Trawny, Peter – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 De la préface. https://www.librairie-ptyx.be/de-la-preface/ https://www.librairie-ptyx.be/de-la-preface/#respond Thu, 05 Oct 2017 13:25:28 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7189

Lire la suite]]>  

Il arrive parfois que des textes se télescopent, par delà même les langues, les temps ou les volontés réciproques de leurs auteurs. Placés côte à côte sur une table – après lecture bien entendu -, c’est parfois simplement cette proximité de hasard qui révèle au libraire un texte grâce à un autre, leur mise en rapport physique éclairant ce qui jusque là, dans leur lecture séparée, avait laissé le lecteur gêné, insatisfait, voire indifférent.

 

Dans Heidegger, Une introduction critique, Peter Trawny, spécialiste reconnu mais polémique du philosophe allemand, se propose, comme l’indique le titre de son livre, d’introduire à la pensée d’Heidegger en n’occultant rien des dernières découvertes à son propos. Ce livre, lui-même enrichi d’une double introduction, peut donc être lu comme la préface critique et circonstanciée à l’oeuvre du génie allemand. Dans Préface aux œuvres posthumes de Spinoza, Jarig Jelles traduit et introduit le texte latin (lui-même traduit du néerlandais) qui préfaçait les Œuvres posthumes de Spinoza, parues en novembre 1677. Cette préface, pourtant écrite par des proches de l’illustre auteur et faisant partie constituante de notre première découverte de l’Ethique, ne fut jusqu’à aujourd’hui jamais traduite en français.

Dans les deux introductions comme dans le corps du texte de Heidegger, Une introduction critique, il est fait à ce point abondamment référence à l’antisémitisme exhumé dans les désormais fameux Cahiers noirs, que ce début de lecture critique de l’oeuvre heidegerienne en fait plus que son filtre de lecture privilégié. Non seulement lire Heidegger ne se peut sans omettre sa haine du juif, mais celle-ci en devient de facto le seul prisme éthiquement possible. Qu’on s’en défende (comme Trawny) ou qu’on y fonde les raisons de s’en interdire la lecture, par les commentaires seuls qui s’y attellent, la haine du juif innerve toute l’Oeuvre. Dans la Préface aux œuvres posthumes de Spinoza, Jarig Jelles nous donne à lire, par l’entremise de son préfacier, un Spinoza chrétien, attaché à sauver Dieu, la foi et le Christ. Aux antipodes de la lecture agnostique que fera le vingtième siècle français de son oeuvre, le préfacier du dix septième inscrit bien celle-ci, non dans une volonté de rébellion ou de refonte religieuse, mais dans le projet de construire un système qui soit bien conforme aux impératifs religieux de son temps.

D’un côté nous avons une introduction qui pèse et soupèse les conséquences sur l’oeuvre de l’engagement antisémite de son auteur. De l’autre nous avons une préface, oubliée depuis 350 ans, qui atteste de l’ancrage chrétien d’un auteur. Le premier texte, pourtant désireux de marquer qu’elle ne s’y limite pas, borne in fine une oeuvre aux errements les plus coupables de l’époque qui l’a vu naître. Le second réaffirme l’inscription dans son temps d’une oeuvre dont la postérité l’en avait radicalement disjointe.

Ce que nous rappelle la juxtaposition de ces deux préfaces, par le contraste qu’instituent les  réceptions des livres qu’elles introduisent respectivement, « l’oubli » (oubli bien plus souvent forcé qu’aveugle) du con-texte est au moins aussi imbécile que sa surenchère. Une Ethique débarrassée de Dieu est aussi absurde qu’un Etre et temps essentiellement antisémite. « Dépoussiérer » une oeuvre des marques du temps de son écriture, la rendre « actuelle », compréhensible en dehors de son carcan temporel, ne peut se faire au mépris de sa réalité. Lui dessiner des contours précis, l’incarner dans son époque et les schémas socio-politiques que partageait son auteur avec ses contemporains ne doit pas revenir à l’ensevelir sous ces contours. A défaut, on fait de Spinoza un athée, de Heidegger un antisémite et juste un antisémite, de Nietzsche un prophète de la gauche et d’Alexandre Jardin un écrivain…

Peter Trawny, Heidegger, une introduction critique, 2017, Le Seuil, trad. Marc de Launay.

Jarig Jelles, Préface aux œuvres posthumes de Spinoza, 2017, Allia.

