pignouf – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Qu’appelle-t-on panser? » de Bernard Stiegler ou L’aboutissement du capitalisme part III https://www.librairie-ptyx.be/quappelle-t-on-panser-de-bernard-stiegler-ou-laboutissement-du-capitalisme-part-iii/ https://www.librairie-ptyx.be/quappelle-t-on-panser-de-bernard-stiegler-ou-laboutissement-du-capitalisme-part-iii/#comments Fri, 16 Nov 2018 07:36:40 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7958

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Prenons deux maximes : « Le ridicule ne tue pas » et « Ce qui ne tue pas te rend plus fort ». Accolons-les, nous obtenons : « Bernard Stiegler est vivant et son dernier livre fait encore plus fort ».

L’un des propres du pensum, à quoi qu’il s’attache, est de décourager d’emblée. Celui-ci à peine entrouvert et déjà l’amas informe de calembours, d’italiques, de néologismes, de suintante prétention, décourage qui tente de s’y frayer un chemin. Entendons-nous bien cependant : nous ne sommes par essence nullement découragés par l’apparence ardue d’un texte. On a fréquenté (et on fréquente encore) d’assez près la philosophie et ses pontes réputés casse-pipe (qu’il s’agisse des sacro-saints français ou des honnis analytiques) que pour ne pas baisser les bras devant ce qui s’annonce difficile. On sait trop combien le nouveau requière un effort de lecture neuf que pour y renoncer par principe ou par paresse. On irait même jusqu’à dire que cela fait plutôt partie de notre plaisir. Non. Ce qui décourage ici n’est pas notre crainte de l’effort à fournir pour accéder à la compréhension du texte bébérien mais bien que son apparence de difficulté ne dissimule… rien. Les calembours, les citations à l’emporte-pièce, le name-dropping, les italiques, le recours aux mots rares, tout cela n’est que la mise en scène de sa vacuité. Mise en scène qui fonctionne d’autant mieux qu’est toujours profondément inscrite en nous l’idée que plus c’est dur autour, mieux c’est dedans. À l’image de l’œuf factice destiné à encourager la poule dans son entreprise pondeuse, l’oeuvre bébérienne aura beau être picorée encore et encore, elle ne donnera accès à rien. La difficulté bébérienne n’est pas la coquille qui dissimule le génie, elle forme la substance de l’œuf bébérien. Et plus encore, contrairement à l’œuf factice dont la contemplation provoque l’œuf vrai, l’œuf bébérien, lui, ne produit chez qui le contemple qu’un ennui mâtiné de pouffements.

Il est donc non seulement illusoire mais aussi inutile de se lancer dans une exégèse du texte bébérien pour en goûter la substance. Ce serait, en sus d’une perte de temps fort dommageable, se laisser prendre au piège sournois qu’il nous tend. Un simple examen attentif d’une page ouverte au hasard suffit à dégonfler la baudruche bébérienne :

Un telle règle est l’arègle an-archique de l’absence de règle : la règle du défaut comme défaut de règle qu’il faut. Cela signifie que le pharmakon est toujours ce par rapport à quoi une bifurcation peut et doit s’opérer, telle qu’elle est offerte par le pharmakon, contre la toxicité de ce pharmakon, et comme sa quasi-causalité – par-delà toute Aufhebung, toute synthèse dialectique, « idéaliste » ou « matérialiste » : la quasi-causalité pharmacologique finit toujours par engendrer elle-même de nouveaux pharmaka, qui réactivent la situation tragique en quoi consiste l’exosomatisation telle qu’elle ouvre des promesses qu’elle ne tient jamais autrement qu’en en différant toujours à nouveau l’horizon.

Oufti. Passons à côté des cornichoneries néologisantes, des contrepèteries involontaires (ou pas, avec Bèbère on s’y perd), de la pseudo-science, rappelons-nous que tout cela non seulement n’a pas pour objectif d’être compris mais n’a d’autre finalité que de ne pas l’être (l’incompréhension du lecteur servant ici de gage au génie de l’auteur) et appliquons-nous sur la dernière partie de la pirouette bébérienne : « l’exosomatisation telle qu’elle ouvre des promesses qu’elle ne tient jamais autrement qu’en en différant toujours à nouveau l’horizon. » Vous pouvez retourner et retourner encore l’expression bébérienne, consulter l’un après l’autre tous les dictionnaires et Bescherelle les plus rigoureux, l’expression bébérienne ne signifie rien d’autre que « l’exosomatisation* ment »**. Vous aurez donc ainsi compris qu’une des grandes qualités du pseudo-philosophe est d’allonger la bêtise dans l’espoir de lui faire endosser les oripeaux de la sagesse.

Le reste étant à l’avenant, il ne vous restera plus alors qu’à ranger l’oeuvre bébérienne là où est sa place : dans le poulailler des idées reçues, des clichés, des prétentions pseudo-profondes, où, à côté de ses collègues pop-philosophiques et pseudo-deleuziennes, elle pourra plastronner et cotcotter à l’envi sur sa propre importance. Car tel est son seul but. Sacré Bèbère!

Bébére, Qu’appelle-t-on panser?, 2018, Les Liens qui Libèrent.

* il n’est d’aucun intérêt de traduire ce que « exosomatisation » peut bien vouloir recouper dans l’esprit de Bèbère. Tout au plus et tout aussi bien pouvez-vous le remplacer par « truc » ou « brol ». Ça fait certes moins inspiré…

** ce qui ne veut strictement rien dire, bien entendu, on vous rassure***

*** car l’oeuvre bébérienne a ceci de curieux et de vicieux, comme ses condisciples pseudo-profondes, de toujours laisser quand même germer en vous la possibilité, même infime, que c’est vous qui seriez responsable de l’incompréhension de ce que vous lisez, que vous seriez défaillant, bref, que vous seriez un con. Quod non! D’où l’expression : « prendre les gens pour des cons »…

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L’aboutissement du capitalisme II https://www.librairie-ptyx.be/laboutissement-du-capitalisme-ii/ https://www.librairie-ptyx.be/laboutissement-du-capitalisme-ii/#comments Fri, 09 Nov 2018 07:55:21 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7935

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L’éditeur de gauche est une drôle de chose. Il y a l’éditeur de gauche qui s’affiche éditeur de gauche, qui, éventuellement, le proclame ou prétend en incarner la vérité ou l’acmé. Et puis il y a l’éditeur de gauche plus discret. L’éditeur de gauche qui l’est mais sans le dire. Voire qui l’est si discrètement qu’il l’ignore lui-même. Dont seul le programme éditorial se veut le garant de ses engagements. Ou dont ceux qui sont à ses commandes partagent ou disent partager des combats identifiés à gauche. Il y a donc bien des façons d’être éditeur de gauche. Néanmoins dans tout cet agglomérat diffus de l’édition de gauche, nous avons pu identifier un certain nombre d’éditeurs de gauche qui, tout à la fois, correspondaient parfaitement à l’image que l’on se fait de l’éditeur de gauche mais trahissaient également allègrement certains principes dits de gauche. Et cela en maintenant parfois mordicus continuer à être un éditeur de gauche. Parmi ceux-ci il y a :

  • l’éditeur de gauche qui appartient au groupe Éditis qui appartient à Vivendi qui appartient pour 20.65% au groupe Bolloré
  • l’éditeur de gauche qui imprime en Chine parce que la Chine a une longue histoire de l’imprimerie
  • l’éditeur de gauche indépendant et subsidié à 100 % qui imprime en Italie parce que l’Italie a une longue histoire de l’imprimerie et pas parce qu’il n’y a pas de salaire minimum dans le secteur de l’imprimerie en Italie et que l’éditeur de gauche indépendant et subsidié à 100 % peut prendre l’avion pour l’Italie à chaque fois qu’il faut caler un livre
  • l’éditeur de gauche qui imprime chez Pulsio
  • l’éditeur de gauche qui imprime « dans l’Union Européenne » parce que « quand même, tu comprends, c’est pas facile… »
  • l’éditeur de gauche très engagé sur le plan environnemental qui emballe chacun de ses livres de gauche dans du plastique
  • l’éditeur de gauche subsidié qui ne paie pas les droits d’auteur parce que « quand même, tu comprends, c’est pas facile… »
  • l’éditeur de gauche subsidié qui reçoit un projet de traduction au long cours d’un traducteur, qui lui dit « ok, je le publie », qui lui propose un contrat, qui ne lui fait pas parvenir ce contrat, qui envoie le contrat au CNL pour toucher des subventions, qui reçoit l’accord du CNL, qui refuse de payer le traducteur
  • l’éditeur de gauche subsidié qui gonfle ses déclarations de frais de façon à obtenir plus de subsides
  • l’éditeur de gauche qui fonctionne systématiquement avec des stagiaires non rémunérés
  • etc
  • l’éditeur de gauche qui a lu ceci, qui a constaté correspondre à l’une des description faite de l’éditeur de gauche et qui pense toujours – voir le clame – défendre des idéaux de gauche

Ce qui confirme donc que, non seulement, la gauche est plurielle mais aussi que l’aboutissement du capitalisme pourrait bien être l’éditeur de gauche…

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« Une autre fin du monde est possible » de Pablo Servigne, Raphaël Stevens & Gauthier Chapelle. https://www.librairie-ptyx.be/une-autre-fin-du-monde-est-possible-de-pablo-servigne-raphael-stevens-gauthier-chapelle/ https://www.librairie-ptyx.be/une-autre-fin-du-monde-est-possible-de-pablo-servigne-raphael-stevens-gauthier-chapelle/#respond Fri, 02 Nov 2018 06:52:09 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7928

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Le fait de mélanger dans une même marmite science, politique, émotions, fiction et spiritualité… a été un réel soulagement et a contribué à nous décomplexer dans notre manière systémique, horizontale et transdisciplinaire d’aborder les choses, ainsi que dans notre chemin de vie!

Sentir la sagesse des ancêtres humains et non-humains résonner en nous, laisser vibrer notre part sauvage indemne… Aller les chercher pour pouvoir les marier à ce qui nous habite, au seuil de ce siècle tourmenté. Entrer dans le temps profond.

est-il réellement possible d’aborder la fin du monde de manière profane? Nous ne le pensons pas.

ouvrir son cœur

la raison du cœur

ouvrir les yeux sur les côtés obscurs du monde

Nous avons choisi de transmettre l’élan de vie

En quelques endroits qu’on ouvre le nouveau pensum du 2Be3 de l’écologie, on tombera sur des exemples d’une terminologie qui rappellera bien plus la littérature de développement personnel que la rigueur scientifique : ouvrir le cœur, élan de vie, chemin de vie, se reconnecter à soi, temps profond, côté obscur, etc. Autant de termes qui ont la particularité de faire sens pour le plus grand nombre précisément parce qu’ils résistent à toute tentative de définition précise et rigoureuse. Ils parlent à beaucoup non parce qu’ils sont définis précisément et que leur définition est saisie par tous mais, au contraire, parce qu’ils sont suffisamment lâches que pour que chacun les investisse de son propre sens. Ils brossent le lecteur dans le sens de ses attentes. D’où leur succès. Il n’y aurait là rien de bien nouveau si ce livre se définissait et se présentait comme une énième proposition feel good. Mais ici, les auteurs flirtent à ce point sournoisement avec les frontières de la science et du grand n’importe quoi que leur production prend des teintes plus inquiétantes.

Le réchauffement climatique est un fait. Comme le sont déjà nombre de ses conséquences directes ou indirectes ainsi que la responsabilité de l’homme dans celui-ci. Si, en raison des critères de vérité qui balisent ce qu’on nomme la science, il ne fut pas possible pendant longtemps d’établir l’absolue certitude de la responsabilité humaine, cela n’est plus le cas aujourd’hui. Celui qui nie cette responsabilité ne le peut qu’en niant les principes mêmes de la science. Et l’un des grands mérites des scientifiques qui ont travaillé sur les questions climatiques ces dernières années est justement de ne s’être jamais départis de la rigueur nécessaire à établir un constat qui puisse être et fiable et reconnu par tous. Et a fortiori par ceux qui se fondaient sur les mérites de la science et du positivisme pour dénier toute crédibilité au constat climatique. Qu’aujourd’hui des teletubbies du végétal auto-proclamés collapsosophes, sous prétexte que « le réchauffement, la domination, la méchanceté, c’est la faute à la science », s’échinent à saper les fondements mêmes de la raison au profit de ce qu’il nomme le « spirituel », n’est pas sans risque. Après qu’on soit enfin parvenu à établir indiscutablement, grâce à des discours communément partagés que la science parait aujourd’hui être la seule à offrir, les causes d’une situation donnée, mettre aujourd’hui radicalement – et bêtement – en doute les paradigmes de production de ces discours ne pourra, aux yeux des suspicieux enfin convaincus, que discréditer les moyens d’action censés en pallier ou atténuer les désastreuses conséquences. S’il est important d’interroger continuellement ce que l’on fait de la raison, il parait au moins aussi essentiel de continuer à la considérer comme un bien partagé par le plus grand nombre.

