Très très belle chose – ptyx https://www.librairie-ptyx.be "Hommes, regardez-vous dans le papier" H.MICHAUX Thu, 25 Apr 2019 08:01:20 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.1.1 La tête et les cornes https://www.librairie-ptyx.be/la-tete-et-les-cornes/ https://www.librairie-ptyx.be/la-tete-et-les-cornes/#respond Tue, 08 Jan 2019 07:33:12 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=8049

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Le champ poétique a ceci en commun avec celui du christianisme débutant qu’il parait constitué à nombre égal de pratiquants et de chapelles. Comme si un domaine, à mesure qu’il cherchait à se créer une légitimité (ou, dans sa variante pessimiste, à mesure qu’il se réduit), devait forcément se diviser en autant d’entités indépendantes que de pratiquants, tous prétendant fermement incarner la vérité ou l’acmé de ce domaine et accusant l’autre d’hérésie. Dans le champ de la poésie française, on sera P.O.L. ou Gallimard Blanche, Flammarion ou Castor Astral, Eric Pesty ou Corlevour, etc. et rarement l’un et l’autre, la relation entre tous étant au mieux teintée de mépris, au pire d’indifférence. Celle-ci, pratiquée avec assiduité, se transformant alors en ignorance. À cette situation très clivante de la poésie contemporaine française en tant que telle s’ajoute le peu d’intérêt qu’elle parait manifester, à son corps défendant, pour les formes les plus contemporaines de la poésie en langue étrangère. Si l’on en retire la masse importante de traductions de l’américain (souvent les mêmes d’ailleurs, et souvent morts…), le champ de la poésie traduite occupe une place marginale dans celui de la création contemporaine. Et cela est d’autant plus marquant pour le lecteur neutre (c’est-à-dire celui n’écrivant pas de poésie et qui ne peut donc être suspecté de parti-pris) que des lecteurs du chinois, du japonais, du russe, de l’anglais, de l’allemand, du kirghize, etc. ont parfois depuis bien longtemps pu découvrir dans leur propre langue des œuvres essentielles de la poésie norvégienne, hollandaise, russe, berbère ou française. Pratiquant de la langue de Vondel, nous connaissons ainsi nombre d’exemples de poètes néerlandophones qui sont traduits depuis des lustres en bien d’autres langues, chez des éditeurs unanimement considérés comme de premier plan, et dont le travail est estimé comme majeur, et qui n’éveillent pas même le moindre début du tiers du quart d’un semblant d’intérêt chez quelque éditeur francophone que ce soit. Il y a décidément, dans ce domaine très précis de la poésie, un gouffre entre la réalité et le satisfecit d’ouverture et de curiosité que s’octroie à elle-même l’édition française.

La tête et les cornes est une revue qui se donne comme tâche essentielle de donner à lire de la poésie contemporaine traduite. Sans déclaration liminaire castratrice ni apparat critique (la langue d’origine, le nom de l’auteur, celui du traducteur, point), la revue est, au sens strict du terme, une revue de poésie*. Ni laboratoire de formes (où la revue serait vue comme un espace où l’on tente, non, ici les essais sont réussis), ni revue critique (où seraient disséquées des œuvres parues), ni revue-sandwich-salon-du-refusé (où les collaborateurs profiteraient de l’espace qu’ils créent pour se l’approprier**), La tête et les cornes permet à son lecteur de découvrir des formes aussi nouvelles qu’abouties, aussi radicalement étrangères que riches. Qu’elle soit norvégienne, coréenne, suédoise, américaine, allemande, française, etc. la poésie qu’elle nous propose est, à chaque fois, une façon de réactiver notre curiosité. Au regard de cette vivacité formelle, les clivages et luttes de chapelles de la poésie française contemporaine paraissent bien rigolotes…

Pour tout qui s’intéresse à ce que le langage permet – ou empêche – plutôt qu’aux discours creux qu’on tient sur ce langage, La tête et les cornes est une joie nécessaire.

La tête et les cornes en est à son sixième numéro. Le numéro 6 (35 pages – six euros, une paille!) est disponible sur commande ou dans les excellentes librairies. La revue est pilotée par Marie de Quatrebarbes, Maël Guesdon, Yohanna My Nguyen et Benoît Berthelier.

