Poésie belge / Épisode 2

Nous l’avouons, nous avons parfois, ici ou sur les réseaux sociaux, été durs avec la poésie belge contemporaine et la promotion qui en est faite publiquement. Sans doute aveuglés par un désir d’exigence qui a viré au dogmatisme, nous n’avons pas pris la mesure de son extraordinaire diversité et nous sommes laissés aller trop souvent au sarcasme. Alertés par quelques lecteurs attentifs (que nous remercions ici), nous sommes allés y voir de plus près et avons découvert, à travers le lien qu’elle entretient avec l’image, une poésie « bien de chez nous » dont la vitalité débordante renouvelle autant notre rapport au langage que la mise en scène de celui-ci. Osons le dire, ce sont de nouveaux pans de l’Être qui nous sont apparus! Nous vous proposerons de temps en temps, en cliquant sur une image, de découvrir des aspects inattendus de l’avant-garde belge. Fort de l’audience (que nous remercions ici) de ce blog outre-Quiévrain, nous espérons ainsi œuvrer au rayonnement de cette poésie nationale qui nous tient tant à cœur…

Épisode 2 : C’est peu dire que le reportage ci-dessous se suffit à lui-même et que sa raison d’être ne peut être pleinement appréciée qu’indépendamment d’un discours tenu sur lui. Mais, voilà, il est pour partie en néerlandais. Et comme une partie non négligeable de l’audience de ce blog est domiciliée dans la patrie de Gustave Flaubert et d’Alexandre Jardin, et que celle-ci n’entend pas grand-chose au flamouche, il nous a paru indispensable, pour la bonne compréhension de l’ensemble, d’en traduire en français le scénario. Notre rôle est bien ici de faire mieux connaitre à l’étranger l’extraordinaire vitalité de l’avant-garde poétique belge. La juste saisie de ce qui repousse les frontières du subtil requiert parfois une certaine pédagogie.

Le reportage a pour fonction d’informer le public transi d’impatience et tapi dans ses chaumières du nom du poète qui endossera l’an prochain le rôle devenu central dans la société belge de « poète national ». La fonction biannuelle est assumée à tour de rôle par un francophone et un flamouche. La poétesse à qui a été confiée l’importante mission de présenter le passage du témoin poétique s’appelle Maud Vanhauwaert. Elle se rend en voiture chez le poète national en exercice. Il s’appelle Carl Norac. La voiture de la poétesse est estampillée d’un logo « pöezie » – « poésie » en flamouche – qui reprend les codes du logo de la police nationale belge, parce que la poésie, en Belgique comme partout dans le monde, est un acte de résistance aux méchants pouvoirs fascistes – flamouches ou pas flamouches. Après avoir appris que la poésie c’est utile, que le poète national en exercice avait envie de légèreté et d’écrire dans un train, et qu’il avait écrit un poème pour le prochain poète national sur une feuille avec des semences de fleurs dedans, ils partent tous deux chez le futur poète national. Tout ça se passe très majoritairement en français, parce que le poète national en exercice, même s’il habite chez les flamouches, est pas trop à l’aise avec le flamouche. Mais c’est normal, sa muse est pas flamouche. Ils s’arrêtent devant une maison. La maison est une vraie maison flamouche, avec des grosses grilles et des thuyas super bien taillés. Ils font monter le suspense comme pas possible. Et puis, paf, la grille s’ouvre, les poètes avancent et on apprend que le poète national 2022-2023 sera Mustafa Kör. Joie dans les chaumières du plat pays. Ensuite, on parle flamouche. On filme des fleurs. On rappelle que quand on lit de la littérature, on est autrement que quand on ne lit pas de littérature. Et puis on va dans le jardin. On constate que les thuyas sont décidément taillés au cordeau. La muse francophone du poète national en exercice réapparaît. On lit quelques vers époustouflants en français, avec un accent bien de chez nous. On est subjugué par leur beauté. Re-joie dans les chaumières. Ensuite, d’un geste dont la pureté n’a d’égale que l’originalité, le poète national flamouche plie le poème rédigé sur le papier avec des semences dedans par le poète à la muse qui parle pas flamouche. Et celui-ci, d’un geste dont la pureté n’a d’égale que l’originalité, fait un petit trou dans le jardin avec une petite pelle bleue et enterre le papier avec le poème dessus et les semences dedans. Et puis, tout à la fin, après avoir cité un poème de Paul Celan, qui jamais ô grand jamais n’aurait imaginé un jour voir son nom associé à un rituel poétique de cette inventivité radicale, tout à la fin donc, la poétesse officiante nous informe, ce que nous n’aurions jamais deviné sinon, que les poèmes du poète national en exercice fleuriront l’année prochaine quand le poète national flamouche aura pris sa fonction. Elle dit que ce sont les vers qui fleuriront. Alors que, techniquement parlant, on le comprends bien, ce ne sont pas les vers, qui sont sur le papier, mais bien les semences, qui sont dans le papier, qui fleuriront. C’est une métaphore typique de l’avant-garde belge. C’est beau comme une haie de thuyas bien taillée. Et la joie de déborder des chaumières.

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