Verdier – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Bas la place y’a personne » de Dolores Prato. https://www.librairie-ptyx.be/bas-la-place-ya-personne-de-dolores-prato/ https://www.librairie-ptyx.be/bas-la-place-ya-personne-de-dolores-prato/#comments Tue, 18 Sep 2018 08:25:28 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7754

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La vérité jamais ne chassa le doute.

Née en 1892 d’une relation adultère, reconnue sur le tard, Dolores Prato sera placée par sa mère chez un oncle prêtre et sa sœur vieille fille, habitants de la petite ville de Treja dans les Marches. Bas la place y’a personne est le récit par elle-même de son enfance.

Les gens ne me parlaient pas, mais les choses, si; elles étaient foules; elles remplissaient la maison.

Peut-être lit-on moins maintenant qu’on ne s’essaie à écrire. Et dans ces tentatives, souvent, la vie intime forme le fond de la chose écrite. Qui raconte sa jeunesse traumatique sans fard, l’absence de fard étant censée servir seule de processus esthétique, qui utilise la mort des suites d’une longue maladie d’un être aimé pour abreuver une fiction « librement inspirée des faits », qui prétendra trouver dans « l’intime d’une vie cabossée » de quoi inspirer une « prose aussi libre que la vie à laquelle aspirait son auteur.e.trice »*… Tout cela s’appuyant sur un truisme aussi définitif qu’imparable : comme chaque vie est singulière, la mienne l’est aussi, j’ai donc le droit de l’exprimer et de considérer que cette expression, singulière elle aussi, est aussi légitime que nécessaire. C’est oublier deux faits essentiels : premièrement, si toute existence est bien entendu unique, l’intérêt que l’on peut légitimement avoir pour l’une qui n’est pas la sienne est inversement proportionnel à celui que l’on portera à sa propre vie, et ce n’est donc que très rarement – en fait jamais – que l’on désirera prendre le temps – en fait le perdre – de lire une vie plutôt que vivre la sienne ; deuxièmement, si chaque vie est bien singulière, il convient toujours, pour l’exprimer, d’utiliser un langage dont les fondements doivent être reconnus par le plus grand nombre pour pouvoir être lu mais dont l’expression ne doive pas recourir aux lieux communs sous peine de faire verser ce fameux « singulier » dans le commun le plus indiscernable. Chaque vie est singulière, certes, mais souvent, la meilleure façon d’en faire paraître une d’une banalité désespérante est de chercher à l’exprimer.

Il faisait un autre jeu merveilleux avec l’orange. « Attention » disait-il. Il la coupait en spirale tout autour de façon tellement parfaite qu’il mettait dans mon assiette une orange complètement nue; avec le ruban en spirale qui remplissait la sienne et un toucher de tous ses doigts, il reconstruisait parfaitement. Une spirale cosmique se recomposait en unité astrale. Je ne pensais certes pas avec ces mots, mais de ces mots il y avait l’émerveillement.

Comme chacune, l’enfance de Dolores Prato est donc bien exceptionnelle. Tout le monde n’est pas bâtard. Tout le monde ne fut pas éduqué par un oncle prêtre, érudit, chasseur et rêvant d’émigrer aux Etats-Unis, et par une tante vieille fille, à l’affection gênée et parcimonieuse. Tout le monde n’a pas grandi dans une ville des Marches, à l’aube miséreuse d’un siècle douloureux. Tout le monde n’entend pas les pas d’un enfant mort. Tout le monde ne se lie pas d’affection avec un perroquet. Mais, surtout, personne ne l’évoque ainsi.

J’ai entendu dire que ma vie à Treja fut désolée. Je n’en suis pas convaincue. À moins que la désolation ne fût cette chose que je sentais en moi et autour de moi dont jamais je n’aurais su dire ce que c’était. Si c’était désolation il faut dire alors que la désolation aussi est ponctuée de merveilles.

Chaque chose, chaque être, animé ou non, recèle des mondes. Et Dolores Prato réussit à les dire. Non pas uniquement en les épuisant sous les coups de butoir d’un ressassement, mais en multipliant les approches. En chahutant la syntaxe, en omettant là un verbe, là un sujet. En construisant à la chose, souvent disparue, une expression qui en dit l’inaltérable beauté. Un accès dont la beauté pouvait demeurer indépendamment de la chose elle-même. Bâtarde, elle aura compris que se dire ne se pouvait que dans une langue bâtarde. Sans prétention aucune mais avec une application pointilliste, elle aura dressé à la littérature l’un de ses monuments les plus touchants et les plus justes, jusqu’à sa dernière phrase.

