mignon – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 Lire le bandeau. https://www.librairie-ptyx.be/lire-le-bandeau/ https://www.librairie-ptyx.be/lire-le-bandeau/#comments Thu, 28 Aug 2014 08:03:36 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4416

Lire la suite]]> capillaireAh la rentrée littéraire!  Comme chaque septembre de chaque année depuis que l’édition a voluptueusement adopté ses atours les plus mercantiles, cette période voit se parer les librairies de ses nouveautés.  Nouveautés qui patienteront sagement deux trois mois sur les étals avant de pouvoir, aussi sagement, être oubliées. Car la nouveauté, la vraie nouveauté, a ceci de propre (dans le sens hygiéniste du terme) de n’être que nouvelle et de s’interdire la déchéance qu’est vieillir.  Nouveauté dont le nombre, la quantité à elle seule, semble (eu égard à ce qu’en dise les premiers torchons en parlant) être gage de la qualité. Chaque année l’arbre ploie sous le poids du fruit.  Ou l’adolescent sous le joug de son acné…

C’est le moment où le nouveau Nothomb peut enfin, après 12 mois de gestation, être jaugé à la seule aune possible, celle des autres Nothomb.  C’est en ces instants que peuvent bourgeonner à loisir les termes « écriture poétique », « plus grand écrivain de sa génération », « œuvre littéraire d’une puissance exceptionnelle », « récit poignant », « écriture lumineuse », « profond », « sensible », « moderne ».  Car la pléthore est aussi dans la métaphore.  Dans cet entonnoir temporel où tous semblent s’engouffrer avec une joie parfois mâtinée de résignation (style : « je déteste la rentrée mais j’adore publier 10 livres en septembre »), c’est aussi le moment de parier sur les Bienheureux qui pourront sortir de l’entonnoir gratifié du Sésame, de l’Absolu, de l’Ultime, j’ai nommé le Prix.  Mais c’est aussi le moment où se déverse à torrents dans nos lieux de vente, à grand renforts de senteurs de gasoil, l’ornement indispensable du livre de rentrée : le bandeau!

Tel celui du tennisman, celui de l’écrivain en dit souvent beaucoup (c’est du moins la tâche à laquelle qui l’imagine s’attèle) sur qui écrit.  De même qu’imaginer le bandana d’Agassi ceignant le front de Boris Becker (image un peu vieillie, certes, mais la nouveauté, nous…) requiert un effort considérable, et semble s’éloigner de toute volonté de transcrire sur l’ornement un caractère, un jeu, un style, de même donc, un bandeau Gallimard n’est pas un bandeau Grasset.  Osons l’écrire (ajoutons la métaphore à la métaphore) : il y a des écrivains de fond de court, d’autres du filet.  S’il ne fait pas la plume (ou le clavier…), le bandeau est sensé en être la trace visuelle, directement saisissable, accrochant le chaland par sa force évocatrice.  Comme le livre de rentrée est foncièrement, intangiblement original, pétri de sa géniale différence, le bandeau se doit d’en être l’expression.  Le bandeau, donc, doit être lu.

Prenons le bandeau Gallimard, par exemple.  Qu’y lit-on?

1. L’écrivain jeune n’a pas de peigne.

2. L’écrivain jeune doit être surveillé de près.  L’écrivain jeune, étant jeune, doit être cadré.  D’où le cadrage rapproché dont il bénéficie sur le bandeau.

3. Plus un écrivain est proche de l’Académie Française, plus il a droit à un col haut.

4. L’écrivain qui vend beaucoup a le droit de siffloter sur la photo.  Parce que, c’est bien connu, le succès fait siffloter.

5. La tension du ventre sur la chemise trop cintrée de l’écrivain à succès est forte.  D’où l’infime portion de ventre visible.  L’écrivain à succès est-il radin?

Il y a aussi ces portions de mystère adroitement dissimulées.  Ces regard vagues semblant questionner l’au-delà.  Ou droits, abrupts, semblant déshabiller le futur lecteur (alors que celui-là n’est encore qu’un chaland).  Le bandeau indique, attire mais questionne aussi.  Tiens mais…  Mais bien sûr.  C’est comme l’art!  Le bandeau est un art.  Nouveau, émergeant certes.  Mais art tout de même.  Et la force qui s’y loge déjà nous pousse à dire qu’il s’agit même de l’art de l’avenir.  Devant lequel tous les autres plieront l’échine, vaincus.  Car gageons que le bandeau l’emportera.  Quand, enfin, tous auront compris la merveilleuse économie du bandeau, son accord parfait aux temps remplaçant contenu par contenant, ne subsistera alors, dans toute sa gloire efficace, que du bandeau.  Sans le prétexte du vide qu’il entoure!  Du bandeau partout!  Du bandeau toujours!

