Wallace – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 « Considérations sur le homard » de David Foster Wallace. https://www.librairie-ptyx.be/considerations-sur-le-homard-de-david-foster-wallace/ https://www.librairie-ptyx.be/considerations-sur-le-homard-de-david-foster-wallace/#respond Tue, 20 Nov 2018 07:42:33 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7966

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Il apparut que l’inspecteur du LAPD trouvait le porno émouvant, bien plus que la production grand public hollywoodienne où les acteurs – quelquefois très talentueux – déambulent en feignant l’humanité, c-à-d. :  » Dans les vrais films, c’est fait exprès. Moi, je crois que ce que j’aime dans le porno, c’est quand ça arrive par accident. »

David Foster Wallace n’est pas que l’écrivain d’un immense livre devenu culte, L’Infinie Comédie. Romancier de grand talent, il était aussi versé en philosophie ou en mathématiques (on ne saurait que vous conseiller de lire ainsi son autre chef-d’oeuvre, malheureusement bien méconnu, Tout, une histoire de l’infini) et était régulièrement approché par différents magazines américains pour couvrir certains sujets. C’est ainsi qu’il s’intéressa et écrivit sur des sujets comme le homard, la campagne de John Mc Cain ou le porno.

Le truc, c’est de reconnaître que la récente respectabilité de l’industrie porno crée un paradoxe. Plus elle devient acceptable d’un point de vue culturel, plus elle doit se montrer transgressive pour préserver l’aura d’inacceptabilité essentielle à son attrait.

En nos temps cyniques, le rire se marie rarement à l’acuité de l’analyse. Soit on se bidonne, et ce souvent au dépens d’un autre, soit on critique, avec le sérieux pour gage . Foster Wallace est l’un de ces rares auteurs qui parvient à jeter un regard critique aussi acéré que complexe sur son objet d’analyse tout en vous amenant à vous taper la cuisse. Avec lui, rien n’est simplifié. Il n’y a pas d’absolu qui tienne. On peut s’émouvoir dans le porno comme on peut concéder des gages moraux à un adversaire de l’avortement. On peut reconnaître une sentience aux crustacés et s’en goinfrer sans vouloir être un monstre. Avec Foster Wallace quand on rit, on rit toujours un peu de soi. Et c’est parce qu’on rit de soi, que l’éclat de rire n’est jamais cynique. Et qu’il nous permet, au lieu de nous en éloigner voire de nous gausser de celles d’un autre, de reconnaître nos propres contradictions. C’est terriblement drôle, c’est désespérant, c’est désabusé en diable. C’est lucide.

Être un touriste de masse, pour moi, c’est devenir un pur Américain fin-de-siècle : étranger, ignorant, avide de quelque chose qu’on ne peut jamais avoir, déçu d’une manière qu’on ne peut jamais admettre. C’est gâcher, par un acte purement ontologique, l’ingâchabilité dont on est venu faire l’expérience. C’est imposer sa présence dans des endroits qui de toutes les façons non économiques possibles seraient mieux et plus vrais sans nous. C’est, dans les files d’attente et embouteillages, transaction après transaction, être confronté à une dimension de soi-même d’autant plus douloureuse qu’on n’y échappe pas : en tant que touriste, on acquiert une valeur économique, mais existentiellement on devient répugnant, un insecte sur une chose morte.

David Foster Wallace, Considérations sur le homard, 2018, L’Olivier, trad. Jakuta Alikavazovic.

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« L’oubli » de David Foster Wallace. https://www.librairie-ptyx.be/loubli-de-david-foster-wallace/ https://www.librairie-ptyx.be/loubli-de-david-foster-wallace/#respond Tue, 08 Nov 2016 08:44:21 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6402

Lire la suite]]> L'Oubli

[Terry Schmidt] recevrait une part supérieure des bénéfices nets de Team Deltay et aurait donc les moyens de se payer un appartement plus joli et mieux équipé où se masturber avant de dormir, ainsi qu’une quantité d’accessoires et faux-semblants des gens réellement importants sauf qu’en vérité il ne serait pas important, à grande échelle il ne changerait pas d’avantage les choses qu’aujourd’hui. Il ne restait à Terry Schmidt, bientôt 35 ans, presque rien de l’illusion qu’il pouvait se distinguer du grand troupeau du commun des mortels, pas même le désarroi de ne pouvoir changer la donne ni l’immense envie d’avoir un impact à quoi il s’était raccroché jusqu’à la trentaine comme preuves que même s’il se révélait être un raté les grandes ambitions à l’aune desquelles il jugeait être un raté demeuraient d’une certaine manière exceptionnelles et supérieures à celle du commun

Comme le dit très justement le quatrième – non, le quatrième ne ment pas toujours -, David Foster Wallace met en scène dans ce recueil de nouvelles des « personnages qui souffrent de l’impossibilité de faire coexister leur propre espace mental avec le reste du monde ». Et ceux-ci de construire alors à leur déshérence des refuges où effacer ou oublier cet irréconciliable écart, que ce refuge prenne les teintes de l’absurdité artistique la plus scatologique, la chirurgie esthétique, une forme de « professionnalisme paternel » froid et distant, ou le suicide…

Dans le maillage de la fenêtre, un carré n’était rempli et ne racontait sa partie de l’histoire de la pauvre malheureuse propriétaire du chien bringé qu’au moment où je m’occupais de lui

Mais ces personnages ne sont pas des « barrés », des archétypes néo-romantiques du marginal. Non seulement car, du creux de leur « mal-être », ils gardent tous une conscience pleine et entière de ce qui leur arrive, ils se montrent à la fois avertis des causes de ce « mal-être » et de l’irrémédiable échec auquel aboutit toute tentative d’en sortir, mais aussi parce que, loin d’en représenter une marge, ils sont bien plus une représentation de ce que nous avons tous en commun que celle de ce qui se distingue de ce « commun ». Ils ne sont pas l’occasion d’un regard extérieur – celui du « hors-norme » – sur notre condition qui l’éclairerait d’un jour neuf, mais la lumière crue qui en provient. Leurs cauchemars ressemblent trop à nos vies.

David Foster Wallace parvient comme personne à rendre ces concaténations de réel et de rêve, ces rencontres entre différents temps, entre consciences. Entre farce et tragédie, il parvient à saisir comme nul autre l’amère et comique désillusion qu’être humain suppose. Et, en les faisant bruire de l’infinie variété des détails d’une vie, il donne à ses récits la puissance et la beauté d’un réalisme renouvelé.

On peut être au boulot en pleine réunion de création, et rien que pendant les petits silences où les gens regardent leurs notes et attendent la présentation suivante on peut avoir la tête traversée par une telle quantité de choses qu’il faudrait un temps exponentiellement plus long que toute la réunion pour mettre simplement en mots le flux de pensées de ces quelques secondes de silence.

David Foster Wallace, L’Oubli, 2016, L’Olivier, trad. Charles Recoursé.

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Prix ptyx 2015. https://www.librairie-ptyx.be/prix-ptyx-2015/ https://www.librairie-ptyx.be/prix-ptyx-2015/#respond Sun, 13 Dec 2015 09:50:32 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5731

Lire la suite]]> sauter à la cordeEn ce jour d’élection régionale française, telle la France rassemblée au chevet de ses valeurs, le jury ptyx s’est réuni en vue d’attribuer son prix annuel. Pour nous aussi, la tradition n’est pas un vain mot! Seul prix objectif remis par un seul sujet, ne donnant droit à rien, garanti sans bandeau et assumant pleinement le ridicule de sa fonction, le prix ptyx 2015 eût pu ceindre nombre de titres lus cette année. Mais, voilà, si, justement, le prix ptyx se distingue de tous les autres prix, il n’en est pas moins un prix et son jury se devait dès lors de sacrifier à ce qui fonde tout prix : distinguer. Raison pour laquelle, parmi l’immense masse de livres lus cette année, nous avons choisi, après un processus rigoureux et en totale conformité avec nos statuts, et en écartant (cela va de soi) les livres dont nous sommes également l’éditeur, nous avons choisi donc d’attribuer l’inutile sésame aux trois livres suivants (ben oui, trois…) :

 

« La Chambre peinte » de Inger Christensen.

 

Mantegna

Face à toute cette misère j’ai depuis toujours pensé qu’il était trop tard pour prendre la parole, au moment où Dieu et n’importe qui ne font (déjà) que parler et parler encore tandis que personne n’écoute.

Entre 1465 et 1474, Andrea Mantegna peignit à fresque la chambre des époux. Commandité par Ludovico III de Gonzague, seigneur de Mantoue, ce travail énorme devait symboliser la puissance de sa famille au sein même du Castello di San Giorgio, forteresse où la famille élit domicile après le concile de Mantoue. Représentant la famille en cour ou lors d’une rencontre sur fond d’une Rome idéalisée, ce joyau des arts est l’occasion, pour Inger Christensen, d’y ancrer un récit dont la plurivocité des voix en permet une « analyse » renouvelée tout en l’ouvrant vers un ailleurs subtil. L’occasion, aussi, d’en démontrer l’intemporalité.

et il va jusqu’au bout de la logique, là où la construction de cette logique s’effondre et s’émiette en illusions.