Dolores Prato, Bas la place y’a personne, 2018, Verdier, trad. Laurent Lombard & Jean-Paul Manganaro.

*éditeur également, il se peut que certains exemples (ils sont légion) soient tirés de notre propre expérience…

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« Œuvres 1919-1922 » de Vélimir Khlebnikov. https://www.librairie-ptyx.be/oeuvres-1919-1922-de-velimir-khlebnikov/ https://www.librairie-ptyx.be/oeuvres-1919-1922-de-velimir-khlebnikov/#respond Fri, 08 Sep 2017 08:02:35 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7130

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Œuvres 1919-1922 reprend la quasi-totalité de l’oeuvre écrite par le poète russe entre 1919 et sa mort,  le 28 juin 1922. Composé de lettres, de courtes proses, de considérations numérologico-lingusitiques, de longs poèmes structurés, d’autres très courts, de lexiques phonétiques, etc., l’ensemble (dont la légende dit qu’il aurait été exhumé d’une taie d’oreiller) se présente d’abord comme un fatras protéiforme auquel seule la chronologie de sa présentation donne une apparence d’organisation. Très vite cependant le lecteur y retrouvera des constantes, des parentés, des obsessions, qui, sans atténuer l’impression de richesse baroque de la chose, lui permettent d’y construire des accès.

Un jour l’humanité construira son travail à partir des battements du cœur, un battement de cœur sera alors l’unité de travail. Alors, rire et sourire, joie et malheur, langueur et portage de la pesanteur auront la même valeur, parce que tous exigent une dépense en battements de cœur.

La poésie de Vélimir Khlebnikov est celle d’un homme pris dans les rets et les heurts d’un projet politique en train d’advenir dans la douleur. Ancrée dans les luttes de son temps, elle se veut une occasion, à la fois d’en rendre compte et de leur donner un cadre esthétique, mais aussi d’y peser. Fort de l’urgence qu’il sent saisir son siècle, et qui le saisit de même, le poète se doit, pour y jouer un rôle, de donner des outils aux hommes. Outils de langage qui, pour porter témoignage et influer sur son monde en rupture, se devront d’être façonnés à neuf.

La création-de-mots est l’explosion du mutisme de la langue, des couches sourdes et muettes de la langue.

Aussi fait-il sourdre la poésie de couches de mots issus du son, des phonèmes, imbriqués dans une narration dont les récits s’imbriquent à leur tour dans une surnarration. Le tout formant de nouveaux chemins d’accès à des sens modifiés. Ainsi, par exemple, le glissement sur la page du Ér (le [r] sonore et/ou écrit) vers le Él (le [l] sonore et/ou écrit) se manifesterait par un glissement sémantique (on passe de mots en [r] à des mots en [l]), lui même rendant compte d’une modification du monde que ce glissement induit (le Ér, dans « l’alphabet » Khlebnikovien, signifiant « un point transperçant de part en part la surface perpendiculaire », le Él « un arrêt de la chute ou du mouvement en général, par la surface perpendiculaire au point qui chute ») :

Mais Él est arrivé   Ér est tombé

Le peuple vogue sur le lougre de la langueur

il remplace la poudre guerrière par une foule de tortures 

l’ouragan par l’élégant

Si cette lecture conjointe sur la page de strates signifiantes diverses mélangeant allègrement sciences linguistiques, érudition théologique, délires numérologiques, idiomes divers, néologismes, audacieuses mises en forme (ses palindromes sont impressionnants…), peut donner une impression de sophistication, le vrai génie de Khlebnikov (et de son traducteur!) tient sans doute à ne jamais sacrifier à celle-ci le pouvoir subjuguant de la poésie. On ne lit ni un manifeste, ni un programme. Partie intégrante de ses thèses, la beauté est le filtre premier et délicat par lequel celles-ci trouvent à s’exprimer. En une formule simple : Khlebnikov, c’est juste profondément beau!

Quand le lièvre bondit dans la clairière, il aperçut les vieux buissons familiers, une congère inconnue parmi eux et un bâton noir indubitablement mystérieux qui sortait de cette dernière. Le lièvre leva la patte et inclina l’oreille. Soudain, des yeux brillèrent derrière la congère. Ce n’étaient pas des yeux de lièvre, lorsque, immenses étoiles d’effroi, ils s’élèvent au-dessus de la neige. A qui appartenaient-ils? à un homme? Ou bien ils étaient arrivés ici venant de ce pays des Grands Lièvres où les Lièvres chassent les hommes et où ces derniers sortent timidement de leurs trous la nuit, provoquant les coups de feu des tireurs implacables, se faufilent dans les potagers pour ronger une tige de tremble ou une tête de chou.

-Oui, pensa le lièvre, c’est lui, le Grand Lièvre, il est venu libérer ses frères du joug offensant de l’homme. J’accomplirai donc les rites sacrés de notre pays.

Le lièvre couvrit de ses sauts toute la clairière enneigée, tantôt faisant des culbutes élégantes dans l’air, tantôt lançant haut ses pattes. Pendant ce temps, le bâton noir trembla. La congère se mit en mouvement et fit un pas en avant. De terrifiants yeux bleus brillèrent au-dessus de la neige.

-Ah! pensa le lièvre, ce n’est pas le Grand Libérateur, c’est l’homme.

L’épouvante cloua son corps. Il resta là tremblant de tous ses membres jusqu’à ce que le coup de feu, l’éclaboussant de sang, ne projette haut son corps.

Vélimir Khlebnikov, Œuvres 1919-1922, 2017, Verdier, trad. Yvan Migot.

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« Le petit garçon sur la plage » de Pierre Demarty. https://www.librairie-ptyx.be/le-petit-garcon-sur-la-plage-de-pierre-demarty/ https://www.librairie-ptyx.be/le-petit-garcon-sur-la-plage-de-pierre-demarty/#respond Fri, 25 Aug 2017 07:29:44 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7069

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Alors que sa femme et ses deux jeunes enfants l’ont devancé sur le chemin des vacances, un père (dont on ne saura pas le nom) se rend au cinéma. Dans le film qu’il a choisi (dont l’auteur ne nous donnera jamais le nom), une scène le happe littéralement : un petit garçon sur une plage, hurlant après ses parents disparus en mer. Bouleversé, il prend la voiture dès la nuit suivante pour rejoindre sa famille. Quelques temps après, une image, d’actualité celle-là, montrant une autre plage sur laquelle gît un autre petit garçon (dont le nom sera également tu), ravive en lui la première expérience.

Il y a donc deux images. Une, dynamique, de fiction, montrant un tout jeune enfant sur une plage, encore incapable de marcher, hurlant. Et il y en a une seconde, statique, arrachée au réel, celle d’un enfant un peu plus âgé, sur une plage aussi, mort. Et entre les deux, il y a ce père. Il y a surtout le regard de ce père.

Si l’image se mettait à bouger, à s’animer, la mer à aller et venir sur le sable, avec le bruit que fait la mer, et le vent à souffler, avec le bruit que fait le vent, emportant peut-être le sac en plastique bleu ciel qui s’envolerait et disparaîtrait peut-être hors du cadre de l’image, dans le ciel (mais dans cette image il n’y a pas de ciel), peut-être alors on verrait, à peine, la tête soulevée puis reposée encore et encore, et encore, comme bercée lentement, plusieurs fois, régulièrement, par le mouvement très doux des vagues, mais même alors, même si tout le reste, tout autour de ce petit corps de petit garçon, se mettait même lentement à bouger, rien d’autre, rien de corps lui-même ne bougerait, et on verrait alors, on verrait bien, on comprendrait tout de suite, qu’il n’y a que la mer qui bouge. Que le petit corps du petit garçon couché sur le sable et sur l’eau et dans l’eau, lui, est bougé mais ne bouge pas.

En tentant d’épuiser par la parole ces images, dont l’une au moins aura été vue, revue et revue encore, et en nous contant la réaction d’un père confronté à celles-ci, Pierre Demarty ne s’entête pas à revenir frontalement sur des faits en tant que tels, ou les controverses qu’ils ont suscités. Son récit ne s’ancre ni dans les faits dont on a « tiré » les images, ni dans les actes et polémiques qui les ont suivies. C’est le regard qui l’intéresse.

Des images on ne ressort pas, ni ceux qui les habitent, ni ceux qui les regardent.

Le petit garçon sur la plage nous conte le récit d’un regard qu’ouvre la fiction, le prépare à recevoir le réel, puis y revient pour pouvoir y vivre. Le petit garçon sur la plage, sans nous l’expliquer doctement, nous donne à lire notre propre regard. Aux antipodes du cynisme obscène ou du sentimentalisme béat, Pierre Demarty nous démontre qu’il est possible – nécessaire même – d’émouvoir, de bouleverser. A la fois regard sur la fiction et fiction sur le regard, Le petit garçon sur la plage nous invite à revenir là où tout commence…

C’est l’histoire d’une dévoration. Une histoire de corps, ce qu’on fait d’eux, ce qu’ils font de nous, comment ils s’incarnent et se désincarnent, et qui commence par un œil.

Pierre Demarty, Le petit garçon sur la plage, 2017, Verdier. 

Les sons ci-dessus ont été produits et captés par l’excellent Alain Cabaux sur Radio Campus (92.1)

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« Marcher droit, tourner en rond » de Emmanuel Venet. https://www.librairie-ptyx.be/marcher-droit-tourner-en-rond-de-emmanuel-venet/ https://www.librairie-ptyx.be/marcher-droit-tourner-en-rond-de-emmanuel-venet/#respond Fri, 19 Aug 2016 08:13:22 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6141

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VenetLe syndrome d’Asperger, atypie du développement appartenant au spectre de l’autisme et qui ressemble à l’idée que je me fais du surhomme nietzschéen,me rend asociognosique, c’est-à-dire incapable de me plier à l’arbitraire des conventions sociales et d’admettre le caractère foncièrement relatif de l’honnêteté. Je suis tout à fait prêt à reconnaître mes déficiences dans ce domaine, d’autant qu’elles me donnent droit à une pension modeste mais bienvenue. Cependant il me semble qu’il serait plus sain de préférer la vérité au mensonge, et que l’humanité devrait plutôt s’attacher à dessiller les crédules et à punir les profiteurs qui entretiennent le climat de duplicité et de tromperie dans lequel, pour notre plus grand malheur, notre espèce baigne depuis la nuit des temps.

Le narrateur de Marcher droit, tourner en rond est atteint du célèbre mais mal connu syndrome d’Asperger. Assistant à l’enterrement de sa grand-mère – l’oraison, ce climax du mensonge -, celui-ci est l’occasion pour lui de revenir sur l’histoire de sa famille et des rapports que lui-même entretient avec elle. On y découvre un homme de quarante cinq ans qui, – maladie oblige – ne s’embarrassant pas d’inhibition, peut passer au crible de la seule rigueur les mensonges et dissimulations dont chacun pare le réel pour le rendre un tantinet plus vivable.

Lorsque je me laisse atteindre par le bombardement médiatiques de demi-vérités, de trucages, d’amalgames et de bobards éhontés, je me sens vivre au cœur d’un labyrinthe dont rien ne me prouve qu’il possède une issue.

D’un éclat de rire à l’autre – car la manifestation sans fard du vrai est toujours drôle là où il y a unanimité pour le dissimuler -, nous progressons dans le dévoilement d’une famille, comme de nos propres et multiples arrangements avec la réalité. Le vrai gêne. Il embarrasse. Mais, in fine, c’est moins la vérité qui nous gêne que de se voir révélé notre assiduité à l’enterrer. C’est cette complexité des moyens que nous mettons en oeuvre pour nous mentir, combinée à notre foi aveugle en eux, qu’il nous est surtout intolérable de nous voir rappelées. Et dont le syndrome d’Asperger est à la fois le messager comique et la victime tragique. Car cette rigueur carrée du réel envisagé sans apprêt, ce vrai que nous avons élevé au rang d’idéal, est-il seulement souhaitable? Ce que nous révèle aussi la logorrhée iconoclaste d’un syndrome d’Asperger – symbole de la vérité, mais que nous conjoignons à celui du handicap… -, n’est-ce pas qu’à vouloir absolument marcher droit, on se condamne à tourner en rond? L’exercice de la vérité n’est décidément pas chose si simple…

le réel ne génère qu’un douloureux sentiment d’absurdité.

Emmanuel Venet, Marcher droit, tourner en rond, 2016, Verdier.

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« Droiture et mélancolie » de Pierre Vesperini. https://www.librairie-ptyx.be/droiture-et-melancolie-de-pierre-vesperini/ https://www.librairie-ptyx.be/droiture-et-melancolie-de-pierre-vesperini/#respond Mon, 23 May 2016 06:32:34 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5955

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Marc Aurèle est considéré (ce qu’une courte expérience en librairie pourra vous confirmer), non seulement comme un philosophe stoïcien, mais aussi peut-être comme son parangon, ayant pu faire preuve, dans l’exercice du pouvoir, de la mise en pratique de ses principes. Or tout cela ne serait que construction.

Mais un historien peut-il, demandera-t-on, faire abstraction des façons de penser de son temps? Je soutiens que oui, à condition de lire les Anciens dans le texte, en grec et en latin, de ne négliger a priori aucun document, aucune source qui viendrait contrarier nos présomptions, et, à partir de là, de rendre compte de leur vie à partir de leurs propres catégories, de leur propre façon de penser. L’histoire qu’on va lire se prétend donc, en ce sens, objective.

