Rivages – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Le tonneau magique » de Bernard Malamud. https://www.librairie-ptyx.be/le-tonneau-magique-de-bernard-malamud/ https://www.librairie-ptyx.be/le-tonneau-magique-de-bernard-malamud/#respond Fri, 13 Apr 2018 07:34:55 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7558

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Il faut bien vivre. Faut-il, au fait?

Un étudiant bientôt ordonné rabbin qui se cherche une épouse, un petit employé en villégiature au bord du lac majeur, une jeune famille qui se cherche un appartement dans Rome, un ancien commis voyageur qui tente envers et contre tout d’aider une mère et sa fille, un commerçant qui protège la jeune enfant qui lui dérobe des bonbons : dans chacune de ces nouvelles, Bernard Malamud met en scène des personnages d’apparence banals, simples, dont un événement inattendu va venir bouleverser le cours de l’existence.

Si la souffrance l’avait marqué, il ne cherchait plus à en dissimuler la trace, cet éclat était le sien, était lui, désormais.

Le juif de la seconde moitié du vingtième siècle n’est plus celui de la première. Dans ces nouvelles hantées par le traumatisme de la Shoah, Bernard Malamud parvient, en les centrant sur des personnages tous juifs, à ériger ceux-ci en parangons de la condition humaine. Non pas qu’il en fasse de simples victimes de la tragédie du vingtième siècle, dont il s’agirait alors de tirer des leçons de courage ou d’héroïsme. Il n’est pas question de faire du juif une « mère courage ». Ni de lui construire une quelconque place en surplomb. Mais, alors que le souvenir de la seconde guerre mondiale et de ses horreurs forme toujours une plaie à vif – le livre parut en 1958 – , enserrer ses protagonistes on ne peut plus communs, normaux, « classe moyenne » dans les divers aléas communs, normaux, « classe moyenne » de l’existence, tout à la fois universalise la douleur d’être et lui procure un contraste. C’est sans doute cela aussi que Malamud nous confie avec un talent aussi immense qu’il est subtil : la vie, la bonté, l’amour, sont des miracles. Des miracles dont un juif vivant peut constituer le témoin.

Bernard Malamud, Le tonneau magique, 2018, Rivages, trad. Josée Kamoun.

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« Le Commis » de Bernard Malamud. https://www.librairie-ptyx.be/le-commis-de-bernard-malamud/ https://www.librairie-ptyx.be/le-commis-de-bernard-malamud/#respond Wed, 02 Nov 2016 09:32:03 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6362

Lire la suite]]> Le commis

– Non. Qu’est ce que c’est?

– Un roman.

– Moi, je préfère les choses vraies.

– Un roman, c’est la vérité.

Alors qu’il a de plus en plus de difficultés à nouer les deux bouts, Morris Bober, vieil épicier juif de Brooklyn, est victime d’un braquage. Quelques temps après, il fait la connaissance de Frank Alpine qui, contre un salaire ridiculement bas, se propose de l’aider à redonner du lustre à son magasin.

Que me réserve l’avenir? se dit-il. Le sort de tous les Bober?

Le génie de Malamud tient d’abord ici dans son obstination à rester collé à son sujet de départ. Nous sommes dans une épicerie de quartier et nous n’en sortirons pas. Le tenancier, sa fille, sa femme, les clients, les concurrents, le propriétaire, les fournisseurs, et bien entendu le commis… Sans jamais s’empêtrer dans le souci documentaire ni le descriptif foisonnant, il nous enserre, par la grâce d’une dramaturgie intense et pensée dans ces moindres rouages, dans un microcosme aussi ténu que riche de possibles. Les « petits soucis » quotidiens, la soif d’avenir d’une jeunesse en mal d’espoir, le classique amour déçu, les contraintes de la convenance, en un mot la vie quotidienne dans ce qu’elle offre de plus banal est ici transcendée par un savant dispositif narratif, ancrant d’autant mieux le lecteur dans le récit que l’auteur a su le rendre discret.

En somme, se disait Frank, ces gens-là ne vivent que pour souffrir. Et le plus honoré d’entre eux, le pur des purs, le Juif modèle est celui qui supporte le plus longtemps la douleur qui lui ronge les tripes avant de se précipiter aux toilettes.

