Flammarion – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Idéogrammes acryliques » de Cécile Mainardi. https://www.librairie-ptyx.be/ideogrammes-acryliques-de-cecile-mainardi/ https://www.librairie-ptyx.be/ideogrammes-acryliques-de-cecile-mainardi/#respond Tue, 05 Mar 2019 09:39:56 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=8135

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à la liste des objets finalement jamais retrouvés parce que pas même considérés comme perdus reste néanmoins associée la liste très abstraite des mots qui leur correspondent appelons-les les mots-radiateurs des mots livrés à des conditions d’existence atmosphérique particulières quand on y pense à supposer qu’on ait momentanément accès à cette liste se servir de ces mots ferait-il se retrouver ces objets ou signerait-il leur perte définitive et tout autre mot extérieur à cette liste que pourrait-il donc faire retrouver oui quoi?

Entre un objet et qui regarde ce qui en est dit, il y a et les mots et la forme que ceux-ci dessinent sur la page. Parfois ces mots et leur forme peuvent comme se conjoindre pour faire naître, ou tenter de faire naître, dans l’esprit de celui qui regarde, une image qui puisse faire retour vers l’objet en question. Mais précisément et malgré tous ces dispositifs, en question l’objet demeure. Car toujours quelque chose échappe de l’objet dans cet entre-deux que lui bâtissent les mots censés le dire.

je fais un pas de plus en direction de la vérité non nommée des choses

Se souvenant d’Apollinaire et de ses Calligrammes, Cécile Mainardi avait d’abord composé les poèmes de ce recueil en en reprenant à première vue le principe. Pour le dire simplement, la forme des mots qui parlaient de l’objet dessinaient cet objet. Peu à peu cependant, un traitement après l’autre, la silhouette a disparu, ne laissant après que les mots débités en un fin trait vertical verticalement centré sur la page. Comme l’auteure en fait part en exergue de son livre, le lyrique Apollinairien se mâtine d’âcreté. Séparé alors de la silhouette à laquelle il renvoyait – la silhouette renvoyant elle-même plus directement à la chose – , le poème conserve par-devers le sacrifice de cette évidence une trace supplémentaire de son rapport à la chose. Se faisant dépositaire de ce mystère (comment se fait-il que quelque chose demeure de ce qui disparaît?) la poésie de Cécile Mainardi, avec subtilité et humour, explore ce que rend irréductible la médiation par les mots.

toute présence de jaune rend la montée des blancs plus difficile car les molécules tension-actives et les graisses présentes dans le jaune qui se lient aux protéines du blanc gênent l’établissement du réseau nécessaire pour emprisonner l’air je cherche à emprisonner de l’air dans les phrases je cherche à monter la prose en neige je cherche à aérer le monde avec ma voix

Cécile Mainardi, Idéogrammes acryliques, 2019, Flammarion.

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« Revers » de Dominique Quélen. https://www.librairie-ptyx.be/revers-de-dominique-quelen/ https://www.librairie-ptyx.be/revers-de-dominique-quelen/#respond Thu, 18 Jan 2018 07:07:16 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7360

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Voici. Obtenons les chants. Ces oiseaux les ont dont l’air suit le vol. Par son tracé on entend au plus haut un sol. Un fa. Que révèle ce son? La voix dans la nature se perd. Des prémices de choses naissent et vivent. Est-ce prévu pour? Que feras-tu si nous partons et ne lisons ni ne voyons guère ou pas tant que ça de vie? Ou pas encore? Voyons ce cas. Nous ne sommes que nous parmi vous. Que déduis-tu de ce constat? Os et cheveux. Choses fuyantes si des as de la nature n’y obvient. La proie se révèle mourante au sol ou en l’air. Au stylo ai tracé un x. Montre-le bien. Un x dont voix et oiseaux usent si on les a et les voici. 

Souvent, on tend à croire ou à faire croire que la tentative mallarméenne était déconnectée du réel, du corps, de ce qui fait fond au palpable et à l’incarné. Que, finalement, la poésie n’est qu’un jeu gratuit pour quelques as-been pervers vivotant dans l’éther.

De ce bec d’oiseau s’envole un bel air. Écoute-le.

