Quasi comme avant.

Ces deux derniers mois, nous vîmes germer, au sein du monde du livre, nombre d’initiatives qui visaient à « répondre à la crise en cours et à venir ». Nous fûmes approchés à de nombreuses reprises, comme libraire et/ou éditeur, formellement ou non, pour nous joindre à une « réflexion », pour signer une « tribune », ou plus simplement, pour « donner notre avis » sur cette crise et sur les moyens que nous comptions mettre en œuvre pour pallier ses conséquences. Nous n’avons pas répondu à beaucoup de ces sollicitations (qu’à deux reprises en fait). D’une part parce que certaines ne nous semblaient pas présenter grand intérêt. D’autre part, parce que nous n’avions pas nécessairement d’avis sur certaines de ces questions. Et enfin, et surtout, parce qu’en tant que père de trois enfants, nous avions bien d’autres priorités que de converser sur l’avenir du livre. Nous avons cependant jugé utile de lister ci-dessous certaines des mesures que nous appliquons déjà depuis longtemps et qui nous paraissent présenter certaine particularité d’avec le mode de fonctionnement général du secteur de la librairie et/ou de l’édition. Nous n’avons d’autre prétention ici que de répondre aux nombreuses questions qui nous ont été posées. Loin de nous l’idée de nous poser en exemple prétendument vertueux. Ces mesures pratiques et ces principes de fonctionnement sont le reflet de choix qui nous sont particuliers, qui nous conviennent personnellement et dont nous savons pertinemment qu’ils ne pourraient convenir indifféremment en d’autres lieux. Ils sont les gages de notre indépendance et les instruments d’une cohérence intellectuelle, éthique et politique qui nous est propre et dont nous savons pertinemment qu’il existe d’autres modèles.

1.Nous n’acceptons aucun office.

2.Tous les livres que nous choisissons avec les représentants ou sur bons de commande le sont en un exemplaire.

3.Aucun livre n’est placé sur nos tables s’il n’a pas été jugé. Cela ne veut pas dire nécessairement que chaque livre est lu in extenso, mais que nous ne le proposons à la vente que quand nous avons pu juger avec certitude de sa qualité. Ce n’est qu’après que nous en commandons éventuellement d’autres exemplaires. Les livres qui n’ont pas passé l’écueil de ce regard critique sont placés en attente de retour.

4.Sauf s’ils sont abimés, nous ne retournons jamais aucun exemplaire des livres que nous défendons.

5.Nous effectuons très peu de retours. Notre taux de retour en 2019 s’élevait à 7.47 % (alors que le taux moyen est d’à peu près 25 %).

6.Nous refusons toute action promotionnelle.

7.Nous ne demandons qu’exceptionnellement des services de presse.

8.Tous les livres que nous recevons en sp (malgré nos nombreuses demandes d’interrompre le flux, quelques grosses machines continuent à nous abreuver), ainsi que ceux dont, pour diverses raisons, les distributeurs refusent le retour, sont donnés à Amnesty International.

9.Nous ne faisons partie d’aucun syndicat, groupement, mouvement auquel nous déléguerions le soin de nous représenter.

10.Nous ne demandons ni ne recevons aucune aide publique.

11.Nous refusons de participer à des appels d’offre public dont le critère de sélection est le prix.

12.Nous avons à ce jour un fonds de 14.000 références. Nous tenons ce fonds à jour et à l’œil scrupuleusement. Un élément clé de la répartition de ce fonds : 21.20 % d’essais, 9.80 % de poésie. Un élément clé de la répartition de notre chiffre d’affaire : 23 % d’essais, 8.65 % de poésie (en 2019).

13.En temps qu’éditeur, nous refusons que nos livres soient vendus sur Amazon, nous imprimons en Belgique, nous refusons toute aide structurelle publique, nous payons à date et heure les droits d’auteurs, les traducteurs, les graphistes, les imprimeurs, et cela à des tarifs se situant dans la portion haute des grilles tarifaires autorisées. La maison d’édition est constituée en asbl et aucune rémunération n’est versée.

14.Via la librairie, nous ne nous versons qu’un salaire minimum. Une partie du bénéfice vient financer notre maison d’édition (soit près de 160.000 € sur les cinq dernières années, c’est dingue que ça coute cher, ce hobby…). Le reste est donné à des asbl à finalités sociales.

Suite à cette crise, nous avons décidé de changer deux choses :

1.Nous proposerons « en pile », dispersés parmi les nouveautés, des livres du fonds, vieux, anciens, voire antédiluviens, que nous croyons important de faire découvrir ou redécouvrir. Nous le faisions déjà de temps en temps, mais nous allons dorénavant étendre et systématiser cette pratique.

2.Dans le même esprit, nous n’indiquerons plus sur notre blog les dates de sortie des livres que nous y chroniquons.

Bref, c’est quasi comme avant…

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1 Commentaire

  1. Le point 12 est admirable.

    Beaucoup de points me font penser à la lutte de certains médecins (en France) contre les visiteurs médicaux.

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