il confie à certains puisse reposer sur un aussi juste que possible partage entre émanation des habitants de la ville et destinée divine, toutes questions déjà posées (et oui, sous l’Ancien Régime) qui relèvent bien moins d’une « évolution » que des contextes (culturels, géographiques, etc…) dans lesquelles elles se posent.

Pour tout qui cherche à comprendre (et non pas à directement répondre à celles-ci) les questions qui aujourd’hui essaiment dans nos démocraties électives, ce livre apporte un éclairage essentiel.

Olivier Christin, Vox populi, une histoire du vote avant le suffrage universel, 2014, Le Seuil.

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