]]> https://www.librairie-ptyx.be/de-la-preface/feed/ 0
« Heidegger et l’antisémétisme. Sur les Cahiers noirs » de Peter Trawny. https://www.librairie-ptyx.be/heidegger-et-lantisemetisme-sur-les-cahiers-noirs-de-peter-trawny/ https://www.librairie-ptyx.be/heidegger-et-lantisemetisme-sur-les-cahiers-noirs-de-peter-trawny/#respond Thu, 11 Sep 2014 07:58:01 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4451

Lire la suite]]> HeideggerEst-il possible de penser sans Heidegger?  Sans doute.  Mais il est plus compliqué de le faire après Heidegger.  Est-il possible de penser avec Heidegger après la parution de ses Cahiers noirs?  La question émeut et clive.  Et d’autant plus depuis les « fuites » relatives aux assertions supposées d’un Heidegger supposé antisémite.

Nous sommes assurément voués aux suppositions.

Alors même que d’aucuns trouvaient dans des on-dit, des informations de seconde main ou divers documents privés, de quoi instruire des procès, moins à charge et décharge, qu’il ne procédaient souvent d’une intention, l’ambition de Peter Trawny est bien de s’ancrer dans les faits d’un discours désormais disponible pour le confronter à la construction philosophique de qui l’a tenu.

Il y a un antisémitisme dans la pensée de Heidegger qui, comme on peut s’y attendre de la part d’un penseur, reçoit une justification philosophique (impossible), mais qui, malgré cela, ne va pas plus loin que deux ou trois lieux communs stéréotypés.  La construction ontologique aggrave son cas.  C’est elle qui a mené à la contamination de cette pensée.

La pensée heideggérienne, selon Trawny, fut donc contaminée par l’antisémitisme. Et cela, sous les « ors » les plus vulgaires de celui-ci.  « Concept » du complot juif internationaliste, de la juiverie, inhérence des rapports convulsifs avec l’argent à une race juive fantasmée, le juif de Heidegger qui nous est donné à lire dans les Cahiers noirs est bien celui du commun.  Là ou le bât de la pensée blesse, c’est où elle fut le plus chargée du vulgaire.  Le « on » condamné par Heidegger est celui-là même où il se complaît lorsqu’il évoque le juif.  Si, effectivement, les citations extraites des Cahiers noirs laissent peu de marge quant à leur interprétation stricte (oui, elles sont antisémites), elles ouvrent le champ (comme tout peut l’ouvrir) à nombre d’hypothèses.  Il a dit cela parce que ceci.  Il a dit cela parce que ça.  Tout est œuvre d’hypothèse.  Mais le propre de l’hypothèse est bien aussi que s’y reconnaît la possibilité, à même échelle de validité, de son exact contraire.  Et qui s’échine à vouloir sauver (ou couler) Heidegger à tout prix en vient alors à en tenir d’aucunes qui ne peuvent trouver de légitimité qu’en elles-mêmes.  Jusqu’à supposer (encore supposer), dans le chef de qui a tenu les propos faisant débat, pour le sauver mieux encore, une interprétation de l’interprétation future de ceux-ci.

La dissimulation des Cahiers noirs ainsi que la demande de les publier à la toute fin des œuvres complètes n’étaient-elles pas liées à l’intention de Heidegger de nous montrer à quel point sa -la- pensée a pu s’égarer?

A force de vouloir expliquer, qui plus est à la lumière de sa propre philosophie, la teneur de propos si bêtement communs, on en oublie que peut-être, justement, ils n’éclairent ni n’obscurcissent rien.  Peut-être sont ils juste bêtes et communs?  Peut-être ne sont ils tenus que pour cela?  Parce que communs, ils sont, c’est un truisme, partagés par tous.  La pensée a ses trous, ses vides, ses manques.  Comme qui pense a ses absences.  Faut-il pour cela faire de ceux-ci, de ces penseurs, des fabricants de gouffres?  A force d’apparenter des propos à des énigmes qu’il s’agit absolument de déchiffrer, de résoudre, on en oublie souvent une (d’hypothèse) : qu’il n’y ait pas énigme.  Que hors l’économie d’une pensée, ces propos ne seraient alors, glacials et abominables, que l’expression de l’inscription (et non sa contamination) de celle-ci dans un temps.

Peter Trawny, Heidegger et l’antisémitisme. Sur les Cahiers noirs, 2014, trad. Julia Christ et Jean-Claude Monod.

]]> https://www.librairie-ptyx.be/heidegger-et-lantisemetisme-sur-les-cahiers-noirs-de-peter-trawny/feed/ 0