Minard, Céline – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Le Grand Jeu » de Céline Minard. https://www.librairie-ptyx.be/le-grand-jeu-de-celine-minard/ https://www.librairie-ptyx.be/le-grand-jeu-de-celine-minard/#respond Wed, 19 Oct 2016 07:29:45 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6156

Lire la suite]]> Le Grand JeuJe dois savoir si la détresse est une situation, un état du corps ou un état d’esprit.

La narratrice vient d’acquérir un domaine de 200 hectares en pleine montagne. Culminant à 2728 mètres, constitué de prés, de bois, de parois vertigineuses, d’un lac, ce domaine inhabité est l’occasion pour elle de réaliser un étrange et radical projet. Ayant équipé une paroi d’un module de vie, elle décide de se retrancher – tout laissant à penser que cette décision est définitive – dans ce lieu et d’y organiser son existence en totale autonomie.

Je travaille à mon détachement.

Sans plus aucun contact avec d’autres, ses journées et nuits sont rythmées par les tâches quotidiennes que requiert sa subsistance, ses longues séances d’entrainement en paroi, et de profonds questionnements. Le tout prenant peu à peu les teintes de l’habitude. Jusqu’à ce qu’elle découvre que ce coin de montagnes est moins désert qu’elle ne le croyait.

Peut-on s’oublier au point de s’accueillir? 

Le détachement complet de soi, la rupture d’avec son moi sensible, l’ataraxie, tout cela présenté comme des buts en soi, confèrent au stylite, à l’anachorète, ou à l’hyper-sportif contemporain, l’image de ceux qui trouvent dans leur activités de détachement les raisons mêmes de leurs actes. Et leur isolement, s’il n’en est pas la finalité, semble du moins l’un des actes indispensable par lequel ils pourraient accéder à leurs fins. Chez l’ermite, l’autre paraît nié. Et le jeu (grimper sur une colonne, jeûner, courir à s’en épuiser…) semble trouver en lui ses propres significations. Il en vaut, par lui même, la chandelle.

La promesse et la menace sont-elles deux façons d’évaluer et de traiter le risque inhérent à toute rencontre humaine? Deux possibilités de transformer la violence?

L’autre est, qu’on le veuille ou non, perçu soit comme une promesse, soit comme une menace. Et cela indépendamment des intentions qu’il manifestera. C’est nous-mêmes qui façonnons et faisons incarner par l’autre les craintes ou les espérances que revêt notre rencontre avec lui, ainsi que nos capacités à l’accueillir ou le combattre.

L’autre est un risque. Certes. Mais, comme le suggère avec une subtilité rare Céline Minard, on ne s’entraîne pas pour sauver sa peau, mais, au contraire, pour pouvoir la risquer.

Céline Minard, Le Grand Jeu, 2016, Rivages.

 

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« Faillir être flingué » de Céline Minard. https://www.librairie-ptyx.be/faillir-etre-flingue-de-celine-minard/ https://www.librairie-ptyx.be/faillir-etre-flingue-de-celine-minard/#respond Fri, 04 Oct 2013 07:35:31 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3317

Lire la suite]]> Faillir-etre-flingue-Minard_w525Les choses, les gens et les évènements arrivaient comme il était lui-même arrivé au monde et il lui fallait les accueillir.

Dans une vaste contrée des Etats-Unis se côtoient, se combattent, s’entraident des indiens, des blancs, des bandits de grands chemins, des gardiens de vaches ou d’ovins, des tenancières de bar et des barbiers.  Dans les mêmes mains passe un archet puis un calumet de la paix.  Un couteau à scalp puis un six-coups.  Sous les coups de feu, les scalps, la violence, se devinent les désirs et les répulsions d’une humanité à la frontière de l’errance et de la sédentarité, de l’autarcie et du commerce.

Ce que les blancs cherchaient et redoutaient tout ensemble, c’était le souffle de la vie sauvage, crue, impitoyable, désentravée.

Sur un terre plus tout à fait vierge, mais où les traces qu’il y laisse n’ont pas encore gravé profondément de chemin, l’homme de « Faillir être flingué » est comme pleinement livré à ses ambivalences.  Le même geste vers l’autre peut déclencher sa fureur ou son attachement.

Jeff marchait à grands pas et pensait aux hommes, à ce qui les relie, aux fusils et aux formes que prend la curiosité irrépressible des uns pour les autres.

C’est des balbutiements d’un commerce naissant dont nous parle ici Céline Minard.  D’un commerce dont on ne sait, à sa naissance, où il mènera ceux qui l’entreprennent.  D’un commerce qui est encore une aventure.  Qui, à mille lieues de ce qu’il est devenu (ou de l’image que l’on en a), ne peut œuvrer à la mise en liens des êtres qui le pratiquent que grâce aux risques mêmes qui lui sont inhérents.  Un commerce forcément mouvant.  Où chacun sait encore que la possession va de pair avec la menace de perdre ce qu’on possède.

J’aime beaucoup le plaisir mais je n’essaie pas de m’y installer.

Les êtres chez Céline Minard sont en perpétuel départ.  Leur vie est pleinement vraie.  Et ne l’est que parce qu’elle est à tout moment totalement mise en jeu.  Tout est moins dans le « flingué » que dans le « faillir ».  Souple, toute en rythme, disant les craintes, les peurs, les désirs des personnages avec moins de détachement froid que de pudeur, son écriture est elle-même enjeu.  Et en se glissant dans les anfractuosités d’un monde qu’elle saisit au moment précis de sa survenue, Céline Minard réussit à installer sur la page un équilibre fragile qui en témoigne sublimement.

La piste était visible comme un trait sur une page blanche.

Céline Minard, Faillir être flingué, 2013, Rivages.

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