On gloserait sans fin sur cette entame, cette prétention à l’objectivité, cette possibilité – ou non – qu’à un sujet d’effacer – en le revendiquant – ses empreintes de l’analyse d’un objet. Mais passons…

Foucault lit chez Marc Aurèle les traces d’un processus de subjectivation. Or, chez les antiques, il n’y a de soi que lié au soi social. L’un et l’autre sont inextricablement liés et aucun philosophe antique ne cherchait à les disjoindre. En reprenant l’exemple même sur lequel se fondait Foucault pour en « apporter la preuve », mais complet et dépouillé de ses intentions, là où le philosophe cherchait à lire un examen de conscience ne nous est plus donné à lire que le simple récit d’une journée de loisir exemplaire…

Pierre Hadot insiste sur le passage, la conversion, de Marc Aurèle de la rhétorique à la philosophie. Or, il s’avère que l’empereur n’a jamais abandonné la rhétorique et que le « constat » contraire ne s’appuie que sur des présupposés fantasmés de lettres disparues…

Vesperini continue, impitoyable : les logoi impériaux étaient fonctionnels et n’avaient aucune prétention à la vérité (Ce qui est recherché, c’est l’efficacité, non la vérité) ; rien n’est plus éloigné de Marc Aurèle – de sa fonction et son époque – que la volonté de se placer sous la tutelle ou l’égide d’un maître unique, fusse t-il stoïcien ; les adresses aux dieux de « l’empereur-philosophe » ne sont nullement des métaphores d’un philosophe agnostique mais des appels bien réels, fidèles aux représentations de l’élite de son temps ; enfin, rien n’est plus éloigné de la réalité qu’un Marc Aurèle tolérant, magnanime, charitable, despote éclairé ou humaniste avant l’heure (suffisamment d’esclaves, de gladiateurs ou de pères de l’Eglise en firent les frais)… L’une après l’autre, les « certitudes » tombent!

Moins cruelle que redoutablement rigoureuse, l’analyse de Vesperini n’égratigne la postérité de certains que malgré soi. La déconstruction d’un mythe vaut bien ce prix. Apportant preuve après preuve, construisant son propos avec patience mais sans faux-fuyant, il dresse de Marc Aurèle un portrait qui tranche manifestement plus avec sa postérité qu’avec sa réalité. Ce faisant, il rappelle malicieusement qu’un historien, à ne pas s’en garder suffisamment, peut en venir à tresser les lauriers auxquels, précisément – et Marc Aurèle en est peut-être un superbe exemple -, aspirait son objet. Finalement, on ne sait s’il fait ainsi oeuvre d’objectivité. Ce qu’on affirme par contre c’est qu’il s’agit là d’une remarquable leçon d’Histoire!

L’historien n’est pas à ce point prisonnier de son temps qu’il doive forcément comprendre le passé par des analogies.

Pierre Vesperini, Droiture et mélancolie. Sur les écrits de Marc Aurèle, 2016, Verdier.

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« Extrêmes et lumineux » de Christophe Manon. https://www.librairie-ptyx.be/extremes-et-lumineux-de-christophe-manon/ https://www.librairie-ptyx.be/extremes-et-lumineux-de-christophe-manon/#respond Wed, 19 Aug 2015 07:35:12 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5305

Lire la suite]]> extreme_et_lumineux-168x264L’art du fragment – on l’a déjà dit maintes fois, on se répète – sert souvent plus à camoufler une carence qu’à réellement étoffer un propos. Dans l’incapacité de trouver un liant, il permet d’en camoufler l’absence sous l’appartenance à un « style », une « technique », une « tradition ».  Le fragment est excuse ou prétexte là où il devrait être question.

repre

nant inlassablement les mêmes passages, corrigeant, amendant, modifiant, ajustant, ajoutant, supprimant, essayant dans un geste obstiné et presque vengeur d’épuiser la possibilité d’expression d’un souvenir, d’une réminiscence, d’un visage, d’une image, d’une sensation, d’émotions, de joies ou de tristesses, de réanimer l’imperceptible lueur d’une présence, comme tournant autour avec maladresse et imprécision sans jamais parvenir à les circonscrire, à leur donner l’épaisseur et le contour du réel, leur sens et leur saveur échappant irrémédiablement non seulement aux possibilités matérielles de la langue, mais aussi et surtout aux capacités du scripteur, mesurant ainsi son impuissance à revivre et faire revivre ce qui a été, toutes ces années passées maintenant, tous ces êtres disparus, chacun de ces instants révolus demeurant définitivement inaccessibles, émergeant de la conscience tels de vagues motifs sans relief difficiles à reconstituer et dont on peut douter de la validité, comme des ruines au cœur d’un paysage brumeux, fantasmes, fictions inconsistantes fabriquées avec le temps par sédimentation, car : comment se rappeler, comment être sûr de la réalité des faits