Sauf si, évidemment, l’on cherche à se « reconnecter à la part féminine de la Terre-Mère » (et à se faire un paquet de thunes en vendant du bouquin)…

Pablo Servigne, Raphaël Stevens & Gauthier Chapelle, Une autre fin du monde est possible, 2018, Le Seuil.

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L’aboutissement du capitalisme. https://www.librairie-ptyx.be/laboutissement-du-capitalisme/ https://www.librairie-ptyx.be/laboutissement-du-capitalisme/#respond Wed, 24 Oct 2018 09:52:25 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7914

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Alors qu’il y a peu sortait aux éditions de La Découverte (éditeur indépendant qui appartient au groupe Éditis qui appartient à Vivendi qui appartient pour 20.65% au groupe Bolloré) Sexe, race et colonies, parait ces jours-ci La Manufacture du meurtre d’Alexandra Midal dans la collection Zones (collection indépendante du même éditeur indépendant).

Dans Sexe, race et colonies, un collectif d’auteurs emmenés par Pascal Blanchard dit s’intéresser à la fabrication de la domination des corps. S’appuyant sur une riche iconographie, qui va de la peinture post renaissante d’un nu à la photographie pornographique d’un quidam colon assujettissant un corps colonisé, le livre prétend dévoiler enfin les tabous de la domination corporelle : il y a concomitance entre fantasme sexuel et extension des colonies et du capitalisme, nous sommes aujourd’hui encore sous l’emprise d’un imaginaire dont nous nions être les héritiers, la colonie (et plus largement la construction de l’image de l’autre) ne peut être pensée indépendamment de la pulsion sexuelle et des mécanismes de pouvoir, etc. Le problème n’est pas seulement ici que les auteurs enfoncent des portes ouvertes et se rendent coupables de quelques raccourcis mais qu’ils s’appuient sur de l’iconologie sans s’intéresser réellement à sa production et qu’ils fabriquent à celle-ci un écrin qui n’est pas celui de la critique. Sexe, race et colonies est ce qu’on appelle un « Beau-Livre ». Il en a le format, le prix, la mise en page, l’emballage sous plastique. La mise en avant de l’image (qui ne se trouve jamais questionnée en son sein alors même que son sujet l’impose) est dès lors pour le moins problématique. Elle est ici à la fois le « produit d’appel », la preuve matérielle d’un comportement et l’élément essentiel et illustratif d’une critique. Mais sans que soient déconstruites ses différentes fonctions par une réelle analyse de l’image, elle n’est plus lue, comme dans tout autre Beau-Livre, que comme la raison seule du livre lui-même. On n’est pas dans un livre critique. On est bien dans un Beau-Livre. On tourne alors les pages et on « contemple », mi-médusé, mi-dégoûté. Et on se prend à imaginer ce que donnerait un livre magnétique sur la Shoah ou un pop-up sur la vie de Michel Fourniret…

Avec La Manufacture du meurtre, Alexandra Midal entend nous montrer en quoi H.H.Holmes (1860-1896), considéré comme le premier meurtrier en série de l’histoire, peut être l’occasion d’une lecture du capitalisme. Entre raccourcis historiques et forçages idéologiques (du style j’ai bu un jus bio le matin des élections communales, les verts ont remporté ces élections → les verts on remporté les élections parce que j’ai bu un jus bio), ce livre n’aurait pu être que l’énième tentative avortée de faire passer l’obsession idéologique d’un chercheur pour une réalité objective si cette « analyse » n’était suivie de la « première traduction en français des Confessions du tueur ». La première partie, aussi indigente que brouillonne, est bien, au sens étymologique et sémantique, le prétexte de la seconde. Le lecteur appâté pourra alors se délecter d’un récit par le menu de meurtres sordides en habillant son voyeurisme des oripeaux de la critique politique. L’éditeur, quant à lui, pourra s’en frotter les mains.

Alors certes, on pourrait se limiter à dire que tout cela est fort maladroit. Et qu’il n’y faut pas voir, a contrario, une manière (adroite à défaut d’être subtile – car, tiens tiens, il peut parfois être adroit de se faire passer pour maladroit) de se faire des sous. Ce qui, pour un éditeur se clamant de gauche, serait un tantinet borderline. Si l’on franchit le pas cependant, on pourrait déclarer, à la suite de la « réflexion » d’Alexandra Midal, que si

 [les] actes [de Holmes] dévoilent le visage extrême du capitalisme, dont la production est un parangon, le design industriel une des expressions, et le tueur en série un des états de sa production

, l’éditeur indépendant de gauche en est lui l’aboutissement…

Alexandra Midal, La Manufacture du meurtre, 2018, Zones.

Collectif, Sexe, Race et colonies, 2018, La Découverte.

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Non mais ça va pas non! https://www.librairie-ptyx.be/non-mais-ca-va-pas-non/ https://www.librairie-ptyx.be/non-mais-ca-va-pas-non/#respond Wed, 05 Sep 2018 17:12:38 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7791

Lire la suite]]> Il y a peu, le gouvernement belge décida qu’il était de nouveau « légal » (cela fut déjà le cas par le passé jusqu’à ce que des instances internationales y mettent légalement le holà) d’enfermer des enfants. Comme il n’était pas dans leurs intentions de procéder inhumainement, la coalition au pouvoir se décida à construire, en bordure d’aéroport (autant rapprocher directement le bambin du moyen de transport utilisé pour son « rapatriement »: un soupçon d’engagement écologique sans doute), des locaux flambants neufs équipés de tout le confort. Profitant des congés, une première famille (une mère et ses quatre enfants) y fut logée dès ce mois d’août. Une deuxième (une mère et ses cinq enfants) y est détenue depuis le jour de la rentrée scolaire. On a beaucoup entendu s’écharper sur cette ignominie : les conditions de détention à proximité d’un aéroport qui imposent aux enfants de « profiter » de la plaine de jeux munis de casques anti-bruit*, les différents appels de la société civile (milieu associatif, milieu culturel, judiciaire) dénonçant l’abjection et la honte de cette mesure, rappels de la législation internationale bafouée, évocation du cas particulier de cette première famille rom condamnée à « rejoindre » un pays « d’origine », la Serbie, dont les enfants ne connaissent rien, ni la langue, ni les us et coutumes – pas particulièrement favorables aux membres de leur ethnie -, rappels de l’absurdité économique et politique de cette mesure… Même si pour l’instant rien n’y fait, beaucoup a été dit et tenté pour faire rendre gorge à cette mesure aussi stupide que cruelle.

Dans l’éventail déjà large des critiques adressées à celle-ci, nous parait cependant manquer l’une de celles qui s’opposent pourtant le plus frontalement à l’argument essentiel avancé par les thuriféraires de cette mesure : son pragmatisme! Le laïus est toujours le même : « Cela ne nous plait nullement d’enfermer des enfants, mais c’est la situation qui nous y contraint! Que voulez-vous que nous fassions! Si des parents s’obstinent à ne pas respecter, et ce à de multiples reprises, un ordre de quitter le territoire et à se soustraire par tout moyen à la loi, la privation de liberté temporaire est malheureusement la seule solution envisageable. Il s’agit d’une mesure douloureuse, exceptionnelle, mais dont l’exercice nous est imposé pour des raisons pratiques évidentes. » S’ensuivent alors toujours les assurances, réitérées ad nauseam, quant à l’humanité des dispositions encadrant la mesure elle-même. À ce pragmatisme ne parait jamais être opposable un quelconque argument factuel crédible. On entend, comme rappelé ci-dessus, nombre de critiques émises qui sont censées repenser, radicalement ou non, les paradigmes qui sont au fondement de cette décision (quel droit d’asile? pour qui? comment accueillir?etc.), mais aucune qui s’attache à détricoter l’essence même de la défense de cette dernière. Et cela non pas parce qu’il n’existerait pas de concepts utiles à défaire ce recours au pratique, ou de penseurs capables d’éventuellement construire  ce concept qui manquerait. Mais tout simplement parce que, effectivement, cette mesure est bien extrêmement pratique! En termes pratiques,  toute chose égale par ailleurs, il est bien raisonnable et nécessaire d’enfermer ces enfants. Et ce que cela démontre (à la fois le recours lui-même au « pragmatique » et l’absence de réaction qu’il provoque) c’est notre incapacité à désormais concevoir un monde qui ne soit pas entièrement et « utilement » régi par le « raisonnable », le « pratique », le « pragmatique », ou quel que soit le nom dont on affuble la chose.

Ces raisons pratiques deviennent alors la raison suffisante qui légitime la suspension de droits fondamentaux. Alors même que ceux-ci sont précisément censés, par leur unanime reconnaissance en tant que fondement, ne pouvoir être suspendus par rien. Ce que dénote cela – et me fout, personnellement, une trouille de tous les diables – c’est que le « pratique » est devenu à ce point hégémonique qu’il permet de justifier le pire et d’assourdir les voix de ceux qui s’y opposent**. ***

*à ne lire que cela on constate déjà ce que cette adhésion sans frein à un « raisonnable » sacro-saint entraîne ipso facto des choses qui nous paraissent fort peu « raisonnables ». À moins que tout sacrifier à la raison légitime de sacrifier la raison elle-même… Le serpent, décidément, se délecte de sa queue.

** le « point » qui clôt la formule « On n’enferme pas un enfant, point » reprise par tous les opposants à cette barbarie, nous rappelle l’évidence – ce qui est fondamental ne peut, par définition, être aménagé -, mais aussi combien celle-ci est menacée. Comme s’il était plus que jamais à craindre que ce « point » martelé soit l’occasion pour d’autres d’y opposer à leur tour un « oui, mais ce point, il est un peu court, brutal, il dénote un manque d’argument, de raison, finalement ce « point » il est intolérant, il montre combien vous refusez le débat »

*** Alors oui, on sait que ça ne fait pas nécessairement bouger les choses et que tout cela est fort décourageant, et qu’à force, on en laisserait bien tomber les bras, mais on vous convie quand même à rejoindre sur ce sujet important l’une ou l’autre des nombreuses initiatives qui se sont formées autour de cette question. En voici déjà une

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islamophobicwashing https://www.librairie-ptyx.be/islamophobicwashing/ https://www.librairie-ptyx.be/islamophobicwashing/#respond Fri, 06 Jul 2018 09:36:53 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7718

Lire la suite]]> Ce lundi soir 03 juillet, à Anderlues, riante commune non loin de Charleroi en Belgique, une jeune femme voilée se faisait violemment agresser par deux hommes pour la seule et unique raison qu’elle portait un voile. L’acte est clairement islamophobe. Tout indique qu’il est dirigé contre ce que l’on nomme « l’allochtone », ce qu’il représente et la façon dont se le représente l’inconscient collectif. Tout cela, c’est du fait. De l’incontestable.

Hier, à la chambre des représentants, questionnée sur le sujet, Madame Zuhal Demir, secrétaire d’état à l’égalité des chances, « jeune femme issue de l’immigration étiquetée NVA »* a précisé qu’un plan allait « enfin » – sous-entendu « grâce à elle et son parti » – pouvoir voir le jour. Alors qu’elle s’est refusée en séance plénière à qualifier l’agression, elle a cependant tenu à préciser que :

Ce plan visera non seulement le racisme entendu dans sa forme classique mais également le racisme dont les «  autochtones  » peuvent être victimes de la part d’«  allochtones  », la trop faible participation au marché de l’emploi des femmes d’origine étrangère ou encore le harcèlement dont certaines sont les victimes en raison de leur habillement «  trop occidental  ».

