Sniper – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « 5 » de Sniper. https://www.librairie-ptyx.be/5-de-sniper/ https://www.librairie-ptyx.be/5-de-sniper/#respond Fri, 28 Feb 2014 08:49:52 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3942

Lire la suite]]> COUV 5 2J’ai toujours aimé les mathématiques, leur précision, leur beauté.  Soit le résultat est juste, soit il est faux.  Il est donc assez improbable que je me retrouve ici, à travailler dans un domaine mathématique où il n’est question que de corrélations et d’approximations.  L’exactitude n’a pas sa place ici.

Comme dans 6, paru l’année passée, Sniper lève ici le voile sur des pans méconnus d’un domaine dont on craint l’omnipotence tout en redoutant de s’y attarder.  La complexité du monde de la finance, telle qu’elle n’est plus saisie par nombre d’opérateurs de marché même aguerris, éloigne à fortiori le quidam.  L’enjeu est alors ici, non pas d’occulter la technique, mais précisément, d’en dégager les principes, les lignes générales, qui en expliquent la complexité.  En s’intéressant moins aux algorithmes qu’à ceux qui les créent et les exploitent, on en saisit mieux les enjeux qu’ils représentent pour le monde de la finance, et surtout les paradoxes de notre civilisation qu’ils éclairent d’un jour nouveau.

Dans les parcours des physiciens de la finance (Physique + finance = phynance.), Claude Shannon, Thorp, Farmer, Packard ou encore Léo Melamed (surnommé « Roi du Futur », car spécialiste éminent des produits à terme), se dessinent les contours d’une histoire de la finance qui, comme toute histoire, devient de plus en plus, au cours du vingtième siècle, une histoire des techniques.  Où jeu et hasard, Las Vegas et Wall Street, paris sportifs et positions des fonds de pension, ne se mêlent pas que dans les consciences de qui veut en détailler les effets pervers, mais dans la réalité des faits observés eux-mêmes.

Un marché ne pouvait pas seulement être un lieu de rencontre, il devait également façonner concrètement la manière dont ces collectifs d’êtres humains se mouvaient dans un espace clos…

L’histoire du Chicago Board of Trade, fondé en 1848, est emblématique de ce qu’est devenu tout marché.  De ce qui était supposé réunir acheteurs et vendeurs, servir des intérêts (et certes aussi la fourberie de certains), la fuite en avant, l’accélération de l’accès aux techniques, a fait un écosystème (presque) à part entière.  Une forme d’Hydre, de Chimère, devenue indépendante de ses créateurs.  Qui se doivent alors de mieux la connaître pour mieux s’en servir.

Je pense que la finance est en réalité plus intéressante que la biologie.  Là où la biologie met parfois des milliards d’années pour évoluer, le système financier peut, lui, se recombiner et muter directement sous nos yeux.

Le tournant (et cette phrase de Norman Packard en est un parfait exemple) est d’envisager sa création non seulement comme objet d’étude mais aussi de le mettre en parallèle avec ce qui, par essence, échappe à tout pouvoir créateur.  La finance est devenue le lieu paradoxal de la rencontre entre la croyance en l’infaillibilité de la logique, création humaine, et l’adage Errare humanum est.  Entre la créature et son créateur.  Et que les physiciens y jouent un rôle prédominant de nos jours n’est pas anecdotique.  Pourquoi le physicien resterait-il dans la physique où on se borne à comprendre Dieu, alors que dans la finance, il peut l’être?

tout le monde vendait parce que tout le monde vendait parce que tout le monde vendait…

L’irruption de l’inattendu de la régression à l’infini ne vient finalement qu’attester mieux, par ses limites, cette rencontre entre l’homme et les monstres que son génie peut créer.  En en démontant, avec rigueur et vivacité, les mécanismes, Sniper nous démontre que la finance n’a pas à voir qu’avec la biologie.  Avec ses temples, ses serviteurs, ses offrandes, ses rites, ses gestes, la finance est une théologie.  

