{"id":10227,"date":"2021-07-22T08:32:35","date_gmt":"2021-07-22T06:32:35","guid":{"rendered":"https:\/\/www.librairie-ptyx.be\/?p=10227"},"modified":"2021-07-22T08:37:17","modified_gmt":"2021-07-22T06:37:17","slug":"theorie-generale-de-la-connaissance-de-moritz-schlick","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.librairie-ptyx.be\/theorie-generale-de-la-connaissance-de-moritz-schlick\/","title":{"rendered":"\u00ab\u00a0Th\u00e9orie g\u00e9n\u00e9rale de la connaissance\u00a0\u00bb de Moritz Schlick"},"content":{"rendered":"\n
\"\"<\/a><\/figure><\/div>\n\n\n\n

Tout jugement sert \u00e0 d\u00e9signer un \u00e9tat de fait. S’il coordonne un <\/em>nouveau signe \u00e0 cet \u00e9tat de fait (c’est-\u00e0-dire si dans le jugement appara\u00eet un concept qui n’a \u00e9t\u00e9 forg\u00e9 que dans le seul but de d\u00e9signer ce fait), le jugement repr\u00e9sente alors une <\/em>d\u00e9finition. Mais s’il n’a recours qu’\u00e0 des concepts d\u00e9j\u00e0 utilis\u00e9s \u00e0 d’autres occasions, il est alors par l\u00e0 m\u00eame une <\/em>connaissance. Car d\u00e9signer un objet par des concepts qui sont d\u00e9j\u00e0 coordonn\u00e9s \u00e0 d’autres objets, cela n’est permis que si ces objets ont auparavant \u00e9t\u00e9 retrouv\u00e9s dans le premier, et c’est pr\u00e9cis\u00e9ment l\u00e0 que se constitue la nature de la connaissance. Le concept coordonn\u00e9 \u00e0 ce qui est connu est en effet dans certaines relations de subsomption avec les concepts, au moyen desquels cette chose est connue, et l’existence de ces relations est le fait que le jugement sert \u00e0 d\u00e9signer.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Dans l’espace francophone, on retient la plupart du temps uniquement de Moritz Schlick – pour autant qu’on en retienne quelque chose, d’ailleurs – sa position de co-cr\u00e9ateur de la c\u00e9l\u00e8bre \u00e9cole de Vienne. Et on se satisfait de quelques vagues consid\u00e9rations qui feraient de lui le fondateur de l’\u00e9cole analytique – mais tout cela comme \u00e9tant chez lui seulement en germe, et \u00e9tant destin\u00e9 \u00e0 \u00eatre d\u00e9pass\u00e9 par d’autres devenus depuis plus illustres – , un pourfendeur de la m\u00e9taphysique et le porte-\u00e9tendard du r\u00e9alisme critique. \u00c9quip\u00e9 de ces quelques \u00ab\u00a0certitudes\u00a0\u00bb, on se fait ainsi \u00e0 bon compte l’\u00e9conomie d’aller jeter un \u0153il sur ses textes. <\/p>\n\n\n\n

Il n’y a connaissance que dans le jugement.<\/em><\/p>\n\n\n\n

Chez Moritz Schlick, le concept ne se d\u00e9finit pas en rapport \u00e0 sa relation avec l’intuition mais par un syst\u00e8me de postulats. Autrement dit, rompant avec la n\u00e9cessit\u00e9 \u00e9pist\u00e9mologique de la chose en soi ou du ph\u00e9nom\u00e8ne, la connaissance n’est possible qu’analytiquement. Autrement dit encore, conna\u00eetre revient \u00e0 d\u00e9signer les faits par des jugements de fa\u00e7on \u00e0 parvenir \u00e0 une coordination univoque, tout en ayant recours au plus petit nombre possible de concepts. Conna\u00eetre ce n’est donc en aucun cas \u00ab\u00a0saisir\u00a0\u00bb ou \u00ab\u00a0faire l’exp\u00e9rience\u00a0\u00bb d’une chose qui serait imm\u00e9diatement donn\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n