Difficile de se montrer rétif à un tel programme. Protéger qui que ce soit contre ce que peut susciter l’expression de sa différence est plus que louable. Quant à profiter d’une énième agression qui touche une représentante d’une communauté déjà pas mal stipendiée pour déclarer envisager des mesures aptes à endiguer l’acte inverse… C’est, comment dire, un peu borderline, non? Du genre : « ouais bon, y en a une qui se fait lacérer au couteau parce qu’elle porte un voile et donc qu’elle est « arabe », c’est pas top top, mais bon, quand même hein, tout le monde sait bien que c’est les « arabes » qui sont coutumiers du fait », ou alors : « on sait tous combien il est difficile, voire dangereux, dans « certains quartiers »** de se promener en short ou en jupe, faut pas s’étonner que certains se rebellent », ou alors pourquoi pas : « si l’arabe voilée est voilée c’est parce que sa communauté l’oblige à porter un voile et aussi elle l’empêche de travailler et si elle travaillait elle se serait jamais retrouvée à se balader à Anderlues avec un voile à cette heure-là »…

Alors, oui, évidemment, tout ça c’est pas dit. Comme aussi, ne sont jamais nié les faits. On ne dit pas que cela n’a pas eu lieu. Comme on ne revient pas sur les circonstances. On se contente de n’en rien dire vraiment. On ne nomme pas. Plus fort encore : on ne nomme pas l’acte qui a eu lieu – l’acte islamophobe, l’acte de « l’autochtone » contre « l’allochtone » -, on en fait l’occasion de nommer ce qui, à ce moment-là, n’a pas eu lieu – l’acte « anti-blanc », l’acte de « l’allochtone » contre « l’autochtone ». Et ainsi, on fait mouche deux fois : on invisibilise l’acte réel, qui a bien eu lieu, et on actualise celui qui est fantasmé. L’arabe agressé devient l’occasion de renforcer la chimère de l’arabe agresseur. En toute décontraction, le voile déchiré devient ainsi l’occasion de défendre le port de la chemise brune. C’est dégueu. Mais c’est super efficace…

*l’islamophobicwashing n’est jamais aussi efficace que quand il est pratiqué par une « jeune femme issue de l’immigration étiquetée NVA ». La NVA, parti qui oeuvre activement au retour de la chemise brune, l’a très bien compris.

**le « certain quartier » est majoritairement « arabe », « turc », « maghrébin »…

***Oui oui, on sait. Ce blog est censé être en vacances. Mais bon…

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Décomplexé. https://www.librairie-ptyx.be/decomplexe/ https://www.librairie-ptyx.be/decomplexe/#respond Tue, 09 Jan 2018 12:39:19 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7373

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A moins de n’avoir rien à faire du livre – ce qui demeure le cas de l’immense majorité – ni de n’avoir jamais le regard attiré par toute information portant sur la haine du juif – ce qui demeure le cas d’une infime minorité -, il eût fallu être mort pour n’avoir pas eu vent de la rumeur, puis de l’information, de la réédition par Gallimard des pamphlets antisémites de L.F.Céline. Utile ou inutile, indispensable ou dangereuse, devoir cathartique ou renouveau haineux, oeuvre douloureuse mais nécessaire à l’historien ou travail coupé du réel du geek célinien, ce projet de réédition vaut nombre de débats qui, s’ils pouvaient être menés avec un minimum de bonne foi, d’intelligence et de respect de l’autre, ne seraient pas sans intérêts (les débats pas la réédition). Les conditions précitées n’étant souvent pas, de loin s’en faut, réunies, vous comprendrez que nous nous en sommes assez rapidement tamponné le coquillard. Jusqu’au jour où nous reçûmes, accompagné d’un bon de commande, ce mail du service commercial de Gallimard :

 

Fi du débat! Vive la polémique!

Ce que nous démontre cette perle décomplexée – et pas uniquement sa sémantique, car son objet seul en est lui-même un exemple éclairant – c’est que là où le débat, sur quoi qu’il porte, n’intéressera plus que l’universitaire, ce grincheux tatillon et frustré, la polémique, elle, aguichera le tout-venant en lui faisant miroiter qu’il aura vocation à donner son sacro-saint et pertinent avis, sur quoi qu’il porte. Ce que le service commercial de Gallimard nous prouve c’est, alors que le débat endormirait un pré-pubère dopé au redbull,  que la polémique, elle, fait se redresser, vaillante comme au premier jour, la paupière du catatonique moribond. Mais aussi, ce que nous démontre à l’envi cette honorable vieille dame qu’est Gallimard, c’est que la polémique, ça vend!

Alors oui, certes, on pourrait dire que c’est pas très classieux. Qu’après tout, faire des sous avec l’édition de textes qui seraient juste, parmi d’autres, des délires sans intérêts littéraires, s’ils n’avaient représenté des idées (et incité à les mettre en oeuvre) responsables de la mort de millions de gens, idées toujours un peu en vogue actuellement, que tout ça, c’est quand même un peu limite. Que, personnellement, savoir que le succès commercial d’un livre qu’on édite ne sera du qu’aux milliers de bas-de-plafond qui l’achèteront pour se conforter dans leur haine de l’autre et non aux 48 spécialistes qui se plongeront dans l’appareil critique de la chose, que personnellement donc, ça nous empêcherait de dormir.  On pourrait trouver qu’éditer juste pour des sous des textes ignobles qui proclament exécrer le juif et souhaiter son éradication, pour l’une des raison précise que le juif n’aime que lui-même et les sous, est aller un peu trop loin dans la joie du paradoxe.  On pourrait dire en plus que l’avouer aussi crûment auprès des libraires, et les inciter à « judicieusement » participer pleinement à cette bonne grosse blague, est aller un peu trop loin dans la décomplexion. Que tout ça c’est quand même un tantinet putassier. Que c’est pousser le bouchon du cynisme un peu loin. On pourrait. C’est sûr. Mais ça serait quand même ringard. Non?