Le récit de Inger Christensen est construit en triptyque. Le premier narrateur est Marsilio Andreasi, secrétaire du marquis Ludovico et confident de Mantegna. Présenté comme amoureux de Nicolosia, qui épousa le peintre, son témoignage nous est ramené sous forme d’un journal s’étendant de l’an 1454 à 1506. Dans la deuxième partie, c’est Maria (ou Farfalla) qui est la narratrice. « Réceptrice des tous les secrets », elle nous conte l’histoire des liens qui tissent l’histoire complexe de la famille Gonzague, principalement autour du personnage de Nana, la fille naine de Ludovico. Enfin, dans la troisième partie, voix est donnée à Bernardino, le fils de dix ans de Andrea Mantegna. Trois narrateurs différents. Trois représentations – à des degrés divers – dans la fresque de la chambre des époux. Trois registres de discours différents (un journal donc un narrateur sans cesse en devenir, une femme contant des faits tous advenus donc une narratrice « omnisciente », un enfant de dix ans (mort à onze) contant à chaud un souvenir onirique de vacance). Trois portraits. Trois biais.

Si l’Etat peut être une oeuvre d’art […] l’oeuvre d’art peut être un Etat.

La chambre peinte déploie les questions de l’oeuvre de Mantegna en interrogeant les regards de ceux qui, peints a fresca, nous regardent par delà les temps et leurs apparences figées. Jamais analyse de l’oeuvre de Mantegna au sens strict, celle de Christensen y prend appui pour en enrichir les secrets plus que pour les dévoiler. Et parvient ainsi – miracle du procédé – à en dire mieux et plus que beaucoup d’études académiques. En articulant, mais renouvelés, les principes de la fresque mantouaise dans le corps du récit, sa logique, son symbolisme, Inger Christensen nous convie à un jeu. Jeu dont l’émotion, mieux que d’en n’être pas expurgée, en est un des principe. Et qui fait de cette Chambre peinte une essentielle et bouleversante chambre des mystères.

l’âme du portrait, qui est la leur, leur fait peur.

Inger Christensen, La chambre peinte, un récit de Mantoue, 2015, Le Bruit du Temps, trad. Karl & Janine Poulsen.

Les sons ci-dessus sont tirés de l’émission « Les glaneurs » sur Musique 3, présentée et produite par Fabrice Kada, réalisée par Katia Madaule. Nous étions accompagnés ce soir-là par l’excellent Laurent De Sutter et la parfaite Mathilde Maillard.

 

« L’infinie comedie » de David Foster Wallace

 


Infinie comedieIl pensa très généralement aux désirs et aux idées que l’on contemple sans les mettre en pratique, il pensa aux pulsions qui, privées d’expression, sèchent et se dissipent sèches, songea que d’une certaine manière cela avait un rapport avec lui, avec les circonstances et avec ce qui, si cette éreintante ultime orgie à laquelle il se préparait ne résolvait pas le problème, devait être sûrement appelé son problème, mais il n’eut pas le temps de concevoir en quoi l’image de pulsions desséchées se dissipant par dessiccation se rapportait à lui ou à l’insecte, qui était rerentré dans le trou du support anguleux, parce que, à ce moment précis, son téléphone et le buzzer de l’interphone retentirent simultanément, si sonores, si cruels, si abrupts qu’ils percèrent un petit trou dans le grand ballon de silence coloré à l’intérieur duquel il attendait assis, et il alla d’abord vers la console téléphonique, puis vers le bouton de l’interphone, puis tenta plus ou moins d’aller vers les deux à la fois, si bien qu’il demeura planté, jambes écartées bras en croix comme si quelque chose avait été jeté, écrabouillé et enseveli entre les deux sonorités, la tête vide de toute pensée.

Debord pensait la société du spectacle advenue, déjà parfaitement réalisée. Oui, mais voilà, Debord n’avait pas lu Infinite Jest! Non seulement le chef d’oeuvre de Wallace n’avait pas encore été traduit (traduction qu’il a fallu attendre 17 longues années), mais pas même encore composé avant la mort du situationniste en 1994. Il avait donc deux solides excuses. S’il avait pu le lire, gageons qu’il eût revu son constat.

Comment faire pour ne pas être 130 personnes profondément seules qui vivent en promiscuité.