Suite et fin de Avers, paru chez Louise Bottu, et de Basses Contraires, édité par Théâtre typographique, Revers reprend le motif obsessionnel de l’oiseau. L’oiseau vu et lu. Comme l’oiseau entendu, entier ou épars (oit-oie, eau-o-os, etc.). Et donc, oui, comme dans les deux précédents volumes, ça joue. Ça allitère. Ça joue du son et du sens. Mais aussi, plus encore peut-être que dans les deux premiers, ça démontre que ce jeu – comme tout jeu qui vaille – n’est pas gratuit. Qu’a contrario de s’y voire accolée l’image même de l’innocuité tranquille, la poésie est bien plus qu’un passe-temps ludique pour amateurs de « crocs-en-langue ». A condition que le poète, bien entendu, se soit chargé d’y inoculer autre chose qu’un formalisme creux, aussi talentueux soit-il.

Tout y est. On l’y a mis. Ç’a été difficile. On vivotait et avait hâte que des poésies en vers tremblent sous les mots. 

En revenant, dans ce Revers – dont on ne dira s’il est à deux mains ou non – , sur le projet qu’il clôt, Dominique Quélen insiste un peu plus encore sur la nécessité conjointe de vêtir toute poésie d’une chair et de donner à celle-ci une structure à laquelle se greffer.  Jouer du sens et du son, les faire se rencontrer dans l’espace de la page, s’en jouer aussi, les déjouer parfois, et s’en émerveiller, n’a d’intérêt que si, de ce jeu même, peut jaillir une nouveauté qui ne soit pas que formelle. Mais de même, à cette nouveauté qui en sourd, lui est indispensable le jeu qui la révèle et qui, sans lui, n’adviendrait jamais. A la poésie il faut l’os, certes, mais aussi la chair qui s’y ente. Et inversement. Et alors, alors seulement :

Il arrive qu’il y ait un poème.

Dominique Quélen, Revers, 2018, Flammarion. 

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« Sunny girls » de Sandra Moussempès. https://www.librairie-ptyx.be/sunny-girls-de-sandra-moussempes/ https://www.librairie-ptyx.be/sunny-girls-de-sandra-moussempes/#respond Fri, 13 Feb 2015 09:28:27 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4939

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Le trop est-il l’ennemi du poème

Comme le peu est son histoire débattue

La poésie de Sandra Moussempès est un peu à l’image d’un mouvement brownien.  Ainsi le recueil semble t’il moins posséder un mouvement propre, déterminé à l’avance, tel un but à atteindre, que celui-ci ne serait du aux multiples chocs, presque aléatoires, des particules qui le composent.

C’est aussi le propre du poème d’être une prouesse visionnée.

Hétérogènes, les formes qui s’y mêlent empruntent à des horizons très divers.

les poèmes sont les photographies écrites des échanges de pensées.

Qu’elle l’origine dans le son ou l’image, choisissant parfois de pervertir des formes dites classiques, Sandra Moussempès se propose moins d’ancrer quelque chose de bien défini dans le poème que chercher sans cesse à dire ce qui lui échappe.  Sa poésie se veut comme recherche.

(Restituer n’est pas le poème)

Mais cette recherche n’est pas celle d’un « comment dire les choses au plus près » illusoire et stérile. Que son matériau de départ soit sonore ou visuel (vidéographique), la parole poétique ne se borne ici jamais à « apporter » ce qui est vu ou entendu.  Elle l’apporte au lecteur, le lui dit, certes.  Mais en ayant conscience qu’elle transforme le matériau initial par sa médiation.  Sa poésie démontre que toute parole qui vaut, vaut aussi par la prise en compte de ce qui pèse forcément sur elle.  Et cette conscience d’elle-même, qui rappelle que le doute de l’écriture et de qui écrit est une des fatalités inhérentes à l’écriture, génère un vertige salvateur.

je m’interroge et ma réponse est une question qui devient le remake de ma précédente vie supposée, suivez le son qui sort de mes lèvres en différé suivez ce qui en sort en pensée, pensez-vous alors que l’on peut devenir une personne qui reviendra que l’on peut revenir en pensée dans la pensée de ceux qui nous questionnent?