\u00c0 rebours de l’interpr\u00e9tation d\u00e9senchant\u00e9e du mouvement analytique, qui aurait ainsi contribu\u00e9 \u00e0 r\u00e9duire le champ de la pens\u00e9e en l’affermissant sur l’autel de son d\u00e9tachement de la r\u00e9alit\u00e9, le penseur allemand construit sa th\u00e9orie en une sorte de double mouvement. Premi\u00e8rement il semble bien r\u00e9duire au seul domaine quantitatif – analytique – la possibilit\u00e9 de la connaissance. Mais secondement il se refuse \u00e0 ne conc\u00e9der qu’au seul donn\u00e9 la propri\u00e9t\u00e9 de r\u00e9el. En d\u00e9finissant le r\u00e9el comme \u00e9tant \u00ab\u00a0tout ce qui est pens\u00e9 comme existant en un certain temps\u00a0\u00bb et en d\u00e9cr\u00e9tant que l’irrepr\u00e9sentabilit\u00e9 d’une r\u00e9alit\u00e9 non donn\u00e9e n’offre d’objection ni \u00e0 son existence ni \u00e0 la possibilit\u00e9 de la conna\u00eetre, il \u00e9tend bien au transcendantal la possibilit\u00e9 de la connaissance dont il avait pr\u00e9alablement solidifi\u00e9 le domaine. Le r\u00e9ductionnisme dont on accuse l’hypoth\u00e8se analytique n’est donc justifi\u00e9e qu’en terme \u00ab\u00a0proc\u00e9dural\u00a0\u00bb. En aucun cas, elle ne cherche \u00e0 \u00e9tr\u00e9cir ou \u00e0 s\u00e9parer du \u00ab\u00a0domaine de la vie\u00a0\u00bb une parcelle born\u00e9e au rabais o\u00f9 pourrait s’exercer en vase clos et sans risque une pens\u00e9e d\u00e9charn\u00e9e. \u00c0 l’oppos\u00e9 des convictions de nombre de ceux qui la critiquent sans l’avoir approch\u00e9e – ou de ceux qui en ont fait autre chose que ce qu’elle \u00e9tait sous la plume de Moritz Schlick – elle ne fait pas qu’affermir le domaine de la connaissance, elle l’\u00e9tend.<\/p>\n\n\n\n

Nous avons vu depuis longtemps […] que la connaissance ne peut ni ne <\/em>veut rendre pr\u00e9sent ce qui est connu, ne faire qu’un avec lui, en avoir imm\u00e9diatement l’intuition, mais seulement coordonner et mettre en ordre. Le fait que la connaissance r\u00e9alise pr\u00e9cis\u00e9ment cela et rien d’autre ne constitue pas sa faiblesse mais sa <\/em>nature. <\/em><\/p>\n\n\n\n

En plus de renvoyer \u00e0 l’origine d’une pens\u00e9e majeure avant m\u00eame qu’elle ne d\u00e9vie vers ce qui fera son immense succ\u00e8s – certes en la d\u00e9naturant quelque peu – , la Th\u00e9orie g\u00e9n\u00e9rale de la connaissance<\/em> permet d’approcher de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale la probl\u00e9matique de la connaissance. Penseur rigoureux et excellent p\u00e9dagogue, Moritz Schlick, avant de les passer pour ses propres fins au fil de sa critique, d\u00e9plie en effet avec brio et \u00e0-propos les lin\u00e9aments ou apories qui pr\u00e9sident aux diverses mani\u00e8res d’envisager ce qu’est conna\u00eetre. La notion de concept, celle – si pratique – de l’\u00e9vidence, les th\u00e8ses n\u00e9okantiennes, l’opposition immanence-transcendance, le ph\u00e9nom\u00e9nalisme, etc. : au-del\u00e0 de sa pr\u00e9tention \u00e0 y apporter des \u00ab\u00a0solutions\u00a0\u00bb, ce livre majeur est donc aussi une fabuleuse introduction et \u00e0 la philosophie analytique et \u00e0 l’\u00e9pist\u00e9mologie. Alors que nous voyons germer aujourd’hui toujours plus de tentatives d’en resserrer le champ – voire, sous pr\u00e9texte qu’elle serait responsable de tous nos maux, de l’annihiler – il est bon de lire un ouvrage o\u00f9 puisse se v\u00e9rifier dans toute leur richesse les possibilit\u00e9s que continue de rec\u00e9ler la raison.<\/p>\n\n\n\n

Moritz Schlick, Th\u00e9orie g\u00e9n\u00e9rale de la connaissance<\/em>, Gallimard, trad. Christian Bonnet.<\/strong><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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