*la chose n’est pas si courante qu’il n’y paraît.

** la chose est aussi courante qu’il y paraît.

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Prix ptyx 2018. https://www.librairie-ptyx.be/prix-ptyx-2018/ https://www.librairie-ptyx.be/prix-ptyx-2018/#respond Tue, 18 Dec 2018 07:58:25 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7988

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Comment encore attribuer un prix qui se veut anti-prix alors que Guyotat en a eu deux! Comment encore attribuer au prix ptyx la moindre once de sérieux alors qu’il se bornait à dénoncer l’hérésie du prix!  Si des jurés écrivant comme Neymar tient debout peuvent reconnaître du génie à un génie*, c’est bien que le prix remplit bien son office! Puisqu’on a enfin compris que l’œuvre [de Guyotat] contribue de façon importante à illustrer la qualité et la beauté de la langue française, c’est qu’on se trompait et que le prix, s’il dit des choses aussi jolies, ne peut qu’avoir raison! Le prix c’est bien! Le prix ptyx est donc mort!

Nous avions pourtant déjà élaboré une première liste (758 livres), puis une deuxième (758 – Qu’appelle-t-on panser? de Bèbère), et une troisième encore (3), qu’il ne ne nous restait plus alors, conformément à nos statuts, qu’à réduire à un texte, récipiendaire du prix ptyx 2018. Mais c’est raté! Le prix a eu raison du prix. Nous en resterons donc pour cette année à l’avant-dernière étape qui devait consacrer Marie de Quatrebarbes pour Gommage de tête et 58 lettres à Ulrike von Kleist**, Dolorès Prato pour Bas la place y’a personne, ou Adelheid Duvanel pour Anna & moi et Délai de grâce***.

* Et non, contrairement à ce que susurrent perfidement les mauvaises langues, le juré médiocre ne cherche ainsi nullement à vêtir son œuvrette des quelques parcelles de l’importance que son geste confère à une Oeuvre qu’il savait – parce qu’on le lui avait dit – déjà importante sans lui. Comme si gratifier pouvait gratifier avant tout celui qui gratifie ou l’adoubeur s’adouber… Mauvaises langues, va!

**Il se fait que nous avions écrit un truc sur notre blog concernant Gommage de tête de Marie de Quatrebarbes mais qu’une mauvaise manipulation nous le fit effacer (vu le titre, c’était joué d’avance…). Comme c’était très intelligent et que l’intelligence c’est beaucoup d’effort et qu’on avait un tantinet la flemme, on vous renvoie chez la responsable.

***Le local, rien de tel!

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Hit connection 2018! https://www.librairie-ptyx.be/hit-connection-2018/ https://www.librairie-ptyx.be/hit-connection-2018/#respond Tue, 11 Dec 2018 08:07:18 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7997

Lire la suite]]> Non seulement on cause de livres biens mais on en vend aussi. Et comme on vend plutôt bien d’abord les livres biens, on a tendance à penser que c’est peut-être bien parce qu’on en cause plutôt bien. On ne prétendra nullement qu’on est quelqu’un de bien, bien sûr – même si tout un chacun aura toujours plutôt tendance à s’accorder ce crédit-là. On affirmera par contre haut et fort que ce n’est pas parce que d’autres livres se vendent mieux ailleurs qu’ils sont meilleurs que nos livres biens à nous. Bref, tout va bien…

  1. Délai de grâce de Adelheid Duvanel (on frise les 250…)
  2. Anna & moi de Adelheid Duvanel
  3. Plantes vagabondes d’Emilie Vast
  4. I’m every woman de Liv Stromquist
  5. Essai sur le fou de champignons de Peter Handke
  6. Passer quoi qu’il en coûte de George Didi-Huberman & Niki Giannari
  7. Le Lasso & autres écrits de Jaime de Angulo
  8. Comprendre la photographie de John Berger
  9. 4321 de Paul Auster
  10. Seiobo est descendue sur terre Laszlo Krazsnahorkai
  11. Les Rigoles de Brecht Evens
  12. Bas la place y’a personne de Dolores Prato
  13. L’Enfant perdue de Elena Ferrante
  14. La joie d’apprendre de Élisée Reclus & Pierre Kropotkine
  15. La vie de Didier Fassin
  16. La petite ville de Éric Chauvier
  17. Drach de Szczepan Twardoch ex aequo avec (smiley qui se bidonne grave!) Sorcières de Mona Chollet
  18. Le fleuve sans rives de Juan José Saer
  19. Le Grand Cercle de Conrad Aiken
  20. Stratégie pour deux jambons de Raymond Cousse

