Mallarmé – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Ebauche de Mallarmé » de Jean-Jacques Gonzales. https://www.librairie-ptyx.be/ebauche-de-mallarme-de-jean-jacques-gonzales/ https://www.librairie-ptyx.be/ebauche-de-mallarme-de-jean-jacques-gonzales/#comments Tue, 01 Apr 2014 07:36:58 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3821

Lire la suite]]> ebauche de mallarmé« Ma chère Fanny,

Ma bonne amie.

Je te promets d’être sage

A tout âge

Et de toujours t’aimer.

Stéphane Mallarmé »

Quand Mallarmé, dont le poème ci-dessus est la première trace conservée de l’expression poétique (à huit ans), devient-il Mallarmé?  Ce moment même où se produit ce basculement pour Mallarmé (ou pour tout autre) est-il détectable?  Existe-il d’ailleurs?  N’est-il pas que le produit de la facilité d’esprits qui se rassurent de trouver dans un « tournant » bien identifiable le signe d’une œuvre?  Y a-t-il un signe qu’une ébauche a eu lieu?

Mallarmé commence à naître dans un intervalle, une inflexion qui prend apparence dans une complexification de la syntaxe qui, pour l’instant, n’est qu’obscurité, cependant ouverture à autre chose que les parois de la forme héritée.  Mais c’est imperceptible.  Ce n’est visible que parce que Mallarmé est devenu Mallarmé.  Sinon rien.

Le 2 août 1868, Mallarmé attend Cazalis, l’ami de toujours.  Il a quitté Tournon deux ans auparavant.  Il sort de sa première crise d’Hérodiade.  Il vient d’envoyer une dizaine de jours auparavant au même ami fidèle son sonnet en yx, ou du moins la première version de celui-ci. En mettant en exergue ce moment, en s’arrêtant, le temps d’un récit, sur un Mallarmé qui attend l’ami absent, lui ayant écrit ce premier poème d’après l’échec d’Hérodiade, Jean-Jacques Gonzales, en en faisant le point de bascule chronologique de l’œuvre, montre aussi quel est en le centre poétique.

métamorphoser le vide – en le laissant indemne-.

Dans cette tâche épuisante que de dire le langage, Mallarmé s’est investi démiurge de l’absence.  Il le dira par une poésie allégorique d’elle-même, totalement immanente, ordonnée autour d’un vocable qui n’existerait dans aucune langue : « ptyx ».  En nous intronisant témoin du moment où cela se joue, Jean-Jacques Gonzales ébauche, donc inachève,  l’essentiel d’une œuvre qui, elle aussi, s’ébauchera jusqu’à sa fin.

Il n’y a rien à apprendre du vide, seulement s’y appuyer.

Jean-Jacques Gonzales, Ebauche de Mallarmé, 2014, Manucius.

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Le livre. https://www.librairie-ptyx.be/le-livre/ https://www.librairie-ptyx.be/le-livre/#respond Fri, 16 Aug 2013 08:08:54 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3217

Lire la suite]]> Faune 1S’il y a un avantage (ou inconvénient, c’est selon) que nous n’envisagions pas à s’être choisi « ptyx » pour nom, c’est bien celui d’avoir eu à découvrir certaines œuvres de Mallarmé dans leur version originale.  C’est ainsi que nous fut dernièrement aimablement (ou cruellement, c’est selon) proposé d’acquérir l’édition originale de l’Après-midi d’un faune…  Notre intérêt pour la chose bibliophile ne s’arrêtant pas au fait de posséder (bon, surtout quand l’affaire ne peut se conclure qu’en alignant un nombre impressionnant de zéro à gauche de la virgule), nous nous contentâmes de toucher (en dissimulant la moiteur poisseuse de nos paumes émues sous des gants prévus à cet effet).

Ces nymphes, je les veux perpétuer.

On connaît ces dix premières syllabes d’un des alexandrins les plus célèbres de la littérature.  On connaît aussi souvent l’influence considérable qu’ils généreront sur l’art du vingtième siècle.  On connaît moins, pour cette œuvre de Mallarmé comme pour les autres, l’importance que revêtait pour lui tout ce qui accompagnait le vers.  On sait  plus rarement encore que le projet d’un livre chez lui mêle toujours mots, papiers, encre dans un tout indissociable.  Si l’auteur du sonnet en yx sait que ce n’est pas avec des idées qu’on fait des vers, mais avec des mots, il sait tout autant que les mots ne suffisent pas pour faire un livre.  La typographie, les encres, les culs-de-lampe ne sont là ni pour illustrer, ni pour accompagner, ni pour attirer.  Ils ne justifient pas le livre ni ne sont des conséquences (presque des aléas)  de la volonté d’un auteur de diffuser sa poésie.  Tout autant que les mots qu’on y lit, sa matière même fonde le livre.  Et « L’Après-midi d’un Faune » en est probablement l’exemple le plus accompli.

Edité chez Derenne en 1876 à 195 exemplaires, le recueil se compose de 5 feuillets en papier de hollande (175 exemplaires) ou japon (20 exemplaires), assemblés par une fine et fragile ficelle rose.  L’encre du texte est noire, hormis une partie du titre en rouge.  Fronton et cul-de-lampe de Manet sont gravés en noirs.  L’un représente des nymphes, un autre une grappe de raisin.  Sur le feuillet précédant la page de titre est collé un ex-libris gravé représentant une feuille sous lequel l’exemplaire a été numéroté en rouge à la main.  Une gravure représentant un faune est glissée libre entre les feuillets Hollande ou Japon.  Celle-ci sur un papier chine presque translucide.  Cette gravure ainsi que l’ex-libris ont été rehaussés de rose à la main par Manet lui-même (d’où pour partie le prix un peu déraisonnable).  Le tout sous chemise d’un sublime papier brut sur lequel le titre « L’Après-midi d’un Faune » est repris cette fois en encre dorée.  Sur l’autre moitié de la chemise figure une étiquette collée annonçant le prix (15 Frcs) et à laquelle sont collés deux cordons de soie, un rose, un noir. 

Faune 2Faune 3

4 papiers différents, trois encres, des cordons de couleurs, de la gravure rehaussée à la main.  Tout est mis en œuvre pour signifier.  Le doute de la réalité des nymphes, leur évanescence, se traduit dans le translucide du chine.  Le perpétuer des nymphes, ce contraste tout de rage et de concupiscence retenue, étouffée (tuer c’est d’abord, étymologiquement, étouffer) se retrouve dans celui des couleurs des cordons (en peinture, on « tue » une couleur en la contrastant).  L’or de l’encre du titre sur la chemise rappelle la chaleur sans vent qui baigne l’églogue.  Tout ici forme indice.  Le livre est un espace d’expression complet où mots, tissus, dessins, grammage et textures des papiers disent tous (moins quelque chose que cette polysémie même) dans un entrelacs signifiant où ne prédomine aucun moyen d’expression particulier.  Le livre, dans son entier, est moyen d’expression.

Cette vision, la nôtre de ce livre, bien trop brève, toute aussi de concupiscence retenue telle celle du faune devant ces nymphes, nous rappelle qu’au delà d’une technologie, le livre peut être (et d’aucuns s’y essaient de nos jours encore, ici ou , avec bonheur) autre chose qu’un objet ou un simple « médium ».

Mallarmé, L’Après-midi d’un faune, 1876, Alphonse Derenne éditeur.

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