Qu’est ce qu’un souvenir? Comment émerge-t’il? Que penser des retours de certains?  Comment les dire?  Toutes questions au cœur de Extrêmes et lumineux.  Composé de fragments, de séquences – souvenir d’un tabassage, description d’une photographie, évocations d’étreintes sauvages, réminiscences d’un théâtre ambulant, etc… -, chacune commençant par la seconde moitié d’un mot dont la première achevait la précédente, Extrêmes et lumineux est très loin du Coq à l’âne abrupt.  Ces fragments sans points, brefs, s’ils s’arrêtent et commencent bien comme sur les bords d’un gouffre, comme dans la brutalité d’une coupure, suspendent le temps en leur sein.  Tissés de longues phrases, toutes en participe présent, les séquences de souvenirs paraissent comme suspendues, intemporelles, entre les arêtes coupantes d’un abyme.  Saisissant le lecteur dans ce contraste, Christophe Manon a compris que questionner le passé ne pouvait aller sans se saisir de la question de sa survenance dans le présent.  Ample, sublime, ce roman nous enserre dans une boucle à l’image de nos vies.  Dont l’écrivain doit moins s’affairer, en archéologue de son passé, à chercher une sortie – y en a-t-il une?- qu’à préciser, toujours mieux, chaque fois plus précisément, les strates que lui en laisse une mémoire cahotante.  Nos vies sont sans sortie.  Elles n’offrent pas de prises pour les saisir.  Mais dans leur espace clos demeurent des possibilités de superbement ressasser…

tout cela remonté à la surface, traîné, porté, charrié, imaginé, inventé, conçu, élaboré, trafiqué, mis en branle dans une sorte de frénésie à la fois douloureuse et jubilatoire, avec seulement un peu d’encre et du papier, comme si ces maigres matériaux suffisaient à pouvoir exprimer l’insaisissable mouvement de l’existence

Christophe Manon, Extrêmes et lumineux, 2015, Verdier.

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« Mère et le crayon » de Josef Winkler. https://www.librairie-ptyx.be/mere-et-le-crayon-de-josef-winkler/ https://www.librairie-ptyx.be/mere-et-le-crayon-de-josef-winkler/#respond Fri, 08 May 2015 06:37:41 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5106

Lire la suite]]> vierge à la chaiseTandis que j’écrivais ce texte sur ma mère, en Inde, […] dans un jardin, je me suis souvenu.

Tout commence en Inde, à Ellorâ, où le narrateur déambule sans fin dans des temples bouddhistes creusés dans le roc. De temps à autre, il se plonge dans la lecture du bref journal d’Ilse Aichinger, Kleist, Mousse, Faisans. Une phrase le transporte soudain en 1943, le jour où son grand-père reçoit un courrier lui annonçant qu’Adam, le troisième de ses fils, est mort au front, comme ses deux frères avant lui. La mère du narrateur apprend la triste nouvelle par cette formule elliptique : « Notre Adam rentre aussi, mais autrement… »  Un profond silence s’étend alors sur le domaine familial. De toute sa vie, la mère du narrateur – récemment décédée – ne parlera plus. Mère et le crayon lui est tout entier consacré, et dépeint différentes scènes de sa vie, entrecoupées d’extraits de Hier en chemin, de Peter Handke, et du récit autobiographique de Peter Weiss, Adieu aux parents.

Rien ne m’instruit aussi bien que les variantes du toujours semblable.

Comment affleure le souvenir?  Comment le présent en prend la teinte? Sans cesse ramenant au jour ce que la mémoire enfouit, croit-on parfois si profondément qu’elle le rendrait inaccessible, la vie présente, tissée de menus événements, s’entrelarde du passé.  Ainsi l’église de Lagrasse rappelle ‘t-elle à l’écrivain Winkler, Josef, l’enfant de chœur qu’il fut.  Ainsi « La vierge à la chaise » de Raphaël, dont une copie trône en bonne place dans la maison familiale du jeune Josef, interpose t’elle son filtre (chez l’auteur comme chez le lecteur) dans la lecture que l’on a du passé de l’écrivain Winkler. Ainsi l’écriture se meuble t’elle des échos du passé de qui écrit et de ceux de ses lectures.  Dans des variations qui instruisent, certes l’auteur, mais également, et c’est bien l’essentiel, le lecteur.