Sans faire de l’écriture son seul centre, sa chambre close, son entre-soi, la poésie de Sandra Moussempès explore les horizons du déjà-vu (Je dois m’y reprendre à plusieurs fois pour obtenir une impression de déjà-vu), des limites de la perception, avec une acuité ressentie comme tour à tour ludique et émouvante.  Et, bien plus qu’elle ne questionne les rapports entre réel et l’imaginaire en passant de l’un à l’autre, elle en investit résolument et brillamment l’entre-deux.

Pourrait-on accepter que ce poème modifié à plusieurs reprises ne reflète pas davantage mon visage pendant son écriture?

Sandra Moussempès, Sunny girls, 2015, Flammarion.

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« Cinq le Choeur » de Anne-Marie Albiach. https://www.librairie-ptyx.be/cinq-le-choeur-de-anne-marie-albiach/ https://www.librairie-ptyx.be/cinq-le-choeur-de-anne-marie-albiach/#respond Tue, 23 Dec 2014 08:30:38 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4704

Lire la suite]]> Cinq le Choeurla disponibilité

 

ne signifie

 

 

 

 

le même

absence

Chez Anne-Marie Albiach, la page paraît moins trouée que les mots n’y sont déposés comme en suspension.  Chez elle, il y a d’abord la page.  Non comme canevas sur lequel organiser des mots.  Mais bien comme simple espace ne signifiant rien.  Blanche ou vide.  Figure d’une absence.  Et c’est le mot qui l’encre (Ah Philippe Beck!) qui transfigure cette absence en disponible.  Les mots sont d’abord cela qui confère à ce sur quoi ils se posent un sens.  Avant même de s’organiser entre eux pour « exprimer quelque chose », ils sont ce par quoi advient un support à signifier.

De même la phrase d’AMA s’arrêtant, s’interrompant, figure-t-elle autre chose que ce qu’elle dit par son énonciation.  Par ces arrêts abrupts, comme les précipices ne se devinant que par ce qui s’arrête à leurs bords, la phrase dit les gouffres qui s’entrouvrent à ses pieds.  Et, dérogeant à l’horizontalité du poème, elle questionne les vides (qui donc, ne sont plus des absences mais bien des disponibles) que les mots creusent entre eux.  Verticale, sa poésie est toute de mouvement.  Car c’est bien le trajet d’un mot l’autre qu’elle invite le lecteur à habiter.

toutes les évidences lui sont mystère

C’est peut-être en cela que la poésie d’AMA est si vivace, si riche, s’abreuvant de (et la nourrissant) la philosophie la plus spéculative.  Non pas que la pensée créatrice se donne pour fonction de « creuser » les évidences, ou de chercher derrière ou sous celles-ci.  Mais de considérer les évidences mêmes, ou plutôt le fait même qu’il y en ait, comme, réellement, un mystère.

Anne-Marie Albiach, Cinq le Chœur, 2014, Flammarion.

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« En face » de Pierre Demarty. https://www.librairie-ptyx.be/en-face-de-pierre-demarty/ https://www.librairie-ptyx.be/en-face-de-pierre-demarty/#respond Fri, 24 Oct 2014 08:03:16 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4657

Lire la suite]]> En faceQu’on peut vivre ainsi très facilement, sans presque se soucier d’exister.

Jean Nochez, marié, père de deux enfants, philatéliste, parfait indice du moyen terme de l’humanité, incarnation de la normalité faite homme dans tout ce qu’elle représente de plus insipide banalité, Jean Nochez décide un jour (mais y a t’il seulement quelque chose chez lui qui ressorte de la décision?) de quitter domicile, femme et enfants, de traverser la rue et de louer l’appartement en face.

Jean Nochez, fantassin admirable de la division des nombres qui parmi nous se dirige à pas certains, incalculable et inhéroïque, vers le terme du combat sans songer un seul instant à en dévier l’issue, Jean Nochez, suprême et paradoxale incarnation de ce que l’humanité peut avoir de plus désincarné, Jean Nochez, huître, moule, mollusque, particule, en un mot très exactement individu, n’avait pas la moindre raison de se concevoir capable d’un geste si singulier.