 

*L’illustration de cette chronique est au choix oxymorique ou hors-sujet

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Happy 2018! https://www.librairie-ptyx.be/happy-2018/ https://www.librairie-ptyx.be/happy-2018/#respond Sat, 16 Dec 2017 12:51:00 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7335

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C’est peu dire que 2017 fut un grand cru! La qualité du débat public, la quantité d’amour déversée, le niveau d’empathie, la reconnaissance de l’intelligence comme valeur cardinale, le degré général de subtilité : le monde, c’est un fait, est devenu plus beau, plus vivable en 2017. Et, sachez-le, cette tendance devrait se confirmer l’année prochaine! Oui, 2017, c’était vraiment bien! Mais 2018 sera carrément top moumoutte!  En exclusivité nous avons désiré vous dévoiler quelques-uns des événements qui viendront faire de votre année 2018 une totale réussite :

Le secteur culturel continuera à contribuer à la mise en oeuvre courageuse d’un monde décroissant ; un homme exagérément bronzé, un seul, se noiera en méditerranée des suites d’une collision entre un jet-ski fuchsia et un yacht plaqué or ; Apple obtiendra le label Max Havelaar ; le clavier A,Z,E,R,T,Y deviendra le clavier A,Z,E,E.,R,T,Y ; comme le coût de la vie augmentera beaucoup, beaucoup de gens décideront d’économiser sur cet aspect-là ; l’hétérosexuel blanc avouera enfin que « tout ça c’est sa faute »; Bruno Latour sortira son premier livre de cuisine ; Bernard Stiegler avouera que « tout ça c’était une bonne grosse blague »; « islamo-gauchisme », « complot juif » et « intelligence artificielle » seront officiellement considérés comme des pléonasmes ; Put me a three, le snuffmovie mettant en scène Pierre Rabhi gangbangé par 3 colibris et sept licornes sortira enfin en français ; madame Legrand, Carolomacérienne nonagénaire et fière membre du FN depuis 72 ans apprendra (grâce à sa petit-fille informaticienne, Adolfine) que Jean-Marie, le Strasbourgeois blond sémillant rencontré via Meetic et dont elle était tombée éperdument amoureuse, s’appelle en fait Abdelkader, et qu’il ne vient pas, mais alors là pas du tout, de Strasbourg, c’est bête tout de même, mais c’est comme ça…

Mais aussi, et surtout, en 2018, il y aura Parce que l’Oiseau de Fabienne Raphoz, Revers de Dominique Quelen, L’Enfant perdue de Elena Ferrante, Les Œuvres Complètes de Ossip Mandelstam, Chronique des sentiments, tome 2 de Alexander Kluge, Splendide Hotel de Gilbert Sorrentino, et surtout surtout (attention, ce qui suit est à vocation publicitaire) :

 

 

Europa Minor de Miklos Szentkuthy. Quatrième tome de l’immense Oeuvre de l’Ogre hongrois, il est aussi, de l’avis de tous ceux qui l’ont lu, celui par lequel sa découverte est la moins abrupte. Il vous y plongera dans l’univers d’un évêque Robin des Bois et dans celui d’un empereur moghol, instigateur de la première tentative de syncrétisme monothéiste. Et vous rappellera que l’avenir de l’Europe est – depuis toujours – en Orient…

 

 

 

 

 

 

Délai de Grâce de Adeleheid Duvanel. Auteure de Suisse alémanique tombée dans l’oubli puis redécouverte depuis peu dans sa langue d’origine, elle était encore inédite en langue française. Nous sommes particulièrement heureux de vous la donner à découvrir. Elle conjugue la radicale inventivité de l’enfance ou de la déviance avec la rigueur formelle la plus pointilleuse. Elle ne ressemble à rien de connu. Elle est bouleversante. Elle est essentielle.

