ptyx» Absalon http://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Tue, 04 Jun 2013 06:34:28 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.5 « Trop tard » de Werner Kofler. http://www.librairie-ptyx.be/trop-tard-de-werner-kofler/ http://www.librairie-ptyx.be/trop-tard-de-werner-kofler/#comments Tue, 16 Apr 2013 11:45:16 +0000 Librairie Ptyx http://www.librairie-ptyx.be/?p=2497

Lire la Suite »]]> Trop tardVous voulez que je raconte?  Bon, je raconte.

« Trop tard » se compose de deux récits de Werner Kofler, prolongés par une postface d’Elfriede Jelinek, défense rageuse et acharnée de cet immense écrivain disparu en 2011.  Dans le premier des deux récits intitulé « Trop tard », le narrateur, à son bureau, lit des faits divers, imagine une histoire, celle d’un architecte assassiné en présence de sa maîtresse de 53 ans sa cadette.  Puis, alors que que se pose la question de la vente d’un bien familial, lui vient également à l’esprit celle de la survivance des souvenirs, des images, qui y sont liés.  Peu à peu vont alors se mêler les motifs, la figure de l’architecte devenant celle qui prive le narrateur de ses souvenirs d’enfance, en construisant un immeuble bouchant la vue de l’enfant qu’il était cinquante ans plus tôt.

bouchée, la vue « depuis » l’enfance [...] bouchée, la vue sur moi, m’observant cinq décennies plus tard depuis ma terrasse de l’autre côté.

En bouchant la vue de l’enfant qu’était le narrateur, le promoteur le coupe littéralement de lui-même.  Il le dépèce de son enfance.  En dressant un rempart dans le paysage de l’enfance, c’en est un autre qu’il dresse entre le quinquagénaire et l’enfant qu’il était.  Entre le souvenant et le souvenir.

Bouchée la vue sur l’enfance.

Et cela vaut bien d’ourdir une terrible vengeance.

Dans le second récit « Tiefland, obsession », Werner Kofler s’empare d’une des « anecdotes » les plus terrifiantes de l’histoire du cinéma : alors qu’entre 1940 et 1941, elle tourne son film « Tiefland », Leni Riefensthal fait appel à des figurants Rom qu’elle sort d’un camp de concentration…  juste le temps du tournage.  A la sortie du film en 1954, la polémique fut occultée sous les dorures (pour faire simple) de « l’art pour l’art ».  Kofler revient sur ce fait précisément pour en dénoncer le statut d’anecdote et interroger ce que l’art excuse.  Parfois à très bon compte.

il n’y a pas que le Beau qui ne soit rien, et le Beau n’est pas seul à n’être rien que le commencement du Terrible!

Et tout cela dans une phrase hachée, en saccades.  Où le montage du récit s’opère chez le lecteur.

le matériau est rayé, ça scintille et c’est flou -

Où l’art virtuose de l’instantané est tout au service d’une rage qu’il ne s’agit pas de contenir dans un espace trop étendu de peur de l’y perdre.  La phrase de Kofler est telle un monstre hystérique que l’on enfermerait dans une toile de jute trop cintrée et dont on devinerait les soubressauts, les efforts rageurs pour s’en libérer.  Lire Kofler, c’est faire une expérience de la rage.

Une vraie rage, ça doit tenir dans une trousse de toilette.  Qui voit cela?  Qui l’entend?  Qui sait encore lire?

Werner Kofler, Trop tard, 2013, Absalon, trad. Bernard Banoun.

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« La voie du régrès » de Georg Petz. http://www.librairie-ptyx.be/la-voie-du-regres-de-georg-petz/ http://www.librairie-ptyx.be/la-voie-du-regres-de-georg-petz/#comments Tue, 20 Nov 2012 09:16:04 +0000 Librairie Ptyx http://www.librairie-ptyx.be/?p=1615

Lire la Suite »]]> La voie du régrès comme seule possibilité d’aller de l’avant.

Un chroniqueur nommé Raùl qui cherche désespérement de la glace et fait l’épreuve de la poésie dans un monde sec et torride où rester à sa place est une obsession, une employée archiviste qui commence à penser dans le langage des fiches qu’elle classe, un ponte de l’industrie agroalimentaire qui tente de déstabiliser sa jeune interlocutrice en lui contant une histoire déformée de l’Europe.  Dans chacune de ces cinq nouvelles, il est question de parasites, et du langage dont ils s’arment pour mieux s’attacher leur proie et la contraindre.

