Akhmatova, Anna – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Poèmes épars et fragments » de Anna Akhmatova. https://www.librairie-ptyx.be/poemes-epars-et-fragments-de-anna-akhmatova/ https://www.librairie-ptyx.be/poemes-epars-et-fragments-de-anna-akhmatova/#respond Mon, 08 Jan 2018 08:40:30 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7350

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Que laisse un auteur au bord de son chemin éditorial? Que n’inclut-il pas dans ce qu’il désire voir éditer de son vivant? Que rejette-t-il de ce qui, pour lui, constitue recueil? Que laisse-t-il en dehors?

……………………………

…. Et là-bas un jonc oscille

Sous la main légère d’une ondine.

Ensemble le soir nous rions

De ce qui n’est plus, de ce qui fut,

Mais ce jeu singulier

Je l’ai tant aimé, soumise…

Certes, on peut laisser de côté ce qui ne convient pas, qui est imparfait, qui, quand bien même sans cesse on l’ait remis sur le métier, ne satisfera jamais. On peut aussi écarter du recueil ce qui ne s’y insérera pas, car échappant à sa « thématique », son « ambiance » ou sa « chronologie ». Mais parfois l’auteur est aussi amené à laisser de côté des pans de son travail pour la raison même qu’ils sont parfaits. C’est souvent cette impression que laissent en nous les poèmes d’Akhmatova rassemblés ici.

Parfois achevés, qu’ils soient de circonstance ou adressés à quelqu’un de sa connaissance alors qu’elle travaillait sur un recueil, parfois juste constitués d’un simple fragment, les poèmes rassemblés ici, s’ils n’étaient tous pas destinés à être publiés, ne l’étaient donc certainement pas tous pour les mêmes raisons. A côté de ceux qui furent « abandonnés » pour des raisons évidentes, et qui, souvent achevés, nous rappellent la Akhmatova des grands recueils, nous touchent surtout ces fragments, ces bouts de quelque chose issus d’on ne sait où ou arrachés d’on ne sait quoi. A la beauté fragile, ils  paraissent nous renvoyer à ce qui fonde, précisément, le charme et la raison d’être même du fragment. Parfaits car incomplets, hors contexte car trop originaux que pour être rattaché à aucun, ils semblent n’être restés à l’état fragmentaire que parce que son auteure n’avait pu se résoudre à voir s’en dissoudre l’originalité et la force dans quelque chose de plus large. Comme si elle avait senti que c’est ce qui eût pu l’achever ou le continuer qui en eût rompu l’équilibre. Comme si, complétés, ou insérés dans un ensemble qui les eût subsumé, ces fragments en avaient perdu irrémédiablement ce qui faisait leur substance. Ces poèmes épars et fragments sont des joyaux. Ils brillent d’eux-mêmes, seuls et parfaits.

Pensez à moi,

Je vis dans un piège,

J’ai peur des rencontres imprévues

Anna Akhmatova, Poèmes épars et fragments, 2017, Harpo &, trad. Christian Mouze.

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« Elegies » de Anna Akhmatova. https://www.librairie-ptyx.be/elegies-de-anna-akhmatova/ https://www.librairie-ptyx.be/elegies-de-anna-akhmatova/#respond Tue, 04 Dec 2012 11:25:12 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=1643

Lire la suite]]> D’habitude, on est plus personnel.  Mais ici, on fait nôtres les commentaires lumineux du traducteur Christian Mouze.

LE VERBE D’AKHMATOVA fusionne les mondes, les bonheurs, les blessures.  Et l’histoire devient l’histoire d’une conscience.  La société marquée c’est aussi l’âme marquée : la guerre russo-japonaise et le désastre de Tsou-Shima (la flotte russe détruite), les procès des années trente…  Il y a une double alchimie des mots du poète avec la résonance sociale qui prend un timbre intime et l’évènement particulier qui rejoint l’universel.  Cet univers qui scintille au fond du miroir du coeur, si l’on entend par celui-ci, selon Boris Vychelavstev (1877-1954), philosophe explusé de Russie par Lénine, avec tant d’autres (la fameux bateau des philosophes, emportant sur la mer baltique le fleuron de l’intelligentsia russe, en 1922), si l’on entend par le mot coeur « le centre secret de la personne, le lieu qui recèle la totalité de sa valeur et de son éternité ».  Akhmatova est bien le poète de ce centre et de ce lieu qui appartiennent à tous.  C’est pourquoi le lot du poète, chaque lecteur en éprouve toute la force, comme s’il était le seul à le reconnaître, comme s’il était son lot.  Mais nous ne connaissons vraiment que ce qui en retour nous reconnaît.  Si l’acte de lire (et à plus forte raison l’acte de traduire) est à soi-même faire connaître, c’est également un acte de reconnaissance.  C’est reconnaître dans toute l’acceptation du mot.  Le lecteur/traducteur sent une affinité avec l’être intérieur qu’apporte le poème.  Le poème est ce fil noir qui traverse le jour et ce fil blanc qui traverse la nuit, ce courant limpide qui filtre l’argile humaine.  Akhmatova c’est le temps, l’espace (l’espace intérieur et l’espace social : deux faces indissociées) et le sentiment ; l’histoire naturelle de l’homme et de ses maux, source des mots.  Il y a dans En route, dans les Elegies ce sol commun d’une âme et de la mémoire collective et ce manteau des mots partagés avec son peuple (« là où mon peuple était » écrivait-elle déjà dans le Requiem) pour aller par les rigueurs du siècle.  Chaque poème d’Akhmatova est une scène intimiste et sociale, un jeu de reflets des êtres, des heures, des objets, du souvenir, de leur passage, de leur interrogation, de leur destruction.  Un théâtre de toute la vie de tous.  Et la scène est mouvante.  Ici, avec les années, théâtre crépusculaire de l’incarnation d’une âme dans son destin et dans l’Histoire.  Chaque poème est le fruit exprimé de la vie.  C’est parfois âcre, âpre, l’âpre et âcre fraîcheur des fragments de la septième élégie.  Akhmatova n’y va pas de main morte.  Ce n’est pas du demi-mot.  Elle retourne profond la terre mêlée de fer, de l’histoire soviétique, Pour le poète, sans la rudesse d’ici et de ses houles, point de paix retrouvée au coeur du verbe.  Mais la dureté même de la septième élégie a fait qu’elle ne fut jamais achevée : comment en finir avec le malheur et le crime?  Comment refermer et conclure ce qui ne peut, ce qui ne doit pas l’être mais n’a de sens qu’à rester blessure ouverte?  Telle, la septième élégie, éclatée en fragments, où la violence fait le siège de l’intérieur.  Telle, en dépit de tout, domine la note d’un CHANT INVAINCU.

Bref, c’est beau.  Et en plus l’objet livre l’est tout autant.

Anna Akhmatova, Elegies, 2012, Harpo &.

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