de Bodinat – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « En attendant la fin du monde » de Baudoin de Bodinat https://www.librairie-ptyx.be/en-attendant-la-fin-du-monde-de-baudoin-de-bodinat/ https://www.librairie-ptyx.be/en-attendant-la-fin-du-monde-de-baudoin-de-bodinat/#respond Fri, 01 Jun 2018 07:19:44 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7633

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Un monde désormais, si l’on résume, sans échappatoires, même en imagination.

Courbés sur leur intelligent-phone, ils parcourent nos espaces publics, les yeux fixés avidement sur un temps et un lieu qui ne sont pas ceux qu’arpentent leurs pas. Il savent tout. La terre se réchauffe inexorablement. 80 % des insectes européens ont disparu lors des trente dernières années. Le taux de polluants dans l’atmosphère des grandes villes ne cesse d’augmenter et de causer un plus grande nombre de décès. Sans cesse, le flux de migrants climatiques grossit. Tout cela est à portée de leur doigt. Ils savent tout. Ou plutôt, ils y ont accès. Car cela fait déjà quelques temps que, pour eux, « avoir accès » a remplacé tous les modes de « savoir ». Comme si ce dernier terme n’était devenu qu’une modalité, d’ailleurs subsidiaire, du premier. Et s’ils savent, et s’ils se savent savoir, cela signifie alors un point d’arrêt, un aboutissement. Comme si « savoir » était une fin en soi et ne nécessitait aucun « agir » où se conclure. Ayant accès, c’est-à-dire donc, pour eux, « sachant », ils peuvent alors retourner tranquillement à leurs gestes automatiques leur donnant accès à plus encore.

Toute leur vie se passe à faire autre chose.

Le constat est là, glaçant. Alors que les possibilités de connaitre les raisons du désastre qui s’annonce et les gestes indispensables à notre survie – celle-ci s’affirmant de jour en jour plus douteuse -, n’ont jamais été aussi disponibles, le ratio entre le possible et l’action n’a jamais paru aussi faible. Prostrés sur leur autels portables, ils se contentent de… retourner se prosterner devant leurs autels portables. De ce qu’il croyaient – et persistent à croire! – pouvoir leur offrir une infinité de vies possibles, ils ont fait ce qui les condamne à n’en vivre aucune.

Nous reste alors ce texte. Comme une consolation de ne pas se savoir tout seul à partager un désespoir. Une consolation bien terne. Une misère. Mais une misère bien en phase avec le monde qui la provoque.

Baudoin de Bodinat, En attendant la fin du monde, 2018, fario.

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« Au fond de la couche gazeuse » de Baudouin de Bodinat. https://www.librairie-ptyx.be/au-fond-de-la-couche-gazeuse-de-baudouin-de-bodinat/ https://www.librairie-ptyx.be/au-fond-de-la-couche-gazeuse-de-baudouin-de-bodinat/#comments Fri, 08 Jan 2016 09:01:07 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5651

Lire la suite]]> AU FOND DE LA COUCHE GAZEUSEFinalement nous ne sommes pas arrivés dans le monde idéal que semblait promettre vers la fin du 20 ème siècle les musiques d’ascenseur et de galerie marchande.

L’expérience est directement accessible à tous et partout : l’interface semble être devenu pour beaucoup le seul œil par lequel voir le monde. Dans le métro, à la sortie des classes, en terrasse, revenant compulsivement à son « ordiphone », l’être humain du 21 ème siècle paraît avoir réussi à conjoindre dans un même geste la frénésie et le confort de l’inconscience. Sans cesse rivé à des écrans et aux appels qui peuvent en sourdre, à force de se rendre en permanence connectable à ce qui n’est pas là, il a réussi à n’être plus jamais tout à fait . A ne plus se contenter de ne pouvoir être partout, il en est venu à n’être plus nulle part. Et sous ce qu’y impriment pâlement les écrans, leurs regards paraissent s’être irrémédiablement vidé de toute vie propre.

ce contact avec ce qui n’est pas là ne se maintient qu’aux dépens de son contact avec les choses […], et par là au préjudice de sa conscience particulière.

Omniprésence des écrans, mécanisation des êtres, surveillance globale, pollution généralisée des airs, des eaux, des terres… le constat dépeint par Baudoin de Bodinat est sombre mais connu. D’où l’utilité de le redoubler d’un autre, moins souvent attesté, celui de notre consentement à cet état de fait. Car à la gravité de cette situation, dont nous sommes responsables, répond presque mécaniquement notre plongée toujours un peu plus profonde dans la léthargie. Comme si le danger que nous fabriquons (sans issue aucune pour l’auteur), non contents d’en être les artisans consciencieux, nous en devenions toujours un peu plus les victimes consentantes. Baignés les yeux ouverts dans le liquide amniotique de notre techné, peu nous reste encore à offrir de vie en résistance à la mort lente que nous créons.

Et parmi cette infinité de fenêtres disponibles, l’une peut donner sur une vue de la Terre filmée en rotation depuis la nuit sidérale. Le résident y distingue nettement les océans et les contours continentaux, les grandes forêts, les taches claires ou terreuses des étendues désertiques et la dynamique nuageuse. En phase nocturne, et comme en négatif, apparaissent les scintillations ténues que font ces conurbations où l’humanité s’est réfugiée avec l’éclairage électrique ; et parmi lesquelles celle où il se tient assis à cet instant à se considérer en quelque sorte de dehors, su specie aeternitatis, sous le regard objectif d’une caméra automatique, qui aussi bien continuerait d’émettre quand il n’y aurait plus personne en bas, et peut-être entend-il alors venus d’un alvéole contigu des rires enregistrés ; ou des geignements, ou des exclamations de football, ou des bruits de fusillade, de carambolage ; ou rien.

La phrase, sublime, de Baudoin de Bodinat, se heurte au progrès. De plein fouet, elle se dresse contre la bêtise consentante érigée en principe. Elle se fait bastion face à l’ignorance qu’elle démontre généralisée. Elle rend compte des singularités perdues, diluées dans le collectivisme qui les submerge. En tout cela, elle pourrait sembler rejoindre celles fabriquées à grand renfort de publicités par ces réactionnaires qu’on affuble fréquemment du nom de « penseurs » ou de « philosophes ». C’est oublier en quoi le « réac » est si particulier et que ce qui le fonde n’est pas qu’un rapport avec le passé. Dont il s’ingénierait alors à le faire surgir à nouveau tel qu’en lui-même. Le discours réactionnaire, dans son regret du passé, n’articule jamais ce dernier brut. Le passé n’est que l’occasion, pour le « réac », d’affirmer mieux et plus fort un autre discours, idéologique, identitaire, racial. Le « c’était mieux avant » ne se prononce jamais à propos d’un « avant » neutre.

ce n’est pas le passé qui est regretté, mais cela par quoi l’existence ne se referme pas, s’éprouve insuffisante.

Le portrait que dresse Baudouin de Bodinat de notre monde est glaçant. Mais qu’on désire s’en servir ou non, et dans un sens ou un autre, il n’en reste pas moins posséder la force du constat. Quoiqu’on en dise, quoi qu’on cherche à dresser devant pour l’occulter, ce monde est le nôtre. Désabusés, mourrons conscients!

Il ne pouvait donc y avoir de meilleure époque pour la conscience que celle-ci où elle devient si vite un inconvénient.

Baudoin de Bodinat, Au fond de la couche gazeuse, 2015, Fario.

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« Eugène Atget, poète matérialiste » de Baudouin de Bodinat. https://www.librairie-ptyx.be/eugene-atget-poete-materialiste-de-baudoin-de-bodinat/ https://www.librairie-ptyx.be/eugene-atget-poete-materialiste-de-baudoin-de-bodinat/#respond Fri, 30 May 2014 07:18:10 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4040

Lire la suite]]> eugène atgetOn connait les photographies d’Eugène Atget.  Sans même savoir qu’elle sont de lui, nous avons tous en tête l’une ou l’autre de ses images du vieux Paris préindustriel.  Dépeuplées, dégagées de volonté esthétisante, elles sont avant tout un désir de témoignage exhaustif.  Et l’image (prises collectivement car c’est leur collecte seule qui fait sens) qu’elles nous renvoient dépasse celle du simple catalogue.  Elle fait œuvre.

Il ne se déroba pas aux conventions d’élégance, de fini, de travaillé sans le paraître.  Il les brisa.

L’intelligence de Baudoin de Bodinat dans ce très court livre illustré est de ne pas tenter une exégèse de l’œuvre ni de s’essayer à la biographie.  Son écriture vise à révéler que cette beauté sans fard, sans concession aucune, du Paris d’Eugène Atget ne peut trouver sa source que dans la radicalité d’un projet qui se délivre « du mensonge d’être vrai ».  Et que la trace que ce projet laisse constitue son but.

La dictature du retour d’investissement ne tolère rien du passé encore vivant, des manières anciennes d’exister ici-bas.  Elle aime les ruines antiques rejointoyées et payantes, non pas habitées avec du linge qui sèche.  Elle veut un passé décrassé de la suie tenace ses siècles, électrifié, culturel ; qui ne la contredise pas.

Baudouin de Bodinat, Eugène Atget, poète matérialiste, 2014, fario.