 

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Happy 2018! https://www.librairie-ptyx.be/happy-2018/ https://www.librairie-ptyx.be/happy-2018/#respond Sat, 16 Dec 2017 12:51:00 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7335

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C’est peu dire que 2017 fut un grand cru! La qualité du débat public, la quantité d’amour déversée, le niveau d’empathie, la reconnaissance de l’intelligence comme valeur cardinale, le degré général de subtilité : le monde, c’est un fait, est devenu plus beau, plus vivable en 2017. Et, sachez-le, cette tendance devrait se confirmer l’année prochaine! Oui, 2017, c’était vraiment bien! Mais 2018 sera carrément top moumoutte!  En exclusivité nous avons désiré vous dévoiler quelques-uns des événements qui viendront faire de votre année 2018 une totale réussite :

Le secteur culturel continuera à contribuer à la mise en oeuvre courageuse d’un monde décroissant ; un homme exagérément bronzé, un seul, se noiera en méditerranée des suites d’une collision entre un jet-ski fuchsia et un yacht plaqué or ; Apple obtiendra le label Max Havelaar ; le clavier A,Z,E,R,T,Y deviendra le clavier A,Z,E,E.,R,T,Y ; comme le coût de la vie augmentera beaucoup, beaucoup de gens décideront d’économiser sur cet aspect-là ; l’hétérosexuel blanc avouera enfin que « tout ça c’est sa faute »; Bruno Latour sortira son premier livre de cuisine ; Bernard Stiegler avouera que « tout ça c’était une bonne grosse blague »; « islamo-gauchisme », « complot juif » et « intelligence artificielle » seront officiellement considérés comme des pléonasmes ; Put me a three, le snuffmovie mettant en scène Pierre Rabhi gangbangé par 3 colibris et sept licornes sortira enfin en français ; madame Legrand, Carolomacérienne nonagénaire et fière membre du FN depuis 72 ans apprendra (grâce à sa petit-fille informaticienne, Adolfine) que Jean-Marie, le Strasbourgeois blond sémillant rencontré via Meetic et dont elle était tombée éperdument amoureuse, s’appelle en fait Abdelkader, et qu’il ne vient pas, mais alors là pas du tout, de Strasbourg, c’est bête tout de même, mais c’est comme ça…

Mais aussi, et surtout, en 2018, il y aura Parce que l’Oiseau de Fabienne Raphoz, Revers de Dominique Quelen, L’Enfant perdue de Elena Ferrante, Les Œuvres Complètes de Ossip Mandelstam, Chronique des sentiments, tome 2 de Alexander Kluge, Splendide Hotel de Gilbert Sorrentino, et surtout surtout (attention, ce qui suit est à vocation publicitaire) :

 

 

Europa Minor de Miklos Szentkuthy. Quatrième tome de l’immense Oeuvre de l’Ogre hongrois, il est aussi, de l’avis de tous ceux qui l’ont lu, celui par lequel sa découverte est la moins abrupte. Il vous y plongera dans l’univers d’un évêque Robin des Bois et dans celui d’un empereur moghol, instigateur de la première tentative de syncrétisme monothéiste. Et vous rappellera que l’avenir de l’Europe est – depuis toujours – en Orient…

 

 

 

 

 

 

Délai de Grâce de Adeleheid Duvanel. Auteure de Suisse alémanique tombée dans l’oubli puis redécouverte depuis peu dans sa langue d’origine, elle était encore inédite en langue française. Nous sommes particulièrement heureux de vous la donner à découvrir. Elle conjugue la radicale inventivité de l’enfance ou de la déviance avec la rigueur formelle la plus pointilleuse. Elle ne ressemble à rien de connu. Elle est bouleversante. Elle est essentielle.

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Comment devenir Auteur-culte? https://www.librairie-ptyx.be/comment-devenir-auteur-culte/ https://www.librairie-ptyx.be/comment-devenir-auteur-culte/#respond Wed, 30 Aug 2017 11:37:27 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7084

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Toi aussi, peut-être, rêves-tu de devenir Auteur-culte. Pas simplement auteur, non. Ni même lu. Ni particulièrement célèbre. Ni riche. Juste, et en toute modestie, Auteur-culte. Fort d’une longue et riche expérience en lecture d’Oeuvres-cultes, dont celle dont la couverture figure ci-dessus peut être considérée comme son acmé, nous avons décidé de vous détailler la recette qui vous permettra d’accéder au strapontin rêvé.