C’est de cette façon que Raùl fit l’expérience de la poésie, laquelle était le régrès de la langue, les fondements et les fragments érodés d’une forme qui avait volé en éclats, et il apprit la beauté contenue dans les mots : des mots polis comme le karst.

Il y est aussi toujours question d’une rupture, d’un départ, d’un abandon de poste, qui forme le lieu de la poésie.  Seul lieu qu’habite le conteur qui désire influer sur cette rupture.  Le poète est celui, ou cela même, qui parasite la langue.  Qui la dépèce, mais moins pour s’en repaître que pour la changer, cette langue, et donc changer ce dont elle rend compte.  L’écriture chez Georg Petz n’exprime pas un monde qui change, mais le change.  Le poète est parasite, démiurge auquel il suffit de peu, d’un rien pour donner vie ou mort.

Rares sont les éléments qui, à partir de la répétition et de nouvelles combinaisons, créent finalement l’organisme entier, vivant qu’est aussi mon histoire.

L’écriture de Georg Petz immerge dans un ailleurs étrange dont le lecteur, fasciné, a l’impression de ne pouvoir y échapper sans risque.  Elle captive.  Elle vous parasite.  Et dans les rets de cette écriture, qui l’est aussi d’elle-même, on jubile.

Et toujours, en tout dernier lieu, son écriture était aussi écriture d’elle-même.

Georg Petz, La voie du régrès, 2012, Absalon.

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« Mytographes » de Hanno Millesi. http://www.librairie-ptyx.be/mytographes-de-hanno-millesi/ http://www.librairie-ptyx.be/mytographes-de-hanno-millesi/#comments Sat, 18 Aug 2012 18:01:20 +0000 Librairie Ptyx http://www.librairie-ptyx.be/?p=979

Lire la Suite »]]> Les éditions Absalon, non contents d’avoir eu l’excellente idée de nous faire découvrir le très important Werner Kofler (disparu il ya peu), ont la bonne idée de s’entêter dans leur désir d’apporter à la connaissance d’un public français un peu plus encore de l’important vivier littéraire autrichien.

Dans « Mythographes », le narrateur, historien de profession, décide de filer son jeune collègue Allmeyer jusqu’au pied de son immeuble, guettant le moment où il pourra s’introduire chez lui et le tuer.  Tout oppose ces deux historiens qui travaillent sur la même période de l’histoire qui a vu la montée de l’austro-fascisme.  A la réussite médiatique et universitaire d’Allmeyer ne fait écho que le silence dont on entoure les travaux du narrateur.  D’un côté l’aisance et l’assurance, de l’autre l’emprunt et la « loose ».  Bien que parfaitement conscient de la vacuité des moyens sur lesquels Allmeyer consolide sa position d’ « intellectuel médiatique », il n’en jalouse pas moins ses succès.  Et c’est dans cette opposition que le narrateur va puiser toute sa haine.

Hanno Millesi nous dresse ici un portrait sans concession de cette Autriche mutique devant son passé douloureux.  Allant jusqu’à porter aux nues médiatiques celui qui, sous les apparences d’une féroce contradiction, feint de lui opposer autre chose que l’évidence d’une position partagées par tous.

n’est ce pas caractéristique d’un certain esprit que de relever justement ces aspects sur lesquels, en fait, il n’y a pas vraiment de quoi se quereller?

Une Autriche qui préfère se mirrer dans une histoire de l’anecdote.  Comme si cette manière de « faire de l’histoire », qui s’interdit d’étayer les fautes dans la rigueur, lui permettait de renvoyer ses propres responsabilités au même registre badin.  Et donc à les occulter.

Mais dans l’analyse que fait le narrateur de ce que représente le fameux « scientifique médiatique », nous lisons aussi une remarquable déconstruction de ce qu’est l’artifice en littérature.

On gagne d’abord l’attention de l’autre, puis il s’agit de légitimer cette faveur, de contrôler cette bienveillance, après quoi l’autre est prêt à se laisser entraîner.  Peu importe jusqu’où.  Jusqu’aux limites du self-contrôle ou de la compréhension, dans le cas le plus extrême.

Le scientifique est redevables à ses destinataires – son travail n’a rien d’une mise en scène divertissante.

Et tout l’art (et l’humour) d’Hanno Millesi est précisément de nous « divertir » en démontant les séductions du divertissement.

Hanno Millesi, Mytographes, 2012 (à paraître le 23/08/2012), Absalon.

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