« Marco Pantani a débranché la prise » de Jacques Josse.

MARCO PANTANILes mains en bas de son guidon rouge, il disparaît loin devant. Frôle tour à tour la paroi rocheuse et le ravin qui tombe en contrebas. Le pourcentage moyen avoisine les 9 %. La sueur roule sur son visage tendu et impassible. Il s’offre une trouée à travers la foule et franchit le sommet avec une minute d’avance. Puis il entreprend une descente acrobatique. Il tient sa trajectoire, se penche harmonieusement à droite ou à gauche à l’entrée de chaque courbe. Il parcourt les douze kilomètres qui le séparent de Morzine en grignotant une poignée de secondes supplémentaires. Il descend aussi bien qu’il grimpe et lève à nouveau les bras, sans exubérance, ce n’est pas son genre, mais poings fermés et regard lumineux. Il remporte sa deuxième étape. Et s’empare de la troisième place au classement général.

En 98 fragments de vie cycliste, denses, sobres, dépouillés, Jacques Josse permet à qui connaissait Marco Pantani de l’approcher mieux et à qui n’en avait pas même entendu le nom de s’intéresser à lui. Considéré par beaucoup d’amateurs de vélo comme l’exemple même du pur grimpeur, du « dur au mal », Marco Pantani connut une carrière brève mais intense, entamée par de nombreuses et graves chutes, et brisée par le dopage.

L’écriture apparemment strictement factuelle de Jacques Josse, en « il » posés comme aunes de l’objectivité, mais entrelacés de courtes « impressions », réussit le pari de conjoindre en un même sein des contraires qu’on pensait irréductibles. C’est par sa mise à distance originelle que sa plume – en de subtils, presque indiscernables retours – parvient à nous attacher mieux et plus près à son sujet. Image parfaite du « dur à cuire », Marco Pantani succomba à une sensibilité à fleur de peau. Déclencheur de rêve comme peu d’autres sportifs, il fut celui qu’on accabla comme peu d’autres des faits les plus crus, les plus terre-à-terre. Et l’écriture de Jacques Josse, qui ne s’attache qu’à l’existence cycliste du Pirate – en eût-il une autre? -, permet subtilement d’exprimer ces grands écarts. Qui nous émeuvent d’autant plus qu’ils existent finalement en chacun…

Jacques Josse, Marco Pantani a débranché la prise, 2015, La Contre Allée.

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