  1. Trouvez-vous un sujet sexy mais peu couru, qui puisse aguicher et intriguer. Attention, il ne s’agit pas simplement de racoler. L’Auteur-culte ne le devient, quand bien même sa démarche serait de prétendument s’en défendre, qu’en s’habillant des oripeaux du savant. L’ornithothanatophilie, c’est sexy mais juste trop peu couru. La philosophie analytique, c’est juste trop couru et pas sexy (et puis, c’est compliqué aussi – le but n’est pas de se fouler non plus, juste de devenir Auteur-culte, rappelons-le). Tout est dans le dosage. La gnose, par exemple, c’est très bien. Ça fait mystérieux et savant à la fois. C’est un domaine pas encore trop encombré. Ça permet de dire pas mal d’énormités sans devoir les justifier auprès d’un trop grand nombre de contradicteurs.
  2. Nous sommes dans le règne de l’image. L’Auteur-culte se doit de trancher. Tel le sujet de son Oeuvre-culte qui n’a d’autre utilité que de le faire repérer, son physique se doit d’être à l’avenant. Rasé de près chez les barbus, pileux à donf parmi les têtes d’œuf, vous vous devrez de veiller avec soin à votre apparence, tout en faisant attention à ne pas paraître le faire.
  3. Assénez les Grosses-Bêtises*. Non seulement la Grosse-Bêtise fascine (oulala keskilose lui, kétoupet) mais sa répétition convaincue convainc (ben oui). Scandée, la Grosse-Bêtise finit par endormir le lecteur, dont elle emporte l’adhésion sans qu’il ne doive y aller de son consentement explicite, ni l’Auteur-culte du moindre effort. On rappelle ici (oui encore) que l’objectif est bien de devenir Auteur-culte, non de faire des efforts. Là où l’auteur non culte (ce plouc), faisant son dégoûté devant la Grosse-Bêtise, se devra de se justifier, se légitimer sans fin, la Grosse-Bêtise, abondamment et adroitement assénée, permet à l’Auteur-culte d’en faire le moins possible. Le Moindre-Effort et la Grosse-Bêtise sont constitutifs de l’Auteur-culte.
  4. L’Auteur-culte doit faire des liens. Plein de liens. Et si possible – mais l’existence même de l’Auteur-culte nous démontre que tout, absolument tout, est possible -, improbables. Ainsi vous sera-t-il avantageux de lier, par exemple, l’Évangile de Thomas et Buffy The Vampire Slayer.  Certes, c’est gros. Très gros même. Mais c’est très efficace. Car la référence à un bon gros blockbuster de la série-télé américaine est à la fois sexy, tempérant et diantrement utilitaire. Tempérant car ça rassure le chaland (faut pas non plus causer que de trucs peu courus – cfr le point 1). Diantrement utilitaire car ça attire d’autre chalands (le savant que vous êtes devenu aux yeux du lecteur se doit de se montrer accessible et populaire à son égard, et cela ne se peut mieux qu’en en légitimant les paresses que lui-même juge les plus coupables**).
  5. L’Auteur-culte se doit d’être appelé Auteur-culte sur le quatrième de couverture de son Oeuvre-culte.
  6. Étouffez dans l’œuf la critique. Devenir Auteur-culte nécessitant de prendre certaines libertés avec la rigueur et la réalité, votre Oeuvre-culte ne manquera pas de prêter le flanc à la critique. Nombre d’auteurs-pas-culte (ces ploucs) s’attelleront à décortiquer celle-ci, se faisant un malin plaisir d’y relever toutes les Grosses-Bêtises que vous y aurez glissées. C’est ballot… Mais à chaque problème sa solution! Convainquez à l’avance, et donc au sein de l’Oeuvre-culte elle-même, votre contempteur d’être malhonnête*** si vous prétendez à l’honnêteté, d’être de droite si vous vous destinez à figurer à gauche, d’être un tenant de l’académisme quand vous voulez renvoyer l’image d’un Auteur-culte en marge. Martelez que toute critique à l’Oeuvre-culte ne peut être due qu’à une focale biaisée du grincheux qui, tout à sa haine de l’Auteur-culte, ne s’aperçoit pas que les paradigmes mêmes sur lesquels ce plouc fonde ses jérémiades sont ceux-là mêmes que précisément bouleverse l’Oeuvre-culte en question. Vous craignez d’être attaqué sur le pan de la rigueur****? Ecrivez que la rigueur n’est qu’une fabrication d’un monde positiviste que vous vous proposez d’abattre! Vous vous inquiétez d’être accusé de prendre des libertés avec la réalité? Précisez que votre Oeuvre-culte n’a d’autre but que de faire fi du réel, ce vieux truc tout pourri!

Auteur-culte padawan, tu sais ce qu’il te reste à faire.

Pacôme Thiellement, La victoire des sans roi, 2017, PUF.

* » [L’évangile de Jean] est un livre qui parle d’amitié entre les hommes et non de relation d’un maître à ses disciples » Pacôme Thiellement in « La Victoire des sans roi« .  « Si vous demeurez vraiment dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples » Évangile selon Jean, VIII, v.31. Et aussi : l’Auteur-culte oublie la dimension eschatologique d’une très grande partie des premiers textes relatifs à Jésus (qu’ils aient été « consacrés » ou non), l’Auteur-culte oublie l’aspect proprement rhétorique des apologies et autres textes des pères de l’Eglise, l’Auteur-culte oublie que l’histoire des débuts du christianisme n’était nullement faite d’une ecclesia dominant directement les autres et dès le départ désireuse de dicter sa docta (joli ça) à des hérésies, l’Auteur-culte oublie avec un tel aplomb et une telle constance tout ce qu’il lui est utile d’oublier qu’on peut en tirer la conclusion suivante : l’Oubli-Systématique est une autre face de la Grosse-Bêtise.

** Regarder Buffy The Vampier Slayer, c’est assez proche de la lobotomisation. Ça passe mieux si un Auteur-culte nous dit que c’est méga-top, car on peut y « penser le contemporain ». Ouf…

*** « Qui aurait la malhonnêteté de prétendre que tout ce qui, dans l’Histoire, s’est affublé du nom de « christianisme » ait pu avoir un autre sens que permettre souterrainement, par le miroir outrancier de sa contrefaçon, à la parole de Jésus d’être conservée pour, à tout moment, pouvoir être entendue par les personnes qui en auraient besoin? » Pacôme Thiellement in « La Victoire des sans roi« . Et hop, le tour est joué. Il n’importe pas de dire ici quoi que ce soit de compréhensible, juste de prétendre que celui qui lui opposera quelque critique que ce soit est forcément malhonnête.

**** « Jésus a raté son coup », Pacôme Thiellement in « La Victoire des sans roi », page 7. « Jésus a réussi son coup », Pacôme Thiellement in « La Victoire des sans roi », page 57.

 

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La douche. La suite. https://www.librairie-ptyx.be/la-douche-la-suite/ https://www.librairie-ptyx.be/la-douche-la-suite/#comments Mon, 17 Jul 2017 16:35:46 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7020

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Bon, si vous nous avez lu, sur Facebook, ou via d’autres ondes, ces derniers jours, vous aurez remarqué qu’il y était abondamment question de douches, de sans abri, de détecteur de mouvement, d’aménagement floral, de démontage, de grogne, de honte, etc… Pour ne pas nous répéter, on vous renvoie au premier épisode : premier épisode.

Le détail du second épisode (la lettre de madame Lalieux et notre réponse) est ci-dessous.

En résumé : Désemparés par une situation à laquelle ils ne savaient plus comment répondre, des gens ont commis une grosse boulette. Sans trop savoir de quoi il en retournait, leur cheffe a commis une autre grosse boulette. Se rendant compte de ces deux grosses boulettes – peut-être nos doléances, multiples et diverses, y ont-elles aidé – l’Échevine a décidé de « démanteler le dispositif inapproprié ».

Tout cela (et les exemples sont légion) nous rappelle, si besoin en était, à notre vigilance bienveillante mais déterminée.

Merci à tous.

 

Messieurs,

J’ai bien reçu votre message ci-dessous et à vrai dire serais disposée à y adhérer pour une grande part.

