Raphoz, Fabienne – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Parce que l’oiseau » de Fabienne Raphoz. https://www.librairie-ptyx.be/parce-que-loiseau-de-fabienne-raphoz/ https://www.librairie-ptyx.be/parce-que-loiseau-de-fabienne-raphoz/#respond Tue, 02 Jan 2018 08:24:29 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7317

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Mais je préfère parler des oiseaux.

Nous vivons dans le bruit. Non nécessairement que ce soit le niveau sonore atteint qui rende la chose remarquable, mais bien plutôt l’indiscernabilité dans laquelle tout s’y fond. Un klaxon, un chant d’oiseau, un cri de haine, un murmure énamouré, rien n’en émergera pour l’auditeur qu’en raison de la façon dont son volume tranchera par rapport au fond. Le chant de l’oiseau est peut-être aussi cela qu’il convient d’arracher d’un fond dont on ne discerne plus rien. Pas même qu’il y en a un, de fond.

J‘écris comme d’autres dansent la tarentelle. 

Dans Parce que l’oiseau, nous suivons Fabienne Raphoz dans ses ballades ornitophiles. Nous apprenons à mieux connaitre ses hôtes du Quercy : Lady Hulotte, Front-Blanc, Tête noire, et d’autres. Entre divagation, journal, essai ornitophile et méditation sur les langues, Parce que l’oiseau nous parle bien d’oiseaux. Mais, à travers les oiseaux et surtout la relation qu’une amatrice entretient avec eux, c’est presque l’essence de toute relation qui nous est donnée à lire. Car la relation, c’est bien ce qui lie comme ce qui est raconté.

Nommer, ce n’est peut-être pas tant exercer du pouvoir sur ce qui nous entoure, que naître de concert avec ce qui nous en distingue : le langage, du moins notre langage. Nous parlons et ne comprenons pas ceux qui – nous – parlent peut-être aussi dans cette langue ésotérique de cris et de chants, et je me rêve souvent en Champollion décryptant la pierre de rosette orale de leur syrinx.

Nommer, c’est la première puissance de l’enfant qui a tôt fait de virer les ensembles, les regroupements, les généralités, pour affecter son « Teddy Bear » à lui d’un nom que ce « bear » partagera avec lui seul dans son latin d’enfant.

Nommer c’est peut-être posséder, mais sans dommage co-latéraux, voire, c’est aller plus loin, c’est dépasser le stade de la possession : l’enfant se dit d’abord « cet ours, c’est le mien », mais quand il le nomme, le considérant autre, pour parler avec lui, l’enfant sait que l’ours lui répond, l’enfant lui aura inventé les réponses qu’il entendra d’une fenêtre intérieure ouverte sur le langage de l’altérité, en confidence.

Et puis, surtout, nommer, c’est bien ineffacer ce qui nous entoure, parce que les espèces, comme les individus, évoluent, parce que les espèces et que les individus meurent.

L’exercice de l’ornitophile est d’entendre d’abord, de nommer ensuite. Double mouvement qui nécessite d’abord l’attention – celle qui permet d’à nouveau discerner le différent dans le champ du même – puis le langage – par lequel on transcrit dans un idiome partagé par d’autres la parole mystérieuse que l’on en aura extraite. Quelque chose nous échappera toujours de la signification des chants des oiseaux. Y être attentif, tenter encore et encore de les reconnaître et les nommer, permet de nous rappeler qu’il n’est parfois pas plus mal d’accepter, à défaut de la comprendre, l’irréductible part de mystère qui résidera toujours dans la différence.

Fabienne Raphoz, Parce que l’oiseau, 2018, Corti.

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« Blanche baleine » de Fabienne Raphoz. https://www.librairie-ptyx.be/blanche-baleine-de-fabienne-raphoz/ https://www.librairie-ptyx.be/blanche-baleine-de-fabienne-raphoz/#comments Mon, 20 Mar 2017 09:29:53 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6752

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Fossile dit

       l’âge de la roche

Nautile 

       celui du temps

 

Le Yucatan et son désert recèlent parmi les plus impressionnantes collection de fossiles au monde. Dont, récemment découvert, l’un d’une baleine saisie dans l’argile depuis près de deux millions d’années. Le Mont-Blanc, on le sait depuis déjà longtemps, est un bout d’Afrique. Il se pourrait enfin que l’intuition du multivers formulée en leur temps par Lucrèce ou Bruno puisse trouver bientôt des bases vérifiables. Dans le présent, on trouve des parcelles de passé. Dans un lieu, des traces de ce qui en est le plus éloigné. Dans un univers, la possibilité d’autres. Nous sommes partout, et comme toujours, à la croisée des chemins.

 

conte premier

nous contient

 

Si l’ailleurs est ici et le hier maintenant et que la géologie, la paléologie ou la physique quantique l’attestent, encore faut-il l’exprimer.

 

trou de ver

c’est le poème!

 

La poésie n’est pas ce qui vient expliquer ou justifier notre monde mais, avec les mots de celui-ci, ce qui nous donne accès à d’autres. Ceux prétendument disparus dans le temps, ceux croit-on inconnus dans l’espace. En conjuguant ce que révèle de « nous » l’exhumation de ce que contient notre terre de plus ancien à ce que « notre esprit » fabrique de plus radicalement neuf, la poésie de Fabienne Raphoz, paléographe et quantique, se fait à la fois trace de ce dont nous provenons et signe d’un ailleurs radical. C’est la baleine qui nous pense. C’est le troupeau qui suit la piste des bêtes. Dans les mondes que sa poésie érigent, l’hégémonie humaine est défaite, cause et conséquence s’inversent. Et c’est dans ces entre-deux que sa poésie permet que résident les conditions d’une découverte renouvelée de nous-mêmes.

 

le migrateur lisse l’air

aux cols

pas la roche

ni l’hiver

 

Comme elle est pensée à la croisée des temps et des espaces, la poésie de Fabienne Raphoz se doit aussi d’en être faite. Convoquant son et graphie, langages d’hier et de demain, paroles de bêtes et du vent, elle est toute diversité et influence. Mais, surtout, aux antipodes d’un syncrétisme forcément réducteur, en accueillant ces diversités et ces influences plutôt qu’en cherchant à les synthétiser, elle nous offre des moments d’une beauté rare et nécessaire.

 

est à portée de vers

ce

là qui rude aura

duré de la trace enrochée

 

Fabienne Raphoz, Blanche baleine, 2017, Héros-Limite.

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