Mais que faire de ceux que nous aurons ressuscité?

Josef Winkler, Mère et le crayon, 2015, trad. O. Le Lay.

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« Rue involontaire » de Sigismund Krzyzanowski. https://www.librairie-ptyx.be/rue-involontaire-de-sigismund-krzyzanowski/ https://www.librairie-ptyx.be/rue-involontaire-de-sigismund-krzyzanowski/#comments Fri, 14 Mar 2014 08:49:12 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3969

Lire la suite]]> krzyzanowskiAu fond, c’est tout ce qu’il me faut.  Etre entendu.

Rue Involontaire (quel plus beau nom pour une rue arpentée par l’ivrogne) est composé de sept lettres écrites par l’écrivain et son coauteur, la vodka, pour utiliser les timbres rendus en guise de monnaie lors de l’achat d’alcool. N’ayant personne à qui écrire, Krzyzanowski les adresse au premier venu ou à la fenêtre qui reste allumée la nuit, et les expédie par la fente de son vasistas.

Avec mon co-auteur, la vodka, nous nous sommes peu à peu pris de passion pour la chose épistolaire.

On n’est cependant ni dans une littérature d’alcoolique, ni dans une littérature sur l’alcool.  Si l’alcool fait bien partie du projet d’écriture, il en est bien le coauteur, non le sujet.  Tout au mieux est-il ouvroir et offre-t-il, par l’ivresse qu’il déclenche, un modèle réduit de l’existence.  La prouesse de Krzyzanowski est de nous faire assister à la naissance du texte, à son processus d’élaboration, dans le temps même que l’action qu’il conte est contaminée par l’alcool, son coauteur.

Car au fur et à mesure que le niveau d’encre baisse – goutte après goutte – dans l’encrier, dans l’écrivant – verre après verre – le niveau de vodka monte.

Il ne s’agit pas de décrire un homme titubant, mais d’en faire tituber les mots, ni de montrer l’ivrogne pris de vertige, mais de faire vaciller le lecteur.

Eh bien, mieux vaut avoir le nez rouge et aller de travers que le nez creux et aller dans le sens du vent.

Comme les hésitations embrumées de l’ivrogne lui font parfois expérimenter les bas-côtés d’un chemin, ce sont les soubresauts de son écriture qui lui en font découvrir les marges.  Dans ces lettres, comme dans les courts récits qui suivent (celui d’un homme-horloge ou celui de la première migration attestée d’une pensée du cerveau qui l’abritait au chapeau qui le couvrait!), se dévoilent, dans une écriture tissée de travers, comme parfois de guingois, l’originalité, la vitalité, l’acuité, l’irrésistible drôlerie et la tendresse un peu folles d’un des plus grands écrivains du xxème siècle.

Il ne serait pas exagéré de dire d’un pendu qu’il avait des relations tendues avec la vie.

Sigismund Krzyzanowski, Rue involontaire, 2014, Verdier, trad. 

On notera que ce titre, comme il fut coécrit avec la vodka, fut coédité.  L’excellente librairie « Le livre » à Tours s’est ainsi associé, pour ses vingt années d’existence, au non moins excellent Verdier, qui fête cette année ses 35 ans.  Longue vie à eux!

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« Scènes de ma vie » de Franz Michael Felder. https://www.librairie-ptyx.be/scenes-de-ma-vie-de-franz-michael-felder/ https://www.librairie-ptyx.be/scenes-de-ma-vie-de-franz-michael-felder/#respond Tue, 25 Feb 2014 07:53:46 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3872

Lire la suite]]> scenesdemavieOn ne veut pas de têtes bien faites, d’originaux, pourvus de quelques lumières, on veut des hommes utiles qu’on pourra mettre sous le joug.

Né en 1839, dans la très reculée région du Vorarlberg, en Autriche-Hongrie, Franz Michael Felder n’était, de par son milieu et sa pauvreté, pas prédestiné à devenir l’auteur de romans, de nouvelles, de poèmes, d’essais, d’une vaste correspondance et d’une autobiographie qu’il est pourtant devenu.  Ces Scènes de la vie retracent sa jeunesse jusqu’à l’année de son mariage le 4 février 1861.  Essentiellement passées (hors quelques voyages dans des villages voisins, à une journée de marche) entre les alpages et le petit village dont il est issu, entre les étables et le clocher de l’église, entre les fromagers et l’instituteur, les années d’apprentissage de Franz Michael Felder peuvent certes être lues (comme elles le furent d’ailleurs longtemps en Allemagne) comme un document sur la vie d’une communauté rurale.  L’y limiter serait cependant bien injuste.