Je partage comme vous une profonde révolte contre la pauvreté et combat, avec les armes qui sont les miennes, le libéralisme sauvage qui la produit. Je n’ai pas LA solution qui permettrait de l’éradiquer mais je pense que de nombreuses initiatives prises, notamment par la Ville de Bruxelles, y contribuent.

Le Musée des Egouts a rouvert ses portes en novembre 2015 et connait depuis lors un certain succès grâce notamment à une équipe, réduite mais motivée, qui y assure un accueil de qualité. Mais la vie de ces employés n’est pas facilitée par la présence souvent pacifiques, parfois agressive, de familles entières qui y campent et y vivent dans des conditions indignes et pour tout dire, épouvantables. Chaque matin, les gardiens, anciens égoutiers reconvertis, demandent gentiment à ces personnes de quitter les lieux pour permettre l’accueil des visiteurs. Il y a quelques mois, l’un d’eux a subi un burn out dont il souffre toujours. A plusieurs reprises, la cellule spécialisée de la police, accompagnée des services sociaux de la Ville, a pris en charge ces familles. Ces mêmes familles ou d’autres y reviennent inlassablement. Certes, vous avez raison, ces faits témoignent d’une certaine impuissance des autorités à éradiquer les problèmes sociaux. Doit-on pour autant considérer que cet emplacement a vocation à accueillir ces familles aussi longtemps que nos villes connaitront le phénomène des sans-abris ? Doit-on se résoudre à fermer un musée, ou pourquoi pas, un centre culturel, une administration, un commerce, parce que d’aucuns considèrent qu’un sans-abri ne peut être déplacé ? Je ne le pense pas. Raison pour laquelle, après avoir organisé ces opérations avec les services sociaux, j’ai donné mon accord pour l’installation de bacs de plantes sur les marches des pavillons d’octroi qui abritent le musée.

Venons-en maintenant à ce dispositif de sprinklage. Jamais je n’ai donné mon accord à la pose de ce dispositif, qui s’est décidé entre différents services administratifs, et j’en ai été informée par un article dans la presse après que les équipes des musées m’aient informées qu’elles avaient répondu aux questions de médias. Moi-même sollicitée par une journaliste, et sur base d’un compte rendu oral, rapide et il est vrai sommaire, j’ai couvert et repris leurs propos parlant d’un dispositif d’arrosage. Ce n’est qu’ensuite que j’ai appris que le mécanisme était muni de capteurs et se déclenchait au mouvement, ce qui bien entendu rend absurde l’explication donnée. J’ai dès lors demandé l’arrêt complet du système le temps de me rendre sur place et de comprendre plus précisément la situation. C’est aujourd’hui chose faite et je vous informe que j’ai demandé le démantèlement de ce dispositif inapproprié.

Pour être complète, et ayant l’habitude d’assumer mes prises de position, j’estime cependant que cela ne clôture pas cette triste histoire. Je continue à penser que les sans abris n’ont pas leur place à cet endroit , qui est d’ailleurs une issue de secours, et que ce n’est pas aux équipes du musée à devoir gérer ce type de situation. J’ignore encore ce que nous pourrons faire mais ma volonté reste de trouver une solution, dans le respect de tous, les sans-abris comme les travailleurs.

Restant à votre écoute, je vous prie de croire, Messieurs, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Karine Lalieux

 

 

Madame,

 

C’est avec soulagement que nous pris connaissance de votre décision de démanteler le mécanisme incriminé. Nous vous avouons également être soulagés d’apprendre que vos « explications » étaient le fruit d’une méconnaissance des agissements d’une partie de votre administration.  Le seul fait d’envisager le contraire – qu’une autorité ait pu diligenter un procédé aussi inique, puis décidé de la couvrir aussi grossièrement –  faisait froid dans le dos. .. Nous espérons bien que ce démontage sera complet et qu’aucune trace n’en sera plus visible. Car sa fonction, faire fuir, opère autant par la menace qu’il fait peser et le symbole d’exclusion qu’il institue qu’en déversant des litres d’eau.

Sur le fond, croyez bien que nous comprenons parfaitement le désarroi qu’a pu ressentir le personnel du Musée.  Notre empathie n’est pas à géométrie variable. Ce désarroi n’est ni plus ni moins que celui dont, tous, nous pouvons faire l’expérience au contact obligé de l’extrême pauvreté. S’il permet cependant de comprendre même la mise en œuvre de cette « solution », il ne la légitime bien entendu jamais.

Nous comprenons également que vous ne souhaitiez pas voir, aux abords d’un Musée dont vous avez la charge,  l’image de celui-ci souillée par les signes de la misère. Comme personne ne désire côtoyer celle-ci au quotidien. Cependant, réfléchir la ville et en organiser l’aménagement en en expurgeant de fait les plus fragiles, ne fût-ce qu’en cartographiant les zones où ils seraient tolérés, celles où ils ne le seraient pas, n’est JAMAIS une solution. Non seulement parce qu’un quelconque cadastre de tolérance ou tout aménagement conçu dans ce but (un banc bombé, des plots, des grilles, des bacs de plantes…), suffit à déshumaniser la frange la plus exposée de notre collectivité. Mais aussi car ce rejet mécaniste et indiscerné conforte l’autre part de cette même collectivité dans un égoïsme d’autant plus mortifère qu’il n’est plus même conscient. Voir les plus fragiles d’entre nous devrait fonctionner comme une piqure de rappel, douloureuse mais nécessaire, nous enjoignant à comprendre que, sans doute, si nous en voyons les signes, c’est que nous n’en faisons pas encore assez dans notre lutte contre ce qui cause leur détresse. Cacher le pauvre, c’est l’oublier. Cacher le pauvre, c’est oublier que ce « nous » n’a pas grande valeur sans ce « lui ». Construire la mise à l’écart du miséreux, c’est s’exonérer, à moindres frais pour « nous », au prix incommensurable de sa dignité pour « lui », d’agir sur les causes de la misère. Rien, selon nous, de plus contraire à la mission du service public.

Nous vous prions d’accepter, Madame l’Échevine, l’expression de nos sentiments distingués.

 

Emmanuel Régniez

Emmanuel Requette

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