L’aboutissement du capitalisme III : la couper à Amazon

 

Peu le savent en dehors du paysage éditorial mais, quand on est éditeur, éviter le grand méchant Amazon* n’est pas aussi évident qu’on croit. En effet, si vous ne disposez pas d’un diffuseur/distributeur qui s’occupe pour vous de placer vos livres dans les librairies, en vous refusant à Amazon vous vous coupez d’un potentiel de vente devenu d’autant plus important que vous aurez moins facilement accès au circuit traditionnel des librairies. Et quand vous disposez des services d’un diffuseur/distributeur, les clauses du contrat qui vous lient à lui vous empêchent de facto de refuser à ce que vos livres soient vendus via Amazon. Car refuser de vendre ou de faire vendre vos livres à un libraire et un seul (hé oui, Amazon est bien juridiquement un libraire) est assimilé à un refus de vente. Et le refus de vente c’est interdit. Coincé entre le marteau commercial de l’auto-distribution et l’enclume juridique des dispositions légales de la distribution par un tiers, l’éditeur parait alors bien souvent aussi démuni financièrement qu’éthiquement.

Et pourtant…

Et pourtant, parfois, il est possible de retourner contre lui les exigences de celui qui vous domine de la tête et des épaules.

Il se trouve en effet qu’Amazon exige, entre autres choses, (l’avantage de la position dominante est de ne plus devoir reconnaître dans le client sa fonction de client, de partenaire celle de partenaire, de fournisseur de fournisseur, etc. le dominant peut juste se contenter d’exiger…) que chacun des livres qui lui parvient soit clairement identifiable par un code-barre dûment fonctionnel et directement visible. Pas de code-barre ou code-barre illisible ou code-barre à l’intérieur du livre, et votre livre ne sera pas vendu via Amazon**! Point! Libre alors au distributeur, en cas de commande reçue d’Amazon, d’étiqueter le livre lui-même avant de l’envoyer au « libraire » en ligne. Souvent, cette mesure est appliqué par défaut par le distributeur, sans remise d’ordre au cas par cas par l’éditeur, les coûts incombant cependant à ce dernier. Bref, pour qu’un des livres de son catalogue ne soit pas vendu via Amazon, il suffit à l’éditeur de rater lamentablement son code-barre, de le mettre à l’intérieur du livre ou de, tout simplement, l’omettre, et de donner ordre à son distributeur de ne pas l’étiqueter lui-même. Cqfd***. Ayant appris la chose il y a peu, nous avons décidé (nous c’est-à-dire Vies Parallèles. Attention : pub), à partir de la parution de La Mort par les plantes ****(attention : teasing) de foirer systématiquement le code-barre de chacun de nos livres, de le dissimuler à l’intérieur ou de ne pas en mettre et de faire savoir à notre bien-aimé distributeur (Belles Lettres Diffusion Distribution) de ne pas répondre favorablement à la demande d’étiquetage éventuellement reçue du « libraire en ligne ». Bref, en un mot comme en cent, les livres de Vies Parallèles parus après novembre 2018 ne seront plus disponibles sur Amazon. Voilà!***** & *******

* On ne va pas rappeler ici pourquoi Amazon c’est mal. À moins d’être aveugle, sourd, décérébré et mort depuis 1980, chacun est au courant d’au moins treize raisons qui peuvent venir appuyer ce constat sans appel.

** Ce qui ne veut pas dire qu’il ne se retrouvera pas sur son site, bien entendu. L’objectif étant d’agréger à soi le maximum, tout, absolument tout, doit être mis sur la vitrine Amazon. À défaut alors du livre que vous cherchiez, c’est votre acte de recherche qui sera monétisé.

*** Cela ne résout bien entendu pas tout. Certains « libraires », s’adonnant aux joies du marketplacing sur Amazon pourront, eux, continuer à recevoir nos livres et à les placer sur le grand foutoir informatique. Mais cela complique quand même singulièrement les choses…

**** Franchement, il nous en aurait coûté de publier un livre se proposant de façon très pratique de renverser les mécanismes de pouvoir à l’oeuvre et de « devoir » vendre celui-ci sur le site honni d’un groupe qui travaille à sa perpétuation.

****** Libraire chéri, ceci équivaut à une déclaration d’amour en bonne et due forme.

******* N’étant nullement un « éditeur de gauche », il ne nous viendrait nullement à l’idée que nous puissions par notre démarche faire germer dans l’esprit des « éditeurs de gauche » l’idée de faire pareil. Car le catalogue de « l’éditeur de gauche », pour la seule raison suffisante qu’il est « éditeur de gauche », n’est bien entendu pas, ou plus, sur le site de l’ogre néo-libéral-fasciste. Hein?

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