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Meilleures ventes 2017. https://www.librairie-ptyx.be/meilleures-ventes-2017/ https://www.librairie-ptyx.be/meilleures-ventes-2017/#respond Mon, 11 Dec 2017 07:04:40 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7305

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Chaque année l’accrochage de la guirlande et le fourrage de dindes riment avec top 20. Ainsi le libraire, en bon commerçant néo-libéral qu’il est, pense bilan, ventes et listes. Chez nous – qui proposons – grâce à vous – qui disposez -, ça donne ce qui suit :

 

  1. Jim Shepard, Le Maitre des miniatures, 2017, Vies Parallèles, trad. Hélène Papot. (on approche résolument des 300…)
  2. Joël Baqué, La mer c’est rien du tout, 2016, P.O.L.
  3. Tim Ingold, Faire, 2017, Dehors, trad. trad. Hervé Gosselin & Hicham-Stéphane Afeissa.
  4. Sergueï Essenine, La Ravine, 2017, Héros-Limite, trad. Jacques Imbert.
  5. Ron Silliman, You, 2016, Vies Parallèles, trad. Martin Richet.
  6. Mateo Alaluf, Daniel Zamora, Seth Ackerman, Jean-Marie Harribey, Contre l’allocation universelle, 2016, Lux
  7. Paul Valéry, L’homme et la coquille, 2017, Editions Marguerite Waknine.
  8. Joël Baqué, La Fonte des glaces, 2017, P.O.L.
  9. Didier Fassin, Le Monde à l’épreuve de l’asile, 2017, Société d’ethnologie.
  10. Eric Chauvier, La Petite ville, 2017, Amsterdam.
  11. David Antin, Parler aux frontières, 2017, Vies Parallèles, trad. Jean-François Caro & Camille Pageard.
  12. Elena Ferrante, Celle qui fuit et celle qui reste, 2017, Gallimard, trad. Elsa Damien.
  13. Pierre Senges & Sergio Aquindo, Cendres des hommes et des bulletins, 2017, Le Tripode.
  14. Tadeusz Konwicki, Chronique des événements amoureux, 2017, Wildproject, trad. Hélène Wlodarczyk.
  15. Gertrude Stein, Le Livre de lecture, 2016, Cambourakis, trad. Martin Richet.
  16. Edouardo Kohn, Comment pensent les forêts, 2017, Zones Sensibles, trad. Grégory Delaplace.
  17. Fabienne Raphoz, Blanche Baleine, 2017, Héros-Limite.
  18. Conrad Aiken, Le Grand Cercle, 2017, La Barque, trad. Joëlle Naïm.
  19. heimrad backer, transcription, 2017, Héros-Limite, trad. Eva Antonnikov.
  20. Regina Ullmann, La Route de campagne, 2017, Circé, trad. Sibylle Muller.

 

C’est pas qu’on fait que vous conseiller des trucs biscornus. On en vend aussi!

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Doucheflux! https://www.librairie-ptyx.be/doucheflux/ https://www.librairie-ptyx.be/doucheflux/#comments Mon, 27 Nov 2017 07:14:27 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7299

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Depuis les révélations des panama papers, il est devenu de bon ton d’être transparent quant à la destination des fonds d’entreprise. C’est forts de cette évolution sociétale – et aussi un peu anxieux de nous voir emportés par cette tourmente – que nous avons décidé de révéler au grand jour à quelles fins seront consacrées les sommes énormes que nous amasserons durant le mois de décembre. Et cela pour couper court à toutes les spéculations qu’aura pu engendré notre trop long silence. Voici donc le décompte précis :

99 % : rochefort 10, disques de musique contemporaine, salaire d’un auteur qui vend pas assez pour pouvoir survivre de sa plume (plume fraîchement cueillie chaque aube de l’aile droite d’une oie cynoïde), gouffre à pognon, sparadrap pour les lunettes, shampoing anti-pelliculaire, pâtes, pain de mie, riz, pommes de terre, anti-dépresseurs, chaussettes blanches…

1% : Doucheflux

Bref, venez (et si vous ne pouvez venir chez nous, sachez que vous pouvez aider Doucheflux autrement!)

