Ourednik, Patrick – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « La fin du monde n’aura pas eu lieu » de Patrick Ourednik. https://www.librairie-ptyx.be/la-fin-du-monde-naura-pas-eu-lieu-de-patrick-ourednik/ https://www.librairie-ptyx.be/la-fin-du-monde-naura-pas-eu-lieu-de-patrick-ourednik/#respond Mon, 16 Jan 2017 11:46:17 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6538

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Vous avez acheté mon livre? Vous avez eu tort.

La fin du monde reste une question sensible. Comme l’est, et pour des raisons peut-être pas si différentes, celle du futur antérieur. A notre époque où fleurissent les allusions eschatologiques, recoupant toutes les tendances – idéologiques, écologiques, religieuses, etc… – il n’est pas vain de rappeler que l’apocalypse est une mode ancestrale, qu’il n’est donc plus – du moins dans son acception commune – « à la mode » et donc que la fin du monde est un sujet éminemment original… Dans le même registre tortueux, qu’implique une négation appliquée à une phrase conjuguée au futur antérieur, si ce n’est que le fait qu’elle conjuguait – ici, la fin du monde – n’est pas certain? Ou plutôt, n’est plus certain, la négation impliquant le retour sur la certitude préalablement posée? Poser donc la non-certitude de la fin du monde en utilisant pour ce faire le futur antérieur dans un livre de fiction qui tournerait autour de la question de l’eschatologie reviendrait dès lors à placer le lecteur dans cette situation : si je lis cela, c’est donc que la fin du monde n’a pas eu lieu. Situation ubuesque, certes, mais sommes toute classique. On ne compte pas les romans, contes, fables, proses poétiques en vers, et autres genres qui ne s’y soient essayés avec plus ou moins de malheur.

-C’est bien triste, tout ça.

-Disons que ce n’est pas gai.

La différence, notable, est qu’ici le projet est bien de ne nous le faire regretter! Oui, da! Le constat, franc du collier, est en effet glaçant : comment se réjouir de la persistance d’un monde aussi crétin, où plaisanter ne se peut plus qu’en prévenant qu’on plaisante, où les crétins mous sont tués par les crétins sanguinaires, où les abrutis démocrates, devenus démocratiquement majoritaires, dénoncent, du fond de leur canapé, l’impossibilité à pouvoir exprimer librement une opinion dans les pays non démocratiques, alors qu’ils ont perdu la faculté de s’en forger une depuis belle lurette, et dont l’essence peut être tout entière résumée dans cette assertion :

La devise du Luxembourg était « Nous voulons rester ce que nous sommes ». 

Franchement, un monde pareil, il faudrait soi-même être devenu un parfait crétin, pour – à l’identique du luxembourgeois aspirant à demeurer ni plus ni moins qu’un luxembourgeois – aspirer à le voir perdurer…

Alors oui, évidemment, un dilemme se fait jour. Car regretter que la fin du monde n’a pas eu lieu impliquerait de facto, regretter notre lecture de La fin du monde n’aura pas eu lieu, rendue seule possible par la non-survenue de cette fin du monde ardemment souhaitée. Reste alors, à défaut de résoudre ce dilemme et de regretter qu’elle n’a pas eu lieu, ni qu’elle n’aura pas eu lieu, à espérer qu’elle aura bien lieu et à se réjouir, en lisant La fin du monde n’aura pas eu lieu, qu’elle vienne mettre un terme, définitivement, à ce à quoi elle n’aura, jusqu’alors, pas encore mis un terme.

Si c’est pas chouette.

Patrick Ourednik, La fin du monde n’aura pas eu lieu, 2017, Allia.

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« Classé sans suite » de Patrick Ourednik https://www.librairie-ptyx.be/classe-sans-suite-de-patrick-ourednik/ https://www.librairie-ptyx.be/classe-sans-suite-de-patrick-ourednik/#respond Mon, 06 Feb 2012 11:05:54 +0000 http://ptyx.argon7.net/?p=142

Lire la suite]]> L’année est déjà bonne.  Les éditions Allia ont le bon ton de ne pas nous donner à lire un seul mais bien deux nouveaux opus de Patrick Ourednik, l’auteur du jouissif Europeana, une brève histoire du XX ème siècle.  Joie donc!

Que classe t’on sans suite si ce n’est ce qui n’offre pas une cohérence univoque.  Ce dont on ne peut ramener les parties éparses vers un tout rassembleur qui viendra les conclure.  Classé sans suite, par son titre, prévient déjà, lucide sur son destin et le revendiquant presque.  Un vieillard misanthrope, un enquêteur cultivé, une suicidaire, un viol douteux, un meutre vieux de quarante ans, des incendies…  Et d’autres personnages et événements que malgré les tentatives (bien moins celles des divers personnages que celles du lecteur), rien ne viendra unifier.  Car le but n’est pas là.  Le lecteur ne doit plus être ce dédoublement de l’enquêteur, ce réceptacle en quoi va se cristalliser la rassurante raison d’être du texte.  Et l’appel au lecteur n’est plus simplement classique mise en abyme, invite à rejoindre le carcan de l’oeuvre, mais appel à sa propre responsabilité.

« LECTEUR!  Notre récit vous paraît dispersé?  Vous avez l’impression que l’action stagne?  Que dans le livre que vous tenez en main, il ne se passe au fond rien de très remarquable?  Gardez espoir : soit l’auteur est un imbécile, soit c’est vous ; les chances sont égales.  D’autres trépassèrent, oyez ! nous mourrons tous !  Qui c’est qui sait comment ça finira?  On s’embrouille parfois dans sa propre vie sans s’en apercevoir ; il en va de même pour les personnages de roman. »

S’il y a raison d’être du texte, elle n’est pas rassurante car tel n’est pas son but.  L’oeuvre traditionellement dite réaliste offre au lecteur le cocon d’une fin unifiante, qui vient éclairer ce qu’elle précède, lui donner « sens ».  En cela, elle s’écarte fondamentalement du réel (oui mais c’est quoi le réel?).

« Quant au lecteur, il a définitivement compris qu’il n’y comprendra définitivement rien : que peut fournir une chute plus sensée à un roman? (…) Oui !  Nous naissons dans un roman dont le sens nous échappe et le quittons sans avoir rien compris. »

La raison d’être du roman est qu’il n’y en a pas.  Et ce qu’il doit exprimer est cela-même.  Mais ce qu’il exprime aussi, dèjà par sa seule présence sous nos yeux, c’est qu’on peut être sans raison.  Que la découverte de son non-sens est sans doute ce qui permet à l’être de se goûter le plus pleinement.  La vie est une farce dont il nous est permis de rire, jusqu’à l’éclat.

« …arriver à exprimer son crétinisme avec toute l’autorité que cela suppose est pour les Tchèques l’ambition suprême, juste après la collaboration fructueuse avec les puissances du moment et l’entretien des nains de jardin. »

Patrik Ourednik, Classé sans suite, 2012, Allia

Patrik Ourednik, Le silence aussi, 2102, Allia (Pas encore lu.  Etalons les plaisirs)

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