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Le président, l’académicien et le torchon. https://www.librairie-ptyx.be/le-president-lacademicien-et-le-torchon/ https://www.librairie-ptyx.be/le-president-lacademicien-et-le-torchon/#respond Tue, 22 Jul 2014 12:32:37 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4344

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Après l’interview de Gavalda, nouvelle Calliope de France-Culture, l’été 2014 se révèle décidément bien faste en évènements littéraires d’importance.  C’est en effet au tour d’un autre monstre culturel de rappeler à nos mémoires deux autres monstres de la littérature, dessinant ce trio gagnant, cette sanctifiable trinité ô combien alléchante : Paris-Match, Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Rouart!  Du papier glacé, un Sarkozy et un académicien pour parler littérature : il fallait oser.  Ils l’ont fait.  L’été est chaud.  On en viendrait presque à ne plus trépigner d’impatience dans l’attente de la moisson de septembre.

La plupart, dont nous sommes pas, se seraient sans doute uniquement gaussé de la chose, n’y voyant que matière à sarcasmes.  Mais à se moquer sans discernement, on en oublie souvent le sérieux qui se loge sous le potache.  Comme toute chose nécessite ses contrastes pour exister vraiment, la littérature a besoin de ces ailleurs.  A tout tourner en dérision, on se refuse à rien apprendre.  Voici donc, condensé, ce qu’on apprend grâce à Paris-Match :

-Nicolas Sarkozy est président.

-La littérature c’est l’émotion.

-Nicolas Sarkozy sait qu’il y a sept milliards d’êtres humains.

-Un écrivain est un romancier mort (sauf Houellebecq).

-Il n’y a rien au-dessus du romancier (sauf peut-être, mais là on nous reprochera sans doute d’interpréter, le romancier français, sans parler du romancier-français-académicien-chevalier-de-la-légion-d’honneur )*.

-Zola n’écrivait pas des trucs de gauche.

-Drieu La Rochelle n’écrivait pas des trucs de droite.

-Nicolas Sarkozy n’est pas sûr d’aller en vacance avec Céline.

– » Toute la littérature du XIXe et de la première partie du XXe siècle tourne autour de thèmes récurrents : “Je t’aime” ; “Tu m’aimes” ; “Est-ce que ça va durer ?” ; “Est-ce que je peux te faire confiance ?”.  »

-Napoléon a été trahi par sa famille mais heureusement il pouvait se reposer sur l’amour de Joséphine.

-La question : « Est-il vrai que vous détestez la Princesse de Clèves? » est épineuse.

-Nicolas Sarkozy n’a pas voulu se servir de la culture comme d’un moyen de communication.  Ligne de conduite stricte qu’il continue de suivre.

-Nicolas Sarkozy comprend les questions que lui pose Jean-Marie Rouart. [rires]

Nous ne pouvons clore ceci sans rappeler que Paris-Match appartient à Hachette qui appartient à Lagardère qui appelle Nicolas son « frère ».  Et que Jean-Marie Rouart fut élevé chevalier de la légion d’honneur par le Président de la République française en fonction le 14 juillet 2009 (voir *).  Comme nous le disions : la littérature a besoin de ces ailleurs…

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C’est magnifique quoi. https://www.librairie-ptyx.be/cest-magnifique-quoi/ https://www.librairie-ptyx.be/cest-magnifique-quoi/#comments Tue, 08 Jul 2014 19:43:17 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4305

Lire la suite]]> barbieRécemment, lors de nos pérégrinations sur la toile (quand on trébuche, on devient désuet), nous trébuchâmes sur ceci.  Anna Gavalda chez France Culture!  Soyons clair : Anna Gavalda est la cadette de nos préoccupations.  Seul subsiste un vague souvenir de pages lues, aussi vite oubliées (à imaginer qu’elles puissent ne pas s’oublier, un frisson glacé nous parcourt l’échine).  Elle n’éveille rien en nous.  Pas même de l’indifférence.  Une totale et rassérénante sensation de vide.  C’est sans doute parce que nous fûmes tentés un instant par l’appel du vide (et puis il pleuvait, la librairie, cette morne plaine, était désertée par les quelques derniers braves bouffeurs de pages*) que nous nous laissâmes à écouter la chose.  Nous passâmes la porte (ceci est une métaphore).  Et découvrîmes, oh surprise, que le vide est habité.