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Passer, quoi qu’il en coûte. https://www.librairie-ptyx.be/passer-quoi-quil-en-coute/ https://www.librairie-ptyx.be/passer-quoi-quil-en-coute/#respond Thu, 12 Oct 2017 08:24:55 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=7201

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puisqu’un droit élémentaire, passer, leur est refusé, puisque le droit d’asile ne leur est pas convenablement accordé, que peuvent-ils faire, désormais, sinon, transgresser la loi?*

Nous vivons un moment ou l’autre n’est plus seulement interdit de rester, mais aussi de passer. L’autre (cet autre radical, de moins en moins « humain », dont les replis identitaires de plus en plus étriqués aujourd’hui à l’oeuvre viennent sans cesse grossir les rangs) qui fuit, qui quitte un endroit pour la seule raison qu’il n’y peut plus vivre, se retrouve criminalisé pour cela-même. Sa fuite, son « désir de passage », qui sont les seuls gestes qui lui permettent de rester en vie, deviennent, ici, ceux qui le condamnent. Ce n’est plus faire fuir qui est criminel. Ni ne plus accueillir. C’est passer qui est devenu criminel. Et comme passer est criminel, celui qui passe peut être humilié, pourchassé, enfermé, renvoyé à la mort.

L’autrui du témoin? C’est, d’abord, celui qui n’a pas eu le temps ou la possibilité de signifier son geste ou sa douleur : c’est le réfugié d’Idomeni quand il demeure muet, occupé aux tâches de l’immédiate subsistance. C’est, ensuite, celui qui n’a pas le temps ou le courage d’écouter cet acte ou cette souffrance : c’est le nanti de la grande ville quand il demeure indifférent, occupé aux tâches de sa vie confortable. Le témoin se tient donc « entre deux autruis », il est en tout cas un geste de messager, de passeur, un geste pour autrui et pour que passe quelque chose.*

Aux antipodes de la posture contestataire, du soulagement de conscience à peu de frais par tweet rageur, du révolutionnaire en pantoufles et bigoudis nourri au post facebook, de l’indigné convaincu que parce qu’il s’indigne devant des milliers d’autres convaincus, s’indigner suffit, à l’opposé de l’idéologue nourrissant son idéologie, et elle seule, de la détresse qui l’environne, il existe heureusement nombre d’initiatives qui, comme on dit, « redonne foi en l’humanité ». Des initiatives dont ceux qui les font vivre ont compris que la meilleure manière de s’opposer est d’abord de prendre soin des plus faibles, dont la faiblesse ne fait que prospérer sur le lit stérile de nos clivages. Des initiatives qui, plutôt que renchérir en circuit fermé sur l’hostilité, lui opposent un geste inverse, aussi ancestral qu’il parait oublié : l’hospitalité.

Si ça vous dit :

Groupe d’hébergement parc Maximilien : groupe facebook auquel s’organise l’hébergement et le transport de sans-papiers gravitant autour du Parc Maximilien à Bruxelles. Chaque soir ce sont entre 150 et 250 migrants qui trouvent asile chez l’habitant.

Emission de BX1 : émission faisant le point sur quelques initiatives citoyennes.

Doucheflux : lieu – à la recherche de bénévoles et de sous! – où il est possible à des gens dans la précarité de laver leur linge, prendre une douche, etc.

Perles d’accueil : blog qui rassemble les témoignages de personnes qui accueillent ou ont accueilli chez elles des migrants. Utiles à tous ceux qui auraient – et c’est bien normal – des craintes quant à adopter eux-mêmes cette démarche. On est très loin du migrant-prédateur. Et de l’hébergeur-bobo-islamo-gauchiste…

* citations et titre extraits de Passer, quoi qu’il en coûte, de Georges Didi-Huberman & Niki Giannari, 2017, Minuit.

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Prix ptyx 2016. https://www.librairie-ptyx.be/prix-ptyx-2016/ https://www.librairie-ptyx.be/prix-ptyx-2016/#respond Tue, 20 Dec 2016 08:59:09 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6471

Lire la suite]]> Parce que le prix, c’est ridicule, mais que le ridicule ne tue décidément pas (preuve en est, les jurés du dernier prix Rossel sont tous plus ou moins en vie à l’heure où nous écrivons ces quelques lignes),

Parce que le prix, c’est bien connu, est avant tout un moyen qu’utilise le juré pour se hausser sur le livre devenu piédestal, et que donc en choisir un bien épais nous rapproche un peu plus encore des cimes,

Parce que le prix ne sert jamais aussi bien à étouffer le prix sous l’abondance du prix que quand il est décerné à un livre éhontément long,