Dans ce roman fleuve de 1486 pages (écrit tout petit), nous suivons – entre tant d’autres – les destins de trois personnages principaux. Marathe est un A.F.R. (Assassin en Fauteuil Roulant), traître à sa nation, et engagé dans la quête d’une arme absolue ; Hal Incandenza est un jeune tennisman surdoué, fils d’un célèbre cinéaste, qui suit un enseignement spécialisé dans une école de tennis de Boston ; Don Gately est un ancien drogué au Démérol engagé comme employé-résident dans un centre de désintoxication. Le Mexique, le Canada et les U.S.A ont depuis longtemps fusionné au sein d’un ensemble dénommé O.N.A.N (sisi). Le Québec fait seul figure de sécessionniste. Un enjeu géostratégique majeur est l’appropriation de terrains destinés à accueillir les déchets de la super-nation. Tout le monde, à des degrés divers, est sous assuétude. Le culte de l’excellence et la sur-consommation sont devenus des normes incontestées. Le temps est sponsorisé (ainsi suivons nous ces personnages principalement lors de « l’année des sous-vêtements pour adultes incontinents Depend »). La télévision a été remplacée par le téléputeur, omniprésent moyen technique qui permet à chacun de regarder un choix infini de cartouches de divertissement. C’est dans ce contexte qu’est découverte une mystérieuse cartouche, réalisée par James Incandenza, le père de Hal, dont les effets (ceux de la cartouche) sont de plonger qui la regarde dans un état de dépendance absolu. Une fois visionnée, le seul objectif du spectateur se limiterait à la regarder encore, et encore, et encore. En niant tout le reste, jusqu’à ses propres besoins corporels. L’arme absolue…

C’est vous qui acceptez de vous laisser agréablement divertir. C’est bien un choix, non? Le droit sacré du spectateur, un choix libre, non? Oui?

Dans ce monde médicamenté, d’où tout transcendant est supprimé jusqu’à n’en avoir plus même laissé le pâle souvenir, c’est le choix seul qui, à force d’en être rabâché comme un de ses éléments essentiels, a pris la place de la liberté. Si être libre c’est avoir le choix et ne plus qu’avoir le choix, la liberté se réduit rapidement à choisir son assuétude. Jusqu’à ne plus pouvoir sen dépêtrer. Jusqu’à rechercher, en toute liberté, celle qui nous libérera – suprême et terrifiant paradoxe –  d’avoir à choisir.

Votre choix se résume à ceci : le plaisir de ne pas choisir.

L’horreur sans nom du monde peint par D.F.Wallace ne tient pas à son étrangeté. Mais bien au rapport intime qu’il entretient avec le nôtre. Certes univers baroque dont l’exagération est érigée en paradigme – où les gens se suicident au micro-ondes ou au broyeur à ordures, où on ne se parle plus mais « interface », où brimer les enfants dès leur plus jeune âge est une technique éducative reconnue – ce monde nous paraît être le nôtre parfaitement réalisé, sa prolongation la plus démesurée, mais aussi sa plus naturelle.

Mais par delà cette redoutable – et peut-être propitiatoire – analyse d’un monde sans repère, c’est surtout à une extraordinaire et subtile comédie humaine que nous convie l’auteur culte. Entre rires de terreur émue et larmes d’ironie, cette infinie comédie n’est rien d’autre qu’une des expressions les plus troublantes de la solitude qui nous définit tous. L’insoutenable de la condition humaine et ses risibles – car vains, toujours vains – efforts pour s’en extirper ou s’en contenter.

Aucun instant n’est insupportable, pris séparément […]. Ce qui est insoutenable, c’est l’idée de tous ces instants mis bout à bout, tous ces scintillements qui s’étendent devant lui à la file.

L’infinie comédie est bien aussi ce jet continu, cette glose sans fin par laquelle un être humain entretient désespérément un fragile et illusoire contact avec un autre être humain. Un personnage avec un autre. Un auteur avec un lecteur.

Pour résumer ce dont nous parlons ici, c’est de solitude.

Vous êtes seul. Vous allez mourir. Voilà deux raisons suffisantes pour lire cet éreintant chef d’oeuvre…

David Foster Wallace, L’Infinie Comédie, 2015, L’Olivier, trad. Francis Kerline.

Les sons ci-dessus sont tirés de l’émission « Les glaneurs » sur Musique 3, présentée et produite par Fabrice Kada, réalisée par Katia Madaule. Nous étions accompagnés ce soir-là par The BD specialist Pierre de Jaeger et le remuant dramaturge Olivier Hespel.

 

« Jusqu’au cerveau personnel » & « [Nouure] » de Philippe Grand.

nouure_couvMon idéal-lecteur aime le sens et qu’on lui en complique l’accès.  Il me ressemble : déteste qu’on le pense sans dents, bon qu’à téter.

On ne compte plus les œuvres n’ayant comme propos et finalité qu’elles mêmes. Parfois, n’ayant d’autre raison d’existence que celle de venir confirmer celle de qui l’a écrit, le nom encré sur la couverture semble se borner à ancrer l’ « auteur » dans le « réel » (à force de dire « je », ce « je » finira bien par advenir!). Parfois, le retour sur les modalités de son existence parait, comme sur commande, n’être qu’un effet de mode, comme garantissant le sérieux de l’ « auteur » (quel meilleur gage de sérieux donner dans un domaine que de faire montre de s’intéresser aux modalités de production essentielles de ce domaine). Soit onanisme scripturaire, soit entre soi pédant, l’ « œuvre égocentrique » échappe en fait bien difficilement aux affres de l’égo de qui l’écrit.

un écrit tout à dire d’où il vient et comment il avance.

