on t’a si toujours vu
qu’on oublie de tenir à toi arbre écarté
par le temps
Voir autrement ce qui nous entoure peut servir à nous regarder plus profondément. Et à changer alors le regard que l’on porte en retour sur ce qui nous entourait. Aurélie Foglia monte dans les arbres, s’y introduit, s’y balance au gré des vents, plonge au cœur de ses racines. On y (re?)découvre à sa suite ce qui s’y niche, la voix que les branches donnent au vent ou la fraîcheur qu’elle distillent en « brumatisant le divin ».
l’ar
bre est bref
La poésie qui prend pour théâtre la nature a une longue et riche histoire. Dont, malheureusement, certains de ses développement l’on fait verser dans le cliché par excellence. Utiliser en poésie l’oiseau, la fleur, la branche, la vague, bref tout ce qui peut entretenir un lien étroit avec ce qu’on appelle la « nature » est dès lors devenu un exercice périlleux. Cela alors même que, paradoxalement, il n’a peut-être jamais été plus urgent de réinvestir le « naturel » sous toutes ses formes et via tous les canaux d’expression. Aurélie Foglia réussit cette gageure avec un rare brio. Elle revient à ce « Grand-Monde », cet arbre qu’on a oublié de regarder vraiment, avec ce sentiment d’urgence légitime qu’il y a à revenir à l’essentiel tout en cherchant à l’aborder par des moyens nouveaux. Les lacunes introduites dans le texte, les blancs (je reviens à un arbre entrecoupé de blancs), les coups de ciseaux donnés à même les mots, tout cela qui ouvre des espaces ludiques et/ou polysémiques n’est pas que la marque d’un changement de regard qui serait porté sur une chose – ici un arbre – et dont dépendrait toute poésie. Il y a dans ce Grand-Monde toute la différence entre une poésie sur et une poésie de. L’arbre, ici, n’est pas le sujet du poème. Tout comme le papier sur lequel on le lit, il en forme la matière.
l’ombre
ab
errante
qui
barre
l’allée
là
bas
Aurélie Foglia, Grand-Monde, 2018, José Corti.