Mais Bernard Malamud ne se contente pas de brosser un portrait, aussi passionnant soit-il, du Brooklyn des années cinquante, ni de cet arrière-fond en guise d’argument pour faire haleter un lecteur. Aussi discrètement qu’il tisse les fils de son intrigue, il s’en sert pour « répondre » à cette question : c’est quoi un juif?

Depuis longtemps il avait remarqué sur un rayon de la bibliothèque un volume intitulé « Histoire des juifs ». Un jour, par curiosité, il l’emprunta et l’emporta chez lui. La première partie l’intéressa mais, après les Croisades et l’inquisition, quand les juifs commencèrent à être salement persécutés, il dut se forcer pour continuer. Il passa rapidement sur les périodes sanglantes et s’attarda longuement sur tout ce qui avait trait à leur civilisation et aux grands faits de leur histoire. Il apprit aussi ce qu’étaient les ghettos où des prisonniers barbus et décharnés de demandaient pourquoi ils étaient le Peuple élu. N’y comprenant rien non plus, il referma le livre et le rapporta à la bibliothèque.

Par de très adroits détours, de discrètes allusions, et des parallèles aussi subtilement mis en oeuvre que l’intrigue qui les sert, il parvient, entre sérieux et dérision, sans nous servir les plats indigestes et rabattus de l’histoire, à nous conter autrement l’éternelle et éclairante histoire du juif. En la parant, l’air de rien, des atours de l’universel.

Bernard Malamud, Le commis, 2016, Rivages, trad. J. Robert Vidal.

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« Le Grand Jeu » de Céline Minard. https://www.librairie-ptyx.be/le-grand-jeu-de-celine-minard/ https://www.librairie-ptyx.be/le-grand-jeu-de-celine-minard/#respond Wed, 19 Oct 2016 07:29:45 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6156

Lire la suite]]> Le Grand JeuJe dois savoir si la détresse est une situation, un état du corps ou un état d’esprit.

La narratrice vient d’acquérir un domaine de 200 hectares en pleine montagne. Culminant à 2728 mètres, constitué de prés, de bois, de parois vertigineuses, d’un lac, ce domaine inhabité est l’occasion pour elle de réaliser un étrange et radical projet. Ayant équipé une paroi d’un module de vie, elle décide de se retrancher – tout laissant à penser que cette décision est définitive – dans ce lieu et d’y organiser son existence en totale autonomie.

Je travaille à mon détachement.

Sans plus aucun contact avec d’autres, ses journées et nuits sont rythmées par les tâches quotidiennes que requiert sa subsistance, ses longues séances d’entrainement en paroi, et de profonds questionnements. Le tout prenant peu à peu les teintes de l’habitude. Jusqu’à ce qu’elle découvre que ce coin de montagnes est moins désert qu’elle ne le croyait.

Peut-on s’oublier au point de s’accueillir? 

Le détachement complet de soi, la rupture d’avec son moi sensible, l’ataraxie, tout cela présenté comme des buts en soi, confèrent au stylite, à l’anachorète, ou à l’hyper-sportif contemporain, l’image de ceux qui trouvent dans leur activités de détachement les raisons mêmes de leurs actes. Et leur isolement, s’il n’en est pas la finalité, semble du moins l’un des actes indispensable par lequel ils pourraient accéder à leurs fins. Chez l’ermite, l’autre paraît nié. Et le jeu (grimper sur une colonne, jeûner, courir à s’en épuiser…) semble trouver en lui ses propres significations. Il en vaut, par lui même, la chandelle.

La promesse et la menace sont-elles deux façons d’évaluer et de traiter le risque inhérent à toute rencontre humaine? Deux possibilités de transformer la violence?

L’autre est, qu’on le veuille ou non, perçu soit comme une promesse, soit comme une menace. Et cela indépendamment des intentions qu’il manifestera. C’est nous-mêmes qui façonnons et faisons incarner par l’autre les craintes ou les espérances que revêt notre rencontre avec lui, ainsi que nos capacités à l’accueillir ou le combattre.

L’autre est un risque. Certes. Mais, comme le suggère avec une subtilité rare Céline Minard, on ne s’entraîne pas pour sauver sa peau, mais, au contraire, pour pouvoir la risquer.

Céline Minard, Le Grand Jeu, 2016, Rivages.

 

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« Le Meilleur » de Bernard Malamud. https://www.librairie-ptyx.be/le-meilleur-de-bernard-malamud/ https://www.librairie-ptyx.be/le-meilleur-de-bernard-malamud/#respond Tue, 10 Feb 2015 07:22:41 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4814

Lire la suite]]> le meilleur_ret.indd« Moi je joue de la batte, c’est ça ma musique. »

Alors qu’il n’est qu’un tout jeune lanceur de base-ball n’officiant dans aucune compétition officielle, Roy Hobbs est repéré par un recruteur qui le persuade de le suivre à Chicago.  Bercé par l’espoir de réussir une grande carrière, le jeune prodige le suit.  Mais sur sa route, il croise Harriet Bird qui interrompt brutalement cet avenir brillant.  Longtemps après lui sera donnée à nouveau l’occasion d’accomplir la destinée dont il rêvait.

Tout est question de mental.  C’est ce qui fait tourner le monde.

A le lire seul, sans aucun filtre, Le Meilleur se présente comme le récit d’un « american dream » contrarié.  Dont le protagoniste doit combattre qui l’en détourne et avant tout la fatalité.  Le roman de Malamud serait alors une sorte de conte moral dont la forme, artistement ciselée sans doute, mais très classique, renverrait à une structure éthique elle-même très classique, très duale.

Il avait d’abord cru que l’argument du bien par le mal pouvait se défendre.

Ce serait cependant occulter le filtre « mythologique », discrètement agencé, certes, mais bien présent, qu’y adjoint l’auteur.  Par une seule remarque, placée en début d’œuvre (la question « Avez-vous lu Homère? » posée à brûle-pourpoint à Roy Hobbs par Harriet Bird), Malamud place en effet son récit dans une illustre continuité, l’enserre dans une tradition dont il distille les références avec parcimonie et discrétion.  Parcimonie et discrétion faisant elles-mêmes partie de l’effet recherché.

il se trouva qu’une dame qui habitait le sixième étage d’un immeuble donnant sur le stade était en train de nettoyer la cage de son canari vers la fin du match, que les Knights menaient gaillardement, lorsque l’oiseau s’échappa comme une fusée par-dessus le terrain.  Roy, qui attendait sa dernière balle, vit un objet venir vers lui dans la lumière rasante, et il sauta très haut pour le bloquer dans son gant.  Il dut jeter le tas de plumes sanguinolentes dans la poubelle du clubhouse.

Le joueur de baseball est cet être autre que nous, ce héros des temps actuels, cet exemple, ce modèle.  Et ce modèle auquel tendre offre aussi, par les comparaisons que l’auteur dessine avec la tradition dans laquelle il insère le récit, un autre modèle, celui de notre époque.  Le lien que nous entretenons avec ce que nous présentons comme l’exemple à suivre en dit beaucoup sur les temps qui bâtissent son piédestal.  Si Malamud s’intéresse ainsi à ce que l’époque présente comme le meilleur, c’est pour nous confier (discrètement, presque comme en aparté) que ce meilleur, cet exemple posé en garant du bien, sous peine d’être engoncé à jamais sous la férule de son inaccessibilité, nous nous devons de le comprendre.  Et que ce modèle, avant de s’en inspirer, d’y aspirer, nous devons, alors que sa définition (puisqu’il est un idéal) en fait l’intemporel même, en saisir la relativité.

-Oui, c’est leur rôle aux grands, d’être les meilleurs.  Et nous, il faut que nous comprenions ce qu’ils représentent, et que nous prenions modèle sur eux.

Bernard Malamud, Le Meilleur, 2015, Rivages, trad. Josée Kamoun.

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Vrac 5. https://www.librairie-ptyx.be/vrac-5/ https://www.librairie-ptyx.be/vrac-5/#respond Tue, 30 Sep 2014 06:25:54 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4462

Lire la suite]]> A la lecture de nos chroniques, comme à celle des bons mots affichés sur les livres que nous défendons en librairie, beaucoup s’étonnent que nous lisions autant.  Ce qui, à notre tour, nous étonne.  Car s’il est bien une activité centrale dans notre métier (à ce point centrale qu’elle le constitue, à notre humble avis, presque à elle seule), c’est bien lire.  On n’établira pas ici un relevé exhaustif des attitudes que suscitent ce constat.  De la moue dubitative presque éberluée au « Enfin un libraire qui lit! », l’éventail est large et varié.  On préfère appuyer encore un peu sur le clou.  Car si, effectivement, nous lisons beaucoup, il ne nous est matériellement pas possible de développer pour chaque livre lu et apprécié à sa juste valeur une chronique qui soit relevante.  Si tant est, du moins, que celles qui sont écrites le soient.  Car, oui, on lit plus qu’on en dit ou écrit.  D’où l’idée d’un rattrapage.  Sous forme courte.

avant demainCatherine Malabou, Avant demain, Epigénèse et rationalité, 2014, PUF.

Alors que les dernières trouvailles de la biologie, qui annonce un cerveau tout entier machine, simple produit de l’évolution, sapent l’a priori kantien par son pan matérialiste, les tentatives du réalisme spéculatif, quant à elles, en attaquent la face corrélative.  D’un côté le transcendantal se mue en une matière qui évolue, de l’autre on affirme la possibilité d’atteindre le vrai par le seul pouvoir de la raison.   Las de se complaire depuis Kant dans l’idée d’une impossibilité à connaitre autre chose que notre relation à la chose, jamais la chose elle-même, scientifiques et philosophes n’ont eu de cesse de chercher à dépasser ce qu’ils prenaient pour une contrainte.  Et, le plus souvent, en désirant quitter Kant.  Catherine Malabou montre que les racines de ce qui prépare la défaite du transcendantal se trouvent déjà chez Kant.  Ainsi s’appuie-t-elle sur le paragraphe 27 de la Critique de la Raison Pure, mentionnant l’épigénèse, pour démontrer que Kant demeure essentiel à toute tentative de dépasser les failles devant lesquelles le kantisme lui-même et tous ceux cherchant à en sortir s’arrêtent, indécis et interloqués.  Brillamment construit en forme d’épigénèse, Avant Demain est l’occasion de jeter un regard actuel sur 250 ans d’histoire du transcendantal.  Et de revenir sur cette question essentielle qu’est notre accès au réel.

Le transcendantal.  Le sauver ou le déconstruire, le transformer ou le dériver, le temporaliser ou le rompre? […] le plus souvent, conservation et abandon coïncident.

Par ailleursLinda Lê, par ailleurs (exils), 2014, Christian Bourgois.

Istrati, Tsvetaeva, Akhmatova, Saint-John Perse, Pizarnik, Avide, Said, Blanchot, Levinas, Hesse, Gide, Perec, Brecht, Mann, Segalen, Gauguin, Gaspar, Gombrowicz, Adorno, Nabokov, Cioran, Fondane, et combien n’oublie-t-on pas de citer.  Linda Lê explore l’ailleurs qui gît dans l’œuvre d’écrivains.  Sans jamais prendre les atours d’une démonstration savante, s’apparentant plus à la promenade, elle fait surgir la part d’exil qui constitue toute littérature qui vaille.  Car si l’exil, lorsqu’il est érigé en fétiche, recèle en son sein les racines de l’exclusion, il se révèle irrémédiablement créateur dans l’obligation du rapport à l’autre qu’il institue.  Véritable barrage d’intelligence dressé à l’encontre de l’homogénéisation, le nationalisme et le protectionnisme, par ailleurs sublime une littérature qui, lorsqu’elle se saisit des possibles que lui offre l’exil contraint ou choisi, permet de donner de « l’empan à ce qu’il y a d’étriqué en nous ».

L’absolument étranger seul peut nous instruire.

Rouge ou mortDavid Peace, Rouge ou mort, 2014, Rivages, trad. J-P. Gratias.

Tout système a ses limites.  Tout projet, même abouti, peut générer l’ennui.  En bref, un chef-d’œuvre peut être limite chiant.  Et en rester un.  Dans Rouge ou mort, David Peace retrace l’existence de Bill Shankly, mythique entraîneur de Liverpool, depuis ses débuts pour le club anglais.  Ecrit à la manière d’une geste, Rouge ou mort en reprend certains des éléments la structurant.  La désignation d’un personnage par des traits récurrents (Athéna « aux yeux pers » devient Bill Shankly « aux pas vifs, aux pas pesants »), la construction par répétition (sémantique et syntaxique), l’obsession pour certains détails (le nombre des combattants d’une bataille/le nombre de spectateurs de chaque matche)…  Sensé épouser par sa forme la lignée épique dans laquelle il s’inscrit, Rouge ou mort, s’il réalise parfaitement son projet, paraît expurgé de tous les autres possibles que recelait cette inscription dans une tradition.  Au-delà de l’intérêt que soulèvent la découverte et le décodage de sa forme, fondée sur la répétition, il s’empêtre dans son propre procédé.  Car, si, en effet, l’itération maniaque permet de bien traduire cette aventure ad minima que permettent les temps actuels et dont le football offre un subtil succédané, il n’en demeure pas moins que le procédé lassera d’autant mieux qu’il sera mené plus avant.  Au lieu de profiter de la construction par la répétition pour mettre en exergue ce qui y échappe, David Peace semble parfois se prendre les pieds dans le tapis d’une idée et d’une seule.  Et lui sacrifier, en en exploitant à l’extrême son potentiel le plus évident, la richesse qui lui est inhérente.  Et pourtant…  Et pourtant cet engoncement radical dans une forme fonctionne autant qu’il laisse de côté.  Rouge ou mort lasse et séduit pour les mêmes raisons.  Ennuyeux et sublime, construit sur l’autel du plaisir, il démontre peut-être que l’artifice est une des manières les plus justes d’atteindre le vrai de nos temps.

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« Faillir être flingué » de Céline Minard. https://www.librairie-ptyx.be/faillir-etre-flingue-de-celine-minard/ https://www.librairie-ptyx.be/faillir-etre-flingue-de-celine-minard/#respond Fri, 04 Oct 2013 07:35:31 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3317

Lire la suite]]> Faillir-etre-flingue-Minard_w525Les choses, les gens et les évènements arrivaient comme il était lui-même arrivé au monde et il lui fallait les accueillir.

Dans une vaste contrée des Etats-Unis se côtoient, se combattent, s’entraident des indiens, des blancs, des bandits de grands chemins, des gardiens de vaches ou d’ovins, des tenancières de bar et des barbiers.  Dans les mêmes mains passe un archet puis un calumet de la paix.  Un couteau à scalp puis un six-coups.  Sous les coups de feu, les scalps, la violence, se devinent les désirs et les répulsions d’une humanité à la frontière de l’errance et de la sédentarité, de l’autarcie et du commerce.

Ce que les blancs cherchaient et redoutaient tout ensemble, c’était le souffle de la vie sauvage, crue, impitoyable, désentravée.

Sur un terre plus tout à fait vierge, mais où les traces qu’il y laisse n’ont pas encore gravé profondément de chemin, l’homme de « Faillir être flingué » est comme pleinement livré à ses ambivalences.  Le même geste vers l’autre peut déclencher sa fureur ou son attachement.

Jeff marchait à grands pas et pensait aux hommes, à ce qui les relie, aux fusils et aux formes que prend la curiosité irrépressible des uns pour les autres.

C’est des balbutiements d’un commerce naissant dont nous parle ici Céline Minard.  D’un commerce dont on ne sait, à sa naissance, où il mènera ceux qui l’entreprennent.  D’un commerce qui est encore une aventure.  Qui, à mille lieues de ce qu’il est devenu (ou de l’image que l’on en a), ne peut œuvrer à la mise en liens des êtres qui le pratiquent que grâce aux risques mêmes qui lui sont inhérents.  Un commerce forcément mouvant.  Où chacun sait encore que la possession va de pair avec la menace de perdre ce qu’on possède.

J’aime beaucoup le plaisir mais je n’essaie pas de m’y installer.

Les êtres chez Céline Minard sont en perpétuel départ.  Leur vie est pleinement vraie.  Et ne l’est que parce qu’elle est à tout moment totalement mise en jeu.  Tout est moins dans le « flingué » que dans le « faillir ».  Souple, toute en rythme, disant les craintes, les peurs, les désirs des personnages avec moins de détachement froid que de pudeur, son écriture est elle-même enjeu.  Et en se glissant dans les anfractuosités d’un monde qu’elle saisit au moment précis de sa survenue, Céline Minard réussit à installer sur la page un équilibre fragile qui en témoigne sublimement.

La piste était visible comme un trait sur une page blanche.

Céline Minard, Faillir être flingué, 2013, Rivages.

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