Ici, le livre tout entier centré sur lui-même, l’est vraiment sur lui-même. Et non sur l’auteur. Il n’a d’autre projet que lui-même.  Il n’est que sa propre fin, dont les moyens sont détaillés jusque dans leurs rouages les plus fins.

notes comme libérées de la musique

Libéré de ses contraintes (narration, rapport au réel, genre, espace de la page, etc…), accointant avec le Rien, le livre est ici une écriture de l’écriture. Mais qui ne profite pas de l’abandon des contraintes pour justifier une « facilité ». Ainsi de l’esthétique du fragment, qui souvent sert à dissimuler une impossibilité à construire, et qui, ici, est repensé dans les écarts qu’il peut présenter par rapport au « segment ».  Livre-parties d’un livre plus vaste, auquel ils renvoient pour le creuser mieux, Jusqu’au cerveau personnel et [Nouure] fonctionnent comme des vrilles*.

Est-ce autre chose, l’âme, que ce que montre une phrase déchirée?

Creusant en vrillant dans un corps (du bois, du liège), la vrille ramène à la surface ce qui était enfoui dans la matière, mais l’élargi aussi et la fait déborder sur ce qui l’entoure.  Ainsi fonctionne l’écriture de Philippe Grand qui, centrée jusqu’à l’obsession sur elle-même, creusant toujours plus avant, la précisant toujours mieux car différemment, en vient à éclairer bien plus large que son si étriqué sujet.

Un corps que la vie a quitté occupe moins de place qu’il n’en aurait occupé au terme de son développement dans des conditions normales : du temps a manqué à ce corps, mais en aucun cas, on ne regarde l’espace autour de l’enfant mort comme l’absence de corps.

Regarder le blanc d’une page comme une absence d’encre (ce blanc dont l’insupportable ne semble pouvoir être vaincu par l’auteur qu’une fois vérifiée sa capacité à le noircir), envisager le livre comme chapitre d’un livre dont il n’est que partie, penser le temps de l’édition d’un livre en rompant avec celui de son écriture, si tout cela, certes, renvoie directement à la question de l’écriture, il n’en éclaire pas moins des pans autres. Concentrant son faisceau (concentrer, c’est-à-dire focaliser, mais aussi aller à la moelle, à l’essence de la matière) sur son sujet, il le creuse, le précise toujours mieux. Mais, bien loin de ne renvoyer toujours plus qu’à elle-même, à se « spécialiser », l’écriture bien menée sur l’écriture va titiller, dans ses tréfonds, ce qui s’y loge d’universel.

Je n’écris pas mais sculpte.

Aventure poétique – et donc (n’en déplaise à ceux qui ne lisent Platon que via des formules) philosophique! – hors-norme, la tentative de Philippe Grand est assurément l’une des plus vertigineuses, inventives, et originales qu’il nous ait été donné de lire!

Ce qui éclot à bout de plénitude, la cible de toute sève, cette

couleur soutenue par un faisceau d’accomplissements, c’est Rien,

l’accord des choses à elles-mêmes, que je recueille pour éclairer

mes murs et résonner à leur hauteur.

Jusqu'au cerveau personnel

Philippe Grand, Jusqu’au cerveau personnel, 2015, Héros-Limite.

Philippe Grand, [Nouure], 2015, Eric Pesty.

Les sons ci-dessus sont tirés de « Temps de Pause » sur Musique 3, émission orchestrée de main de maîtres par Fabrice Kada et Anne Mattheeuws.

*Et ces vrilles, pour gagner en vertige, sont ici éditées simultanément et sous (presque) les mêmes atours.

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« L’infinie comédie » de David Foster Wallace. https://www.librairie-ptyx.be/linfinie-comedie-de-david-foster-wallace/ https://www.librairie-ptyx.be/linfinie-comedie-de-david-foster-wallace/#respond Fri, 28 Aug 2015 07:36:34 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=5408

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Infinie comedieIl pensa très généralement aux désirs et aux idées que l’on contemple sans les mettre en pratique, il pensa aux pulsions qui, privées d’expression, sèchent et se dissipent sèches, songea que d’une certaine manière cela avait un rapport avec lui, avec les circonstances et avec ce qui, si cette éreintante ultime orgie à laquelle il se préparait ne résolvait pas le problème, devait être sûrement appelé son problème, mais il n’eut pas le temps de concevoir en quoi l’image de pulsions desséchées se dissipant par dessiccation se rapportait à lui ou à l’insecte, qui était rerentré dans le trou du support anguleux, parce que, à ce moment précis, son téléphone et le buzzer de l’interphone retentirent simultanément, si sonores, si cruels, si abrupts qu’ils percèrent un petit trou dans le grand ballon de silence coloré à l’intérieur duquel il attendait assis, et il alla d’abord vers la console téléphonique, puis vers le bouton de l’interphone, puis tenta plus ou moins d’aller vers les deux à la fois, si bien qu’il demeura planté, jambes écartées bras en croix comme si quelque chose avait été jeté, écrabouillé et enseveli entre les deux sonorités, la tête vide de toute pensée.

Debord pensait la société du spectacle advenue, déjà parfaitement réalisée. Oui, mais voilà, Debord n’avait pas lu Infinite Jest! Non seulement le chef d’oeuvre de Wallace n’avait pas encore été traduit (traduction qu’il a fallu attendre 17 longues années), mais pas même encore composé avant la mort du situationniste en 1994. Il avait donc deux solides excuses. S’il avait pu le lire, gageons qu’il eût revu son constat.

Comment faire pour ne pas être 130 personnes profondément seules qui vivent en promiscuité.

Dans ce roman fleuve de 1486 pages (écrit tout petit), nous suivons – entre tant d’autres – les destins de trois personnages principaux. Marathe est un A.F.R. (Assassin en Fauteuil Roulant), traître à sa nation, et engagé dans la quête d’une arme absolue ; Hal Incandenza est un jeune tennisman surdoué, fils d’un célèbre cinéaste, qui suit un enseignement spécialisé dans une école de tennis de Boston ; Don Gately est un ancien drogué au Démérol engagé comme employé-résident dans un centre de désintoxication. Le Mexique, le Canada et les U.S.A ont depuis longtemps fusionné au sein d’un ensemble dénommé O.N.A.N (sisi). Le Québec fait seul figure de sécessionniste. Un enjeu géostratégique majeur est l’appropriation de terrains destinés à accueillir les déchets de la super-nation. Tout le monde, à des degrés divers, est sous assuétude. Le culte de l’excellence et la sur-consommation sont devenus des normes incontestées. Le temps est sponsorisé (ainsi suivons nous ces personnages principalement lors de « l’année des sous-vêtements pour adultes incontinents Depend »). La télévision a été remplacée par le téléputeur, omniprésent moyen technique qui permet à chacun de regarder un choix infini de cartouches de divertissement. C’est dans ce contexte qu’est découverte une mystérieuse cartouche, réalisée par James Incandenza, le père de Hal, dont les effets (ceux de la cartouche) sont de plonger qui la regarde dans un état de dépendance absolu. Une fois visionnée, le seul objectif du spectateur se limiterait à la regarder encore, et encore, et encore. En niant tout le reste, jusqu’à ses propres besoins corporels. L’arme absolue…

C’est vous qui acceptez de vous laisser agréablement divertir. C’est bien un choix, non? Le droit sacré du spectateur, un choix libre, non? Oui?

Dans ce monde médicamenté, d’où tout transcendant est supprimé jusqu’à n’en avoir plus même laissé le pâle souvenir, c’est le choix seul qui, à force d’en être rabâché comme un de ses éléments essentiels, a pris la place de la liberté. Si être libre c’est avoir le choix et ne plus qu’avoir le choix, la liberté se réduit rapidement à choisir son assuétude. Jusqu’à ne plus pouvoir sen dépêtrer. Jusqu’à rechercher, en toute liberté, celle qui nous libérera – suprême et terrifiant paradoxe –  d’avoir à choisir.

Votre choix se résume à ceci : le plaisir de ne pas choisir.

L’horreur sans nom du monde peint par D.F.Wallace ne tient pas à son étrangeté. Mais bien au rapport intime qu’il entretient avec le nôtre. Certes univers baroque dont l’exagération est érigée en paradigme – où les gens se suicident au micro-ondes ou au broyeur à ordures, où on ne se parle plus mais « interface », où brimer les enfants dès leur plus jeune âge est une technique éducative reconnue – ce monde nous paraît être le nôtre parfaitement réalisé, sa prolongation la plus démesurée, mais aussi sa plus naturelle.

Mais par delà cette redoutable – et peut-être propitiatoire – analyse d’un monde sans repère, c’est surtout à une extraordinaire et subtile comédie humaine que nous convie l’auteur culte. Entre rires de terreur émue et larmes d’ironie, cette infinie comédie n’est rien d’autre qu’une des expressions les plus troublantes de la solitude qui nous définit tous. L’insoutenable de la condition humaine et ses risibles – car vains, toujours vains – efforts pour s’en extirper ou s’en contenter.

Aucun instant n’est insupportable, pris séparément […]. Ce qui est insoutenable, c’est l’idée de tous ces instants mis bout à bout, tous ces scintillements qui s’étendent devant lui à la file.

L’infinie comédie est bien aussi ce jet continu, cette glose sans fin par laquelle un être humain entretient désespérément un fragile et illusoire contact avec un autre être humain. Un personnage avec un autre. Un auteur avec un lecteur.

Pour résumer ce dont nous parlons ici, c’est de solitude.

Vous êtes seul. Vous allez mourir. Voilà deux raisons suffisantes pour lire cet éreintant chef d’oeuvre…

David Foster Wallace, L’Infinie Comédie, 2015, L’Olivier, trad. Francis Kerline.

Les sons ci-dessus sont tirés de l’émission « Les glaneurs » sur Musique 3, présentée et produite par Fabrice Kada, réalisée par Katia Madaule. Nous étions accompagnés ce soir-là par The BD specialist Pierre de Jaeger et le remuant dramaturge Olivier Hespel.

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« Tout et plus encore. Une histoire compacte de l’infini. » de David Foster Wallace. https://www.librairie-ptyx.be/tout-et-plus-encore-une-histoire-compacte-de-linfini-de-david-foster-wallace/ https://www.librairie-ptyx.be/tout-et-plus-encore-une-histoire-compacte-de-linfini-de-david-foster-wallace/#respond Fri, 18 Jul 2014 06:49:44 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=4318

Lire la suite]]> Tout et plus encoreBouclez vos ceintures je vous prie car nous sommes sur le point de subir une brutale ascension.

Nombreux sont ceux qui, au lieu de s’ancrer dans la richesse des abstractions d’un Cantor, d’un Dedekind, ou d’un Weierstrass, se perdent dans des considérations « très pop » sur les auteurs de celles-ci.  S’attachant au « sexy » du contexte (la « folie » de Cantor, la bizarre normalité de Weierstrass), ils en oublient que la beauté de leurs abstractions se suffit à elle-même.  Le mérite de D.F.Wallace est d’abord là.  Il recentre sur l’essentiel, la chose mathématique, et nous rend accessible ce plaisir du vertige.  Plaisir par lequel se vit et se comprend vraiment cette relation, intime depuis toujours, entre mathématique et philosophie.

Il me semble d’autant plus beau que sans aucune notion de quantités mesurables et simplement par un système fini de simples étapes de pensées, l’homme peut avancer vers la création du pur et continu domaine des nombres.

Le défi, dire les maths dans ce qu’elles proposent de plus abstrait à un public non expert , exprimer par elles-mêmes une réponse à la question : De quelle façon les abstractions existent-elles?, ce défi suppose, au-delà des connaissances évidentes en mathématiques, des qualités de poète.  Car qui mieux que celui-ci peut comprendre l’enjeu qu’est faire vivre l’abstraction des mathématiques par celle du langage.

Tout ceci étant d’une bizarrerie absolument retentissante.

« Une histoire compacte de l’infini », comme il fait œuvre de science et de pédagogie, fait alors aussi œuvre littéraire.  Car ce sont par ses procédés formels mêmes (redondances, interpellations humoristiques, mise en abyme des procédés rhétoriques) qu’il remplit parfaitement son objectif de faire comprendre l’abstrait ultime à qui n’en maîtrise pas les arcanes.  Car pour comprendre, vous comprendrez!  Il suffit (et à ce « suffit » suffit sa rigoureuse définition) de suivre le pas-à-pas proposé par D.F. Wallace, dans ce qui apparaît parfois comme d’inutiles ou ornementales circonvolutions, pour goûter à ce vertige qu’est comprendre.

\displaystyle f(x) est continue en \displaystyle x = x_0 si pour tout \displaystyle \epsilon > 0\, \exists\,\delta > 0 tel que

\displaystyle |x-x_0| < \delta \Rightarrow |f(x) - f(x_0)| < \epsilon.

Même ce théorème de Weierstrass, qui contribue un peu plus à sortir l’analyse de l’ornière géométrique et éclaire d’une manière résolument définitive (sisi on vous assure) le problème épineux de la continuité, et donc remet au goût du jour la nécessité de définir ce qu’est un réel (sisi aussi), même ce théorème donc, qui vous parait sans doute résolument inatteignable, la lecture de cette histoire compacte vous le rendra aussi aisément saisissable qu’un poème de Maurice Carême.  Et donc, vous sauvant de votre perplexité devant la célèbre dichotomie de Zénon, vous démontrera, si besoin en était, qu’il vous est non seulement loisible, mais aussi possible de, par exemple, traverser la rue.  Rien de moins…

quelques abstraits que soient les systèmes infinis, après Cantor, ils ne sont certainement pas abstraits comme le sont les licornes, de manière non réelle/irréelles.

Articulant son projet d’histoire compacte autour des questions qui ont sous-tendu l’évolution des mathématiques vers les transfinis, il nous permet d’approcher le cheminement mathématique par le versant qui le légitime.  Tout calcul suppose une réalité (une, ou une autre, quelle qu’elle soit et même simplement possible).  Et le calcul, comme le langage, cette autre abstraction, suppose également que le réel, étant lui-même mis en jeu, puisse devenir, dans ces systèmes abstraits, non plus une aide ou un référent, mais une simple médiation, dont il convient parfois de douter.  David Foster Wallace nous rappelle ici, et ce en toute décontraction (croyez-nous), que la chose mathématique a bien un statut ontologique.

Faisons tous une pause pendant un instant afin d’imaginer à quoi peut bien ressembler l’intérieur de la tête du professeur G.F.L.P. Cantor pendant qu’il démontre des trucs de ce genre.

David Foster Wallace, Tout et plus encore. Une histoire compacte de l’infini, 2011, Ollendorff & Desseins, trad. Thomas Chaumont.

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« Le roi pâle » de David Foster Wallace. https://www.librairie-ptyx.be/le-roi-pale-de-david-foster-wallace/ https://www.librairie-ptyx.be/le-roi-pale-de-david-foster-wallace/#respond Tue, 05 Feb 2013 08:30:20 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=1787

Lire la suite]]> Le roi pâleLa terreur du silence sans rien pour nous distraire.

C’est la clé de la vie moderne.  Si vous êtes immunisé contre l’ennui, absolument rien ne vous est impossible.

Un homme mort à son bureau sans que personne ne le remarque huit jours durant. Un autre qui cache son ennui sous une logorrhée interminable.  Un garçon pathologiquement gentil et que tout le monde déteste pour cette raison même.  Un autre qui transpire abondamment dès qu’il est en public.  Un autre encore qui, pendant 18 ans, 1440 fois par jour, 365 fois par an, a vérifié la conformité de miroirs, s’y est donc miré 9.460.800 fois, avant de se pendre.  Tous personnages d’un même monde plongé dans un ennui sans fin.

Le véritable héroïsme, c’est vous, tout seuls, dans un espace de travail imposé.  Le véritable héroïsme, ce sont des minutes, des heures, des semaines, des années et des années d’exercice silencieux, précis et pondéré de votre attention et de votre probité – sans personne pour vous voir ou vous féliciter.  Le monde est ainsi.  Vous et votre travail, à votre bureau, rien d’autre.

Même l’auteur ne peut être mis en scène dans un roman que comme rouage de ce système dont la production essentielle est précisément l’ennui.  Et où toute chose, en ce compris le rapport entre lecteur et auteur, ne peut être pensée que sous la forme du contrat et du langage bureaucratique légaliste.

Notre contrat mutuel est ici fondé sur la présomption de (a) mon honnêteté, et (b) votre compréhension que tout élément ou sémion pouvant sembler nuire à cette honnêteté est en fait un dispositif de protection légale, pas si éloigné des paragraphes standards qui accompagnent les loteries et les contrats civils, et est dès lors censé être moins décodé ou « lu » que tacitement accepté en tant que fraction du prix à payer pour que nous fassions affaire ensemble, façon de parler, dans le climat commercial actuel.

Faisant se succéder les chapitres courts et longs avec une égale Maestria, David Foster Wallace et son éditeur (le livre ayant été « composé » après la mort de l’auteur) creusent la fange huileuse de notre monde mécaniste (le mot anglais pour « ennuyeux », boring, signifiait aussi creuser un trou dans quelque chose).  Ils en exhument un roman tout en intensité, où l’émotion procède par vagues, dans lequel l’être humain, comme sous la menace d’un évènement qui n’arrivera jamais, reste suspendu dans une attente sans fin.  Attente dont il cherche désepérément à tromper l’ennui sans cesse grandissant, quitte à ne plus vouloir confier sa plus profonde intimité qu’à une machine.  Celle-ci finissant par devenir ce qui lui ressemble peut-être le plus.

Il imagina que la trotteuse était douée de conscience et savait qu’elle était une trotteuse et que son boulot consistait à tourner en rond pour l’éternité dans un cercle de chiffres à la même allure lente, invariable et machinique, à n’aller nulle part où elle n’était déjà allée un million de fois.

David Foster Wallace, Le Roi Pâle, 2012, Au Diable Vauvert, trad. Charles Decoursé.

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