Pas de côté, ou plutôt pas vers l’autre côté d’une vie faite de rien (C’est beaucoup déjà, ce trois fois rien.), tissée d’habitude, nourrie à grands coups de journaux télévisés, de gratins ou de quiches, le geste de Jean Nochez paraît LA transgression par excellence.

Par cet infinitésimal pas de côté, ce très léger glissement dans la marge […] il s’apprête à accomplir le geste le plus scandaleux qui soit : tourner tranquillement le dos au monde, à sa vie, pauvre vie, vieille maîtresse acariâtre et possessive, bien fait pour elle.  Et ce sans motif, sans mobile, ni la moindre finalité.

Racontée par l’un de ses collègues du zinc des Indociles heureux qu’il apprendra à fréquenter assidument, l’aventure (car aventure il y a) de Jean Nochez a ceci d’extraordinaire qu’elle nous enseigne qu’un rien suffit à bouleverser l’édifice d’une vie.  Dans cet océan d’ennui qu’offre le spectacle de nos existences, le fantastique tient à un minuscule écart.

Car on peut aller très loin sans aller nulle part.

D’une drôlerie féroce parsemée de références (certes pas toujours utiles), brillamment rythmé, « En face » parvient à subtilement nous offrir en miroir l’image de ce néant quotidien, un peu pompeusement nommé vie, dans lequel nous sommes moins plongés qu’englués, et que ne semble parfois traverser, mais si scrupuleusement, que le temps.

C’est un récit plein de silence et de rumeur, et moi l’idiot qui le raconte, et vous qui en cherchez le sens.

Pierre Demarty, En face, 2014, Flammarion.

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« Opéradiques » de Philippe Beck. https://www.librairie-ptyx.be/operadiques-de-philippe-beck/ https://www.librairie-ptyx.be/operadiques-de-philippe-beck/#respond Fri, 25 Apr 2014 07:51:30 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=3990

Lire la suite]]> OPERADIQUESOs n’est pas l’idée de chair.

« Un souffle ouvre des brèches opéradiques » disait Rimbaud dans ses illuminations.  Et ce sont ces brèches que se propose d’entrouvrir Philippe Beck.

Pas de solo sans écho.

Pas de Narcisse sans Echo.  Pas de solitaire sans plusieurs.   Pas d’être seul sans tout ce qui est éparpillé sur terre.

Or, l’encre-de-monde invite le Pinceur Chargé, le Pesé Traçant ; il invite la main de l’idée.  Et il y a P.

Il y a poésie dans cet espace du plusieurs, où écriture, musique, peinture se conjoignent, se rencontrent.  Il n’y a poésie que dans l’ouverture aux autres arts.  La poésie de Philippe Beck cherche d’abord à ouvrir cet espace plural (ces plusieurs) qui, non content de l’enrichir, la fonde même.

La jachère plusieurs est vieille et continue, avec boue et éclat.

Pas de poésie sans provenance donc.  Et pas de poésie sans musique.  Ni de musique sans danse.

Quelqu’un a sifflé avant de chanter.

Orchestre sonne sous les pas d’abord.

C’est le vent soufflant sur la rive qui donne l’idée de souffler aux creux de roseaux souples.  Ce sont les corps dansant, se touchant, se cognant parfois qui, entre heurts et bruissements, font musique.  Comme le corps-instrument fait musique, c’est la matière même qui fait poésie.  Celle-ci n’est pas au départ ajout.  Le monde (Le monde entier + l’œuvre = le monde entier.) est un gisement qui nécessite le soc de l’art dont le sillon le fertilise (Soc est un brandon chercheur.  Loin de Clôture.).  Et l’artiste est d’abord un faisant, un dé-crivant, un peignant, un musiquant, qui ekphrase, expose en détail, et dont l’aboutissement est de dire cette matière.

Le filet remonte le filet.  Et montre l’eau.

Et l’art de Philippe Beck en est une des plus éclatantes réussite.  Dans ses flux, ses errances, ses amples chatoiements, c’est la page que la poésie de Philippe Beck révèle en l’encrant.

Le poème affiche quoi! La page même.

Philippe Beck, Opéradiques, 2014, Flammarion.

On ne saurait trop conseiller d’en prolonger l’utile réflexion ici.

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