La librairie de demain : entre Lidl et Meetic.

LIDLA la veille de la grande kermesse au boudin annuelle belge, dénommée Foire du Livre, les quotidiens nationaux s’intéressent, comme chaque année, aux librairies.  C’est ainsi que Le Soir s’est posé la question « A quoi ressemblera la librairie de demain? ».  Diantre, vaste question!  Et pour y répondre, ils ont été la poser, la question, au président directeur général de la plus grande librairie de plain pied du monde entier, au président directeur général du syndicat des librairies francophones de Belgique, au président directeur général d’Actissia-qui-vend-tous-ses-livres-plus-chers-sous-prétexte-qu’y-a-la-tabelle, et à votre humble serviteur.  Et ça donne ça :

brolEn un mot, ça va.  La librairie se porte bien.  Merci.  Mais de quelle librairie parle-t-on?  Et, sans même parler d’un style de librairie, parle-t-on bien de librairie?  Prenons la réponse du chief-operator du magasin de concept : la librairie ne peut se porter bien que parce qu’elle vend du gadget et des marque-pages…  Posez la question à un boucher, vous obtiendriez : la boucherie de l’avenir ne peut se porter bien qu’en vendant des bagnoles.  Oh avenir doré!  Douleur de n’être pas né plus tard!  Enfin pouvoir acheter son haché entre les clefs à molette et l’arbre magique!  Pour l’abhorrateur d’escalier, la librairie de l’avenir est à la librairie d’aujourd’hui ce qu’un funérarium est à une crèche.  Ou mieux encore.  Un funérarium-crèche-garage-vendeur de raclette.  Un souk, un supermarché.  Et pour les autres, la libraire de l’avenir est lieu de rencontