Inculte – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Quitter Londres » de Iain Sinclair. https://www.librairie-ptyx.be/quitter-londres-de-iain-sinclair/ https://www.librairie-ptyx.be/quitter-londres-de-iain-sinclair/#respond Fri, 14 Sep 2018 07:12:16 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7772

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Des  choses encore plus anciennes, toujours imbriquées les unes dans les autres, proliférant comme les voûtes labyrinthiques que je croyais distinguer dans la lumière grise et poussiéreuse, à l’infini.

Londres. Depuis de nombreuses années maintenant, Iain Sinclair parcourt la capitale anglaise en tout sens. Dans les « droites lignes » de la psychogéographie, prétextant d’une autoroute enserrant Londres (la M25 dans London Orbital) ou d’un métro qui en bouleverse l’habitat (London Overground), il dépèce la ville anglaise, en exhume les anecdotes oubliées, les souvenir aujourd’hui niés. Au gré de ses rencontres ou de sa mémoire, c’est une ville autre qui prend forme sous nos yeux.

C’était l’éperon de The Shard, plus haut que toutes les grues des chantiers de moindre envergure, qui paraissait anachronique et absurde. Quand la folie de Renzo Piano s’écroulera et sera remplacée par quelque chose de plus grandiose, de plus fou, les bancs en bois et les hommes qui y sont juchés seront toujours là.

Un meurtre aussi sordide qu’oublié qui devient l’occasion d’explorer l’architecture urbaine. La déambulation passée d’un écrivain (Sebald, Crane, Ballard…) qui permet, replacé dans ses traces, une lecture décalée de l’Histoire. Un fait politique majeur (la mort de Tatcher, l’élection de Trump, le Brexit…) qui permet de révéler, par la négation têtue ou inconsciente qu’on lui confronte ou la surenchère médiatique avec laquelle il déferle et imbibe tout, les profondes failles qui séparent le local du global, le réel vécu de la fiction rêvée. Les chiffres de l’augmentation ou de la baisse des loyers qui attestent que « l’argent élargit la ville ». Une performance d’artiste qui permet de replonger dans les origines architecturales de lieux engloutis par la finance. Ce qui fascine chez Iain Sinclair, c’est non pas que tout lui soit un outil – cela, finalement, à l’heure du world wide web, est à la portée de tout curieux -, c’est qu’il parvienne à ne jamais se perdre dans l’écheveau complexe que ce tout forme et à y rester comme englué.

Ce que je comprenais aujourd’hui, sous la pluie continue, en cette matinée de démence politique, tout en remontant une voie ferrée inopérante vers un lieu où nul n’avait envie d’aller, c’est que les marches que nous nous sentons tenus d’entreprendre sont la seule histoire. Les marches sont une autobiographie sans auteur.

Le Londres de Iain Sinclair n’est ni Londres ni ne prétend l’être. Il est à la fois le réceptacle de tout ce qui s’est passé dans le Londres « réel » et caisse de résonance de tout ce qui est advenu autre part. Le Londres de Iain Sinclair est une grille de lecture de ce qui nous entoure et de ce qui menace de nous submerger.

Iain Sinclair, Quitter Londres, 2018, Inculte, trad. Maxime Berrée.

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Du droit d’aimer les anchois au sirop de Liège. https://www.librairie-ptyx.be/du-droit-daimer-les-anchois-au-sirop-de-liege/ https://www.librairie-ptyx.be/du-droit-daimer-les-anchois-au-sirop-de-liege/#comments Tue, 18 Feb 2014 14:19:25 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3911

Lire la suite]]> CLARO_CANNIBALE-LECTEURN’en plaise à d’aucuns, dont nous ne sommes certainement pas, la littérature n’est aucunement cet espace de jugement dans lequel tant d’auteurs frustrés tentent de s’engouffrer toutes griffes et fiel dehors.  Pourquoi s’échinent ils donc à nous gâcher ainsi ces plaisirs que nous avons ainsi pris à la lecture d’un livre qui, pour des raisons « littéraires », ne leur sied pas?  Sous des prétextes aussi abscons les uns que les autres, ils tentent (vainement heureusement) de saper les frêles fondations sur lesquelles des auteurs (confirmés, voire primés, EUX) ont bâti une œuvre (dont on attend encore, chez eux, les premiers frémissements).  Des prétextes déguisant souvent d’ailleurs des camaraderies et autres renvois d’ascenseur.  Qui sont ils pour juger?  Pourquoi que ils se croiraient plus malins que les autres?

Monsieur Claro, vous êtes manifestement de ceux-là.  Producteur laborieux de quelques livres, traducteur d’une seule langue (l’anglais : une que tout le monde parle, en plus), vous vous croyez bien avisé de moquer des livres qui n’ont d’autre motif que de nous rendre heureux et nous faire passer un bon moment.  Et, non content d’exécrer sur la toile, vous poussez le vice jusqu’à en faire un livre…  Bien sûr, pour mieux noyer votre haine de la grande littérature, vous camouflez d’abord votre détestation sous l’éloge d’une certaine littérature.  Et quelle littérature!  Céline, un antisémite notoire.  Claude Simon, un auteur auquel personne ne comprend rien.  Jirgl, un besogneux qui confond virgules et tirets.  Butor et Bessete, des auteurs morts depuis longtemps…  Et puis, évidemment, une fois qu’on s’est exonéré du pénible supplice de dire du bien, qu’on a bien passé de la pommade à tous ses petits copains bobos-bien-pensants-de-gauche, là, on peut se lâcher et passer à ce que c’est que pourquoi qu’on était venu : haïr!  Et là, Monsieur, on s’y entend!  Monsieur n’aime pas les prix.  Monsieur n’aime pas Maurice Carême.  Monsieur n’aime pas Zeller, Beigbeder, Ferry, etc… et se croit utile non pas de nous le faire savoir, mais de l’éructer.  Avez-vous déjà pensé, Monsieur Claro, que leurs livres font passer de bons moments à ceux qui les lisent?  Et que, à mépriser ces livres, vous méprisez leurs lecteurs?  Et que, si vous n’aimez pas leur poésie, ce n’est pas pour ça que ce n’est pas de la bonne poésie?  Que tout ça (la littérature, l’art, tout ça quoi) c’est affaire de goût?  Et donc de personne?  Que vous nous déniez notre droit à nous évader?  Que moi, par exemple, j’aime l’anchois au sirop de Liège, mais peut-être pas vous, mais que je ne pense pas que ça vous donne le droit de critiquer les anchois au sirop de Liège, parce que ça me rend triste, un peu plus seul, et que je me rends compte qu’aimer les anchois au sirop de Liège fait de moi un être abject, malsain et méprisable?  ALORS ARRETEZ, HEIN!

Claro, Cannibale lecteur, Inculte, 2014.

Il se fait qu’un certain Gaëtan Mouret (nous ne veillons pas seuls), a jugé bon de mettre le holà à vos agissements bloguestes.  Et à mettre ainsi en avant cette littérature proche des gens, écrite comme il faut, dans le respect scrupuleux de la grammaire et de l’orthographe.  Avec dedans, tout ce que vous détestez.  C’est-à-dire des sentiments.  C’est peu dire que nous sommes ravis qu’une bonne leçon vous soit enfin donnée.  Nous doutons cependant, au vu de votre pedigree, que celle-ci vous soit réellement profitable.

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« Suburbia » de Bruce Bégout. https://www.librairie-ptyx.be/suburbia-de-bruce-begout/ https://www.librairie-ptyx.be/suburbia-de-bruce-begout/#respond Tue, 07 May 2013 13:14:51 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=2650

Lire la suite]]> SuburbiaEn ville, plus que partout ailleurs, ce sont les paysages, les machines et les objets qui parlent le mieux des gens, mieux que les gens eux-mêmes.  […]  C’est cette sincérité des appareils qu’il s’agit de recueillir.

L’analyse la plus percutante et relevante que l’on puisse porter sur une chose est bien souvent issue d’une attention portée aux frontières de cette chose, à ses limites.  Ainsi de la ville moderne, du phénomène urbain.  Alors qu’une étude d’un Paris intra-muros (de ses passages) pouvait constituer pour Walter Benjamin un archétype de la ville issue du capitalisme industriel, à partir de laquelle analyser le phénomène urbain de son époque et le type d’organisation socio-économique dont Paris était la trace architecturale (le capital [quelle que soit la forme qu’il emprunte] se spacialise), de nos jours l’attention doit se porter ailleurs.  C’est dans la suburbia que se détectent les signes du néocapitalisme.

Elle constitue le laboratoire vivant de la nouvelle ville, car elle est l’unique espace vivant où le conflit et la pluralité peuvent avoir encore cours.

La suburbia, c’est cette extension de la ville au-delà de ses limites, c’est l’espace constitué par sa dissolution où plus aucun centre ni périphérie ne se lisent.  C’est ce conglomérat (et non ensemble) de parkings, de centres commerciaux, de zones pavillonnaires que voient bourgeonner à leur « périphérie » nombre de « centres urbains » actuels.  Où la voiture est le mode de locomotion naturel, remplaçant la flânerie par l’errance, produisant un être nomade urbain, privé de repère, stupéfait, sans lieux car ne différenciant pas un lieu d’un autre.

l’âge de la flânerie a laissé définitivement place à l’ère de l’errance automobile, du cruising sans raison ni but, du nomadisme quotidien à 50 km/h.

Fondée sur l’esthétique du parc d’attraction, elle devient elle-même parc à thème.  Se consacrant toute entière au jeu (tout (dans une infantilisation sans fard) doit y être loisir), elle le dépouille, par excès, de sa raison d’être et de sa fonction émancipatrice.  Si le jeu, c’est la suspension du jugement, que reste-t’il du jeu si on demande de suspendre éternellement le jugement.

La volonté de s’amuser n’est-elle pas déjà l’indice d’une non-joie?

Sa « pureté » des lignes (sa rationalité froide) trahit son « puritanisme moral », dont l’obsession pour la droite recoupe celle de l’époque pour la surveillance et pour la circulation sans obstacle de la marchandise.  Alors que le Paris de Benjamin, celui du capitalisme industriel, est encore solide, fier de durer, la suburbia assume « sa misère esthétique et son esprit étriqué avec un aplomb décomplexé » et, dans son unique objectif (qui est aussi celui du néocapitalisme) qui est d’atteindre à la rentabilité maximale au moindre terme, elle n’a pas même honte d’opposer au paradigme de la durée celui du « moindre coût ».

L’architecture de la suburbia, qu’elle soit résidentielle ou commerciale, relève de ce que nous pourrions appeler la ruine instantanée.

La suburbia est asociale.  La suburbia hait l’autre en tant qu’autre.  Elle crée un vide affectif et social que le commerce ou la télévision, qui y règnent en maîtres absolus, ne peuvent compenser.

Y mijote un sain désespoir, quelque chose qui relève de l’attente inconsciente de ce qui n’adviendra pas de toute façon quoi que l’on fasse ou défasse, un immense renoncement en acte, l’intuition mélancolique du cycle infernal : mariage, naissance, enfants, barbecue, factures, éducation privée, narcoleptiques, vieillesse, AVC, vente chez l’huissier.

De cette suburbia, Bruce Bégout dresse un portrait édifiant qui est essentiellement le nôtre en devenir.  En puisant dans la dérive situationniste, dans la fiction, dans le récit, en déambulant dans un Los Angeles qui en est le parangon, en parcourant un faux Paris qui n’a jamais existé, il pose une question qui sous-tend, certes l’architecture, mais aussi tout agir.

Comment « concrètement », dans les pratiques urbaines, raccorder l’émotion et l’action, la passion et la construction?

Bruce Bégout, Suburbia, 2013, Inculte.

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« Projet el Pocero » de Anthony Poiraudeau. https://www.librairie-ptyx.be/projet-el-pocero-de-anthony-poiraudeau/ https://www.librairie-ptyx.be/projet-el-pocero-de-anthony-poiraudeau/#respond Tue, 19 Mar 2013 08:50:31 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=2245

Lire la suite]]> EL POCEROEt c’est ainsi que surgit la ville.

A l’heure où la crise frappe de plein fouet l’Europe, les témoins de celle-ci affleurent.  Et comme pour tant d’autres bouleversements, ce sont les vestiges restant du temps d’avant qui en disent le plus sur le revirement à l’oeuvre.  Et quand ce vestige prend la forme de 35 immenses immeubles dressés en plein désert, il en devient forcément l’étendard accompli, le témoin parfait, le parangon.  Alors qu’on créait une ville, ou plus justement (la différence est notable) qu’une ville se créait autour de, à côté de ou avec…, ici, la ville est elle-même son propre moteur.  C’est la croyance en une valeur immobilière toujours haussière qui l’a fait s’ériger.  L’économie a produit la valeur de la ville qui ne trouve que dans sa propre valeur marchande sa seule raison d’exister.

Déambulant dans cette ville comme sortie de rien, et y retournant presque naturellement tant elle peine à se peupler, Anthony Poiraudeau nous dresse un portrait de notre temps qui ressemble furieusement à un petit traité de la démesure.  Où la vie de son promotteur accointe avec ce conte de fée gore que d’aucuns donnent comme modèle.  Parti de rien, arrivé à l’une des plus grosses fortunes d’Espagne, il fait s’ériger une ville du néant, qu’il dote d’une statue de ses parents, asseyant par ce fait son projet dans une forme d’antériorité (en arrêtant sa présomption au seuil de sa propre représentation), lui permettant ainsi de na pas faire fi complètement de la sédimentation historique sur laquelle les cités élèvent leur grandeur.

El Quinon est lointain, il résiste à la proximité, même lorsqu’on s’en approche.

El Quinon est certes fort loin.  Et le texte d’Anthony Poiraudeau est là moins pour nous en approcher mieux que pour nous en faire ressentir l’évidence.  Car dans l’érection de ces immeubles démesurés dans laquelle la candeur le dispute au cynisme, c’est cet éloignement qui frappe.  L’éloignement, physique, de la ville, et celui de ce projet de toute accointance avec une réalité désirée.

Les pneus sentent un peu les algues pourrissantes.

Anthony Poiraudeau, Projet el Pocero, 2013, Inculte.

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« Sous les néons » de Matthew O’Brien https://www.librairie-ptyx.be/sous-les-neons-de-matthew-obrien/ https://www.librairie-ptyx.be/sous-les-neons-de-matthew-obrien/#respond Sat, 12 May 2012 07:26:30 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=594

Lire la suite]]> Las Vegas.  Ses temples du jeu et de la débauche.  Toute son histoire comme une ode à l’argent et au sexe.  Et tout cela baigné d’une lumière crue, au néon, pour faire signe de loin.

Matthew O’Brien, journaliste free lance, décide de plonger dans les entrailles de cette ville du vice et de l’apparence. Il en parcourra les réseaux d’évacuation d’eau pluviale.  Et dans la pénombre de ces goulets, il rencontrera ceux que la ville à reflué.  Les drogués, les joueurs ruinés, les amants éconduits.  Terrés, désorientés, mais toujours espérant, ils offrent comme une image en négatif du monde qui les recouvre.

Un autre de ces hommes qui mangeait, dormait, pensait, ressentait, rêvait, doutait, riait, criait, aimait, détestait, vivait, mourait.

Matthew O’Brien ne se limite pas au reportage strict, simple catalogue de gueules cassées.  La galerie de portraits est mise en perspective.  Car, rappelant à nos mémoires tous ces lieux souterrains, les tunnels de Capadocce, ceux creusés au Vietnam, ceux mitant la frontière mexicano-américaine, il nous rappelle aussi que l’homme n’a rien à y faire, sinon échapper à l’homme. 

Matthew O’Brien, Sous les néons, 2012, Inculte.

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