 

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« La vie sur terre » de Baudouin de Bodinat. https://www.librairie-ptyx.be/la-vie-sur-terre-de-baudoin-de-bodinat/ https://www.librairie-ptyx.be/la-vie-sur-terre-de-baudoin-de-bodinat/#respond Tue, 11 Dec 2012 18:20:53 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=1730

Lire la suite]]> On meurt sans savoir de quoi et peut-être ignorant de ce qu’on ait vécu.

Lors de notre premier contact avec ce livre, fort lointain et par ouï-dire, nous restait l’idée d’un texte-pamphlet, désabusé et réac.  L’avoir à ce jour lu nous permet d’affirmer que ceux qui y voient une oeuvre réactionnaire n’y auront rien entendu ou ne l’auront pas même lu.  Car le propre du réactionnaire est de ne se servir d’une critique du présent que pour mieux légitimer son goût pour le passé, celui-ci lui imposant sa lecture du présent même.  La volonté d’un retour à cet arrière lui est toujours sous-jacente, s’en nourrissant, toujours cause et non conséquence.  De même ce retour, même difficile, douloureux, ou simple hypothèse, doit rester, pour le réactionnaire, de l’ordre de l’envisageable.  Or, chez Baudouin de Bodinat, quand bien même cela serait souhaitable, cela n’est plus possible.  Et quand bien même on le désirerait, ce qui ferait ré-advenir le passé (ou l’archaïque ou le désuet) ne serait pas de l’ordre de la volonté mais de la seule fatalité.  Car le temps que nous occupons à ce jour nous voit dépossédé de notre capacité à agir.  L’ordre économique global, dont nous vivons le climax parfaitement réalisé, ne nous laisse plus aucun espace d’un agir sur lui-même.  Il est arrivé à son terme (non un terme butoir mais un terme qui se vit, non une agonie mais une mort comme éternelle, suspendue) et nous laisse insatisfait si parfaitement que seul nous reste le choix de l’insatisfaction.

Et que l’on dispose ainsi au choix de deux sortes d’insatisfaction : celle de ne croiser partout que la camelote des marchandises neuves, du « simili », des contrefaçons et des gadgets de l’économie intégrale, et celle de ne trouver jamais à pouvoir s’en procurer assez.

C’est d’un constat de notre temps qu’il s’agit, non de la nostalgie d’un autre.  Certes, cela n’exonère pas d’être tenté de penser que rester à un certain grade « inférieur » du « progrès » eût été préférable mais cette idée s’ancre plus dans une analyse résolument objective et dépouillée de ses diktats positivistes.  Ainsi, ne peut on pas considérer raisonnablement la traction animale comme un progrès, un formidable bond en avant même, par rapport à ce splendide résultat de la traction machinique : l’automobiliste?

pour juger du progrès, il ne suffit pas de connaître ce qu’il nous ajoute, il faut aussi tenir compte de ce dont il nous prive.

Et si c’est un cerveau, ca devrait compter.  Mais le constat, terrible, nous démontre que le plus grand achèvement du procès économique est de nous avoir dépossédé des moyens même de le contrer.  Car tout ce que l’on désire contrer nécessite un dehors à partir duquel aller contre est possible.  Et la « magie » de l’ordre économique global est d’avoir tout enclos en lui.  A ce jour (le nôtre) de son parfait accomplissement, rien ne lui est plus extérieur.

Même l’évasion de la société fait partie de celle-ci.

Et par là même, ses raisons, ses causes ne sont plus discernables.  Mieux encore, cet aboutissement de l’ordre économique produit l’illusion d’un dehors et nous innocente à l’avance de nos aveuglements face aux horreurs qu’il produit.  Cela pour nous permettre d’en consommer encore et encore (de ces horreurs) mais déculpabilisés de ne pouvoir faire sécession.  Tout entier plongés que nous sommes dans le bocal rassurant de cette certitude de n’y pouvoir de toute façon rien comprendre.

si l’on ne comprend rien, c’est pour la raison évidente que ce ne peut être au moyen d’une subjectivité dont c’est là précisément la fonction ; d’une subjectivité qui est elle-même en résultat de ce qu’on n’y comprend rien.

Dans une langue sublime, ample, toute en déliés, puisant chez les moralistes du 17 ème et 18 ème siècles, « La vie sur Terre » est probablement l’un des essais les plus désespérement clairvoyant de ces temps (les nôtres) qui contiennent si peu d’avenir.

Il est devenu impossible de distinguer entre le monde objectif et le contenu du cerveau d’un paranoïaque.

Baudouin de Bodinat, La vie sur terre, 2008, Encyclopédie des Nuisances.

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