Parce qu’il n’est pas une fatalité que le prix soit aussi digne d’intérêt qu’un édito de Béatrice Delvaux et qu’il suffit de se défaire, dans son procédé d’attribution, de ces quelques menues habitudes : la démocratie, la convivialité, le souci d’un public,

Nous (le nous est ici purement rhétorique) avons décidé, au premier tour de scrutin d’une procédure qui en compte un, à l’unanimité des voix du seul membre dûment autorisé, en totale conformité de statuts qui restent à définir, ou pas, d’attribuer ce prix aussi utile que prestigieux à Chroniques des sentiments de Alexander Kluge.

Voici ce que nous en disions :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il n’y a rien de neuf mis à part les mutations.

Pourquoi lit-on? A quelque personne qu’on la pose, la réponse différera sans doute. Mais quelle qu’elle soit, elle fera apparaître forcément une parenté entre le pourquoi et le quoi. Autrement dit, chez tout lecteur, ce qu’il lit a toujours à voir avec les causes de sa lecture. Je veux me « divertir », je lis du Musso ; je m’intéresse à la façon dont le langage nous façonne, je lirai de la poésie ; je cherche à comprendre nos origines, je lirai « Trous noirs » de Susskind… Au delà des raisons ponctuelles (l’ « actualité », une recherche temporaire, un état mental passager) qui nous entraînent à ouvrir tel ou tel livre, les raisons profondes qui président à leur lecture paraissent y sommeiller. Les causes du geste étant comme contenues dans ce que la main saisit.

On réfléchit à quelque chose parce qu’on sait que d’autres y pensent, quelque chose réfléchit en nous.

Qu’est que cette Chronique de sentiments? Conglomérat de textes courts rassemblés en sous-ensembles (Description de bataille, Affirmation ensauvagée de soi, etc…), lardés d’images et de notes parfois sans lien évident avec leurs lieux d’apparition dans le livre, son apparence même laisse perplexe. Perplexité que ne lèveront nullement les premiers regards y jetés. Entre fiction et essai, formé de phrase souvent courtes et factuelles, chaque fragment de cette somme parait de prime abord constituer un élément d’un immense coq-à-l’âne. A tel point qu’est questionnée la possibilité de chacune de ses parties de signifier.

Ainsi le poète est-il constitué d’une abondance de duvets sensibles (comme ceux de la crinière de Méduse) ou bien il possède des tentacules, c’est-à-dire que son cerveau latéralise et peut, de son oreille avide d’actions, se figurer le Bien et le Mal pour décrire ce qui n’existe nulle part au monde. en regard de toute forme simple, cet ETRE PLURIEL présente un réel avantage évolutionnaire.

Les pleurs d’un général; une grippe qui bloque les voies cérébrales du Fürher, ce qui décide de l’issue d’une bataille; le rôle qu’eurent à jouer des hémorroïdes dans la déroute des armées allemandes; ce qui pousse une colonne de sapeurs-pompiers en fuite devant l’ennemi à faire demi-tour pour éteindre les incendies d’une ville en pleins combats; ce qui se dissimule sous l’acte dit volontaire; les impératifs génétiques, historiques, sociaux qui président à l’acte moral; l’histoire des morts de la prochaine guerre… Peu à peu, par l’entremêlement même des divers sujets et leurs approches, se dévoile une oeuvre-monde…

Puisant dans l’histoire, la géologie, la technique, la philosophie, la musique, la littérature, etc… et dans une imagination que rien ne vient limiter, Alexander Kluge nous plonge dans le gouffre de nos contradictions, de nos doutes, de nos beautés. Parfois se limitant à exposer un document, d’autres fois les creusant jusqu’à en épuiser tout le suc, se jouant du sens et des moyens classiques d’y aborder, il brouille les pistes et, les brouillant, en rend d’autres possibles, par leur brouillage même.

Alors que beaucoup d’œuvres éclairent des aspects du réel, prétendent l’expliquer, lui apporter un sens, l’oeuvre de Kluge lui crée un nouvel accès. En complexifiant le réel – Ah, ces beaux esprits qui nous présentent l’art comme ce qui « simplifie » le monde -, l’auteur lui offre des possibilités d’advenir autrement.