Pourquoi le bon Dieu n’aveuglait-il pas plutôt ceux qui écrivaient de mauvais livres?  De la sorte on étoufferait le mal dans l’œuf.

Ce que révèlent ces pages, c’est, au-delà du décor alpestre, la volonté sans relâche, la hargne presque, qu’un jeune paysan pauvre mettra à « cultiver son jardin ».  Faisant fi des contraintes morales d’une société étriquée (et la géographie y est pour beaucoup), des préjugés d’un monde paysan qui cultive une antique méfiance pour ce qui n’est pas directement mesurable, enfin (et combien elles pèsent lourds) des contraintes matérielles, Franz Michael Felder découvrira la lecture puis l’écriture.  Et ce qui s’y découvre, c’est cette force et cette volonté qu’il faut pour s’arracher à un destin.

J’aimais à adopter le point de vue d’autrui, et c’est de bon cœur que je riais de moi-même.

S’arracher à un destin.  Non à un milieu.  Car, si sa soif d’apprendre, sa ferme volonté de ne laisser passer aucune étincelle de savoir à sa portée sans qu’elle ne serve à l’enrichir, si cet appétit insatiable de connaissance nécessite, il le sait, des ailleurs où puiser, cela n’est pas, il le sait de même, dans le sacrifice du milieu dont il vient.  La teinte que prennent peu à peu ses écrits, comme ses volontés de réforme politiques, n’est pas issue d’une volonté qu’il s’agirait d’imposer de l’extérieur à une communauté rétive par essence, qu’il s’agirait alors de dresser.  L’originalité de Franz Michael Felder tient à ceci qu’il mêle, en toute conscience, attachement au rural et possibilité de réforme, saveur du parler populaire et exigence poétique.

Et c’est de cette conscience d’une possibilité de rencontre entre deux mondes que jaillit une écriture qui en dit la nécessité.

[L’écrivain], s’il ne fait que suivre le goût et les caprices de son époque, en un mot s’il se laisse façonner par son lecteur, à qui l’on ne devra montrer que sa propre image – entourée d’une auréole -, alors [sa] lecture n’est pas formatrice, bien au contraire.

Franz Michael Felder, Scènes de ma vie, 2014, Verdier, trad. Olivier Le Lay.

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« Rien » de Emmanuel Venet. https://www.librairie-ptyx.be/rien-de-emmanuel-venet/ https://www.librairie-ptyx.be/rien-de-emmanuel-venet/#comments Tue, 03 Sep 2013 10:11:35 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3058

Lire la suite]]> rienIl n’est pas toujours évident de définir l’angle selon lequel parler d’un livre.  Du moins de ceux dont on a envie de ne dire que du bien.  La tache qu’on se donne est-elle de donner l’envie au plus grand nombre de le lire?  Cherche t’on à avertir le lecteur d’une subtilité pouvant faire sens plus largement que dans le livre lu, celui-ci servant alors en quelque sorte d’entrée en matière?  S’agit-il d’une exégèse détachée d’autre préoccupations?  S’adresse t’on à qui a lu ou à qui va lire?  Il va de soi que les réponses à ces questions ne s’excluent pas par essence. Mais dans certain cas, il convient d’y réfléchir à deux fois (voire plus si on a le temps).  Car s’y lancer, plein d’un allant admiratif pour la chose lue, sans s’atteler à réfléchir sur ce qu’on poursuit dans la communication (et ses responsabilités), peut précisément aller à l’encontre de tout ce qui suscite cet enthousiasme.  Et, plus grave, de le tuer chez l’autre, le lecteur d’après, ou d’en rendre l’expérience terne ou incomplète.

« Rien » est de ses livres.  On pourrait vous dire qu’on y parle de musique, de la découverte d’un compositeur méconnu, de ce que l’amour devient quand il se vit longtemps, de ce qu’est la création.  On pourrait vous dire que l’écriture en est tout en souplesse.  Que c’est beau.  Etc…  Mais tout cela serait faux.  Ou du moins ce serait vous mener en bateau.  Car ce qui fait le creux du livre, en fonde tout l’intérêt, mais aussi le projet, en est l’expérience de lecture.  Et comme, dans ce cas précis, en parler intelligemment reviendrait à en dévoiler le biais, force nous est de n’en surtout rien dire.  Car le dévoiler serait empêcher l’expérience qu’il rend magistralement possible.  Cette chronique s’achèvera donc sur un mot d’ordre : Lisez-le!

Emmanuel Venet, Rien, 2013, Verdier.

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