« La poésie affleure à chaque ligne » (vers 2.00).  La phrase est bien d’A.G elle-même.  Et porte sur rien moi que l’œuvre d’A.G.  Nous y apprenons donc que l’œuvre gavaldienne est affaire de poésie.  Et accessoirement, si du moins la A.G. en question porte en haute estime la poésie (ce que la suite de la torture auditive confirme), que A.G. s’estime aussi beaucoup (ce que la suite de la même torture confirmera aussi).

« J’ai eu l’impression d’écrire un long poème » (vers 5.11).  A.G à propos de « La vie en mieux », son dernier roman (ci-après dénommé poème).

« C’est magnifique » ou « C’est magnifique, quoi » (vers 5.54  8.57  9.03  10.45  12.38  15.38  28.09).  Où l’on apprend que ce qui distingue la poésie du reste, c’et que c’est magnifique ou magnifique, quoi.

« Nous, Français, élevés à Racine et Corneille, un alexandrin, on l’entend tous […] Je crois beaucoup à l’alexandrin […] Moi, j’ai commencé très tôt, parce que le titre de mon premier roman en était un […] Ce qui est mignon, je le dis avec toute l’honnêteté dont je suis capable, c’est que je n’étais pas consciente du tout que c’était un alexandrin. »  (de 5.50 à 6.15) Le premier roman, oups, le premier poème gavaldien se dénommait Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part.  On apprend donc ici que la poésie c’est avec des alexandrins, que A.G est honnête et que tout cela mis ensemble, mélangé, à peine secoué, est mignon.

« J’ai gardé mon carnet avec mon écriture de quand j’étais petite et je m’en sais très gré » (vers 10.00).  On apprend ici (au-delà de l’aspect strictement documentaire) qu’il est possible, quand on est Anna Gavalda bien entendu (ce que tout le monde n’est pas), de se savoir gré de quelque chose, voire très gré.

« Je sais qu’aujourd’hui, c’est plus chic d’aimer des gens plus ornementés, ornementeux, ou ornementaux » (vers 10.30).  S’exprimant ici encore sur la poésie, on apprend donc que celle-ci est affaire d’ornement, qu’en avoir (en é, eux ou aux) est chic, donc pas bien (car le ton est condescendant), et donc que la bonne poésie n’est pas ornée.  La définition de l’ornement fait défaut.

« Ce qu’il y a de plus poétique dans ma vie, mon seul belvédère sur le monde, c’est France-Culture » (vers 15.38).  Quoi donc de plus touchant, de plus émouvant, que l’aveu de cette rencontre entre la poétesse et ce qu’il y a de plus poétique dans la vie de la poétesse.

« Justement parce que je suis si loin de cette écume, quand je rencontre les gens, je suis obligée d’aller avec eux dans le nu de leur âme. » (vers 16.08).  Nous pensons (mais qui sommes nous pour oser penser?) que c’est ici que la poétesse atteint le climax de son expression poétique.  Le relire suffit à nous en convaincre.

« Je mets tellement de choses si belles dans mes livres » (vers 19.43).  Victor Hugo n’était pas modeste et Victor Hugo était poète. Je ne suis pas modeste donc Je suis poète.  Cqfd.  Où l’on admire non plus la poétesse poétesse mais bien la poétesse philosophe, la logicienne rigoureuse.

« C’est beau, c’est très très beau.  J’ai beaucoup lu pour arriver jusque là » (vers 26.32).  Où A.G réagit à ce qui est lu de sa poésie.  Voir ci-dessus.  Où, aussi, on se demande, un brin anxieux, si elle va encore lire beaucoup.

« [La vie en mieux] se trouve dans toutes les librairies, ainsi que tous ces autres livres » (vers 28.28).  Où la passeuse de pommade, pardon, la journaliste, nous informe que nous ne sommes pas libraires.

Le vide est habité, on vous disait.

*le libraire, c’est bien connu, est plus plaintif qu’un agriculteur dépressif par temps de sécheresse voyant s’approcher de son dernier champ loué à crédit un essaim de sauterelles en formation serrée.

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