Pour revenir à notre question de départ : face à Chronique des sentiments, il n’y a pas de pourquoi qui tienne. Les raisons de sa lecture ne lui préexistent pas. Cette oeuvre est tellement autre qu’elle échappe à tout désir préalable d’elle. Et c’est en cela aussi – en sus de son époustouflante beauté – qu’on reconnait qu’elle est indispensable.

Jamais mes aïeux de la région sud du Harz n’auraient osé imaginer avec quels gènes étrangers les leurs cohabitent aujourd’hui chez leurs descendants, de même que nous, gens du présent, ne saurions dire (ni aucunement influencer) la manière dont les heureux événements (ou les malheureux) se répartiront dans l’avenir parmi nos enfants.

La 6 ème armée n’a jamais été une machine, l’instrument que les états-majors croyaient conduire. C’est bien plutôt de la force de travail, des espoirs, de la confiance, la volonté incontournable de demeurer proche des réalités – mélangée aux défauts de huit cents ans d’histoire antérieure – et, avant tout, l’obstination à demeurer en société qui conduisent ces 300.000 hommes à faire mouvement vers les steppes de la Russie du Sud, dans une contrée du monde, sur les rives d’un fleuve, où aucun d’entre eux n’avaient quoi que ce soit à y faire. C’est là l’édification organisationnelle d’un malheur.

Il est en nous QUELQUE CHOSE qui veut jouer.

Mes grand-parents étaient de simples paysans. Si l’on remonte à la naissance du Christ, cela fait 64 billions d’ancêtres. Chacun de ces ancêtres est le parent d’un arboricole, dont descendent tous les ancêtres et dont les sentiments tels que s’endormir, avoir bon goût, mordre, oh là là, et ainsi de suite, voient à leur tour leurs ASCENDANCES RESPECTIVES remonter à un seul couple de sentiments : chaud/froid.

Votre deuil, ce pourrait être de devoir dire adieu au dernier lien que nous aurions pu avoir avec un état de l’humanité qui date de douze mille ans. Peut-être y a-til chez ces premiers habitants des légendes qui remontent à dix-huit mille ans, si bien que nous, les gens d’aujourd’hui, nous comprenons quelque chose en nous, qui ne trouve en nous plus aucun langage.

Alexander Kluge, Chronique des sentiments. Livre I. Histoires de base, 2016, P.O.L., Edition dirigée par Vincent Pauval, trad. Anne Gaudu, Kza Han, Herbert Holl, Hilda Inderwildi, Jean-Pierre Morel, Alexander Neumann, Vincent Pauval.

Les bruits ci-dessus ont été enregistrés lors d’une matinale ensoleillée sur Radio Campus par le Maître des lieux, l’irremplaçable Alain Cabaux.

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« Francis Bacon : catalogue raisonné ». https://www.librairie-ptyx.be/francis-bacon-catalogue-raisonne/ https://www.librairie-ptyx.be/francis-bacon-catalogue-raisonne/#respond Tue, 27 Sep 2016 06:29:05 +0000 http://www.librairie-ptyx.be/?p=6219

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Bacon-Catalog

 

Qu’est ce qui est cher? Quand, à partir de quels chiffres, peut-on considérer qu’un objet vaudrait moins que la somme qu’on vous invite à payer pour l’acquérir? Affaire de subjectivité, conjoncturelle, voire éthique pour d’aucuns, la cherté est souvent renvoyée uniquement à la question de l’adéquation entre l’objet et qui le paie, sans plus s’attacher à la réalité des moyens de sa production. En tout cas au-delà d’un certain prix – dont on dira alors qu’il flirte avec l’indécence -, le coût d’un objet ne sera plus envisagé que du côté du sujet. Il est parfois des occasions, dans le milieu éditorial, de vérifier que n’est pas nécessairement cher ce qui vous déleste de plein d’euros.