Mais il est connu que les humains ont une fâcheuse tendance à reporter la faute sur les non-humains.

Sniper, 5, 2014, Zones Sensibles.

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« 6 » de Sniper. https://www.librairie-ptyx.be/6-de-sniper/ https://www.librairie-ptyx.be/6-de-sniper/#respond Wed, 09 Jan 2013 10:51:08 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=1811

Lire la suite]]> 6Je ne mène qu’au néant.

Les personnages de ce livre essentiel se nomment d’abord Thomas Peterffy, Josh Levine ou Gaspard Clair François Marc Riche de Prony ou Sheldon Maschler.  Des noms bien humains.  Qui appartiennent à ceux aux commandes de l’informatisation des marchés.  Dont l’objectif est de gagner du temps.  Car, des champs de bataille ou de courses aux parquets des salles de marchés, c’est le temps que met l’information (de la victoire, de la défaite) à parvenir à qui décide de vendre ou d’acheter qui, in fine, fixe le montant du gain ou de la perte.  Et dans cette histoire de l’informatisation des marchés se lit une histoire, éclair, de la conception du temps.

Après la Seconde Guerre mondiale, un titre appartenait à son propriétaire pendant quatre ans. En 2000, ce délai était de huit mois. Puis de deux mois en 2008. En 2013, un titre boursier change de propriétaire toutes les 25 secondes en moyenne, mais il peut tout aussi bien changer de main en quelques millisecondes.

L’activité du trader reste la même : acheter au plus bas, vendre au plus haut.  Mais le laps de temps se raccourcit jusqu’à se heurter à la réalité physique de la vitesse de la lumière.  Du lundi noir du 19 octobre 1987 au 23 mars 2012 qui verra Bats Global Markets Inc. perdre l’équivalent de sa valeur en 900 millisecondes, en passant par le krach éclair du 6 mai 2010, se donne à lire l’histoire fulgurante d’hommes qui se dépossèdent du temps lui-même.

Il faudra concevoir un algorithme capable de gérer la priorité de temps.  Puis soumettre les humains à la temporalité des ordinateurs.  Ainsi débutera une nouvelle ère, celle du soulèvement des machines.

Au temps où le trading à haute fréquence se heurte à l’impasse qui est celle de sa propre définition, où il impose de scinder le temps en intervalles qui n’ont plus rien de tangibles pour l’être humain, où, le 1 août 2012, Knight Capital, le plus gros opérateur de marché, sera coulé par un algorithme test  « échappé » créé par lui-même, où les acteurs réels ne portent plus des noms humains mais d’algorithme (Sumo, Shark, Iceberg, Oasis, Razor, etc…), en ces temps « de soulèvement des machines » l’histoire même de leur avènement ne peut plus être contée que par ce à quoi il aboutit.

Comme certains étudiants, je vis en colocation.  Ceux qui partagent le réfrigérateur avec moi s’appellent Guerilla, Stealth, Sumo, Blast, Iceberg et Shark.  Je passe mes journées à les observer attentivement.  Je traville de 9 h 30 à 16 heures, sans relâche.  Je m’appelle Sniper et je suis un algorithme

Le 23 mars 2012, une compagnie du nom de Bats Global Markets Inc. fit son entrée en Bourse sur les marchés américains.  La cotation de la société commença à 11 heures 14 minutes 18 secondes et 436 millisecondes, au prix de 15.25 dollars l’action.  A 11 heures 14 minutes 19 secondes et 336 millisecondes, soit 900 millisecondes plus tard, la valeur du titre n’était plus que de 0.2848 dollar, et 1 seconde et demie après le début de la cotation, sa valeur était descendue à 0.0002 dollar.  En 1 seconde et demie, la valeur boursière de la compagnie passa de 91 millions de dollars à presque rien.

Décidément les chemins de la compréhension de notre « réalité » passent par des Zones Sensibles.

Sniper, 6, 2013, Zones Sensibles.

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