La peinture de Francis Bacon est typiquement de celle qui propose des défis énormes à qui tente de la proposer dans un livre. Ses effets de transparences, de dilutions, de mouvements, de concaténations, la taille des œuvres, leur texture, leur variations de relief aussi subtiles qu’essentielles, les fonds faussement unis, en rendent toute représentation particulièrement périlleuse. A défaut d’un juste traitement, les œuvres paraîtront ternes, faites d’aplats monotones, sans texture. Au mieux n’en subsistera alors, dépouillée de son extraordinaire mise en oeuvre technique que la vigueur d’un concept. Le premier mérite de ce catalogue raisonné est sans aucun doute là : avoir saisi précisément la difficulté de représenter l’oeuvre de Bacon et s’être donné les moyens d’y pallier, en s’adjoignant les services d’Olivier Dengis, seul photograveur à même de rendre grâce, avec l’aide de l’imprimeur Castelli Bolis, à l’exceptionnelle inventivité du peintre anglais. Superbement proposé sur un papier GardaMatt Ultra, le catalogue se devait de n’être pas qu’une superbe vitrine, encore lui fallait-il la meilleure expertise possible. C’est ici Martin Harrison, le meilleur connaisseur et spécialiste de Francis Bacon, qui s’y colle pour l’édition et le texte. En sus d’une brillante et scientifique introduction, chacune des œuvres représentées est brièvement mais utilement commentée. Aussi complet que possible (y figure même des peintures détruites par Bacon), le catalogue strictement chronologique s’achève sur une magnifique et inédite suite d’esquisses. L’ensemble, somptueusement toilé, compte cinq volumes sous coffret dans lequel chacun reçoit son écrin, 800 illustrations pour 584 œuvres, 1538 pages. Il pèse plus de vingt kilos. Et coûte 1400,00 €.

Et non, il n’est vraiment, mais vraiment pas cher.

Francis Bacon : catalogue raisonné, ed. Martin Harrison, 2016.

Les sons ci-dessous ont été enregistrés lors de l’émission Les Glaneurs sur Musique 3, un programme proposé par Fabrice Kada et réalisé par Katia Madaule. Nous étions ici accompagné par les excellents Septembre Tiberghien et Edgar Szoc.

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Lire la suite]]> Steenrock 2016Imaginez que vous n’ayez rien fait qui mérite d’être puni!

Imaginez que vous n’ayez rien fait qui mérite d’être puni, que tout le monde soit bien d’accord avec vous, mais qu’on vous enferme quand même – en vous répétant que ce n’est pas une punition – et qu’on vous dise que c’est normal! Que c’est comme ça!

Eh bien c’est exactement cette situation que vivra quelqu’un se retrouvant dans un centre fermé en Belgique (ou ailleurs). Reconnaissant leur situation particulière car rappelant qu’il ne s’agit nullement d’une mesure punitive, un état parvient à légitimer l’enfermement d’un être humain. Mesure transitoire, conservatoire, l’incarcération de l’étranger qui n’est pas – ou plus – en ordre administrativement relève, dans la bouche de ceux qui se retranchent derrière son évidence, du simple bon sens pratique. Et ce simple « bon sens » d’occulter alors tout le reste : la proportionnalité d’une réponse à apporter à un problème supposé, les raisons qui poussent quelqu’un à fuir tout – famille, amis, traditions, langue, climat – pour aller vers l’inconnu, le désastre psychologique que peut susciter une privation de liberté pour qui n’a commis aucun crime, l’inefficacité d’une telle mesure dans un monde sans cesse plus globalisé, l’injustice manifeste de lois qui ne s’appliquent que dans le sens sud-nord et jamais pour des devises ou des marchandises… Peu importe! C’est juste pragmatique!

L’assassin va en prison, le violeur va en prison, le terroriste aussi, le fraudeur en col blanc multi-récidiviste qui a vraiment pas – mais alors là vraiment pas – de pot va en prison, le politicien véreux pour autant qu’il fasse bien entendu également partie des catégories précitées vole en taule itou… Y envoyer un étranger sans autre raison formelle qu’un titre de séjour invalide revient à décréter qu’aller ailleurs – pour autant que cet ailleurs soit « chez nous » – est un crime qui mérite d’être puni. Juste aller ailleurs.

Imaginez maintenant un monde où aller ailleurs est un crime!

Dites vous alors qu’y vivre ne vous empêche nullement d’œuvrer pour le changer!

 

Ce samedi 07 mai aura lieu le Steenrock 2016, festival qui se propose de faire de la musique en lieu et place de centres fermés. Pour se renseigner c’est . Pour donner (le Steenrock coûte, certes, mais bien moins cher que la politique dont il dénonce la honte) c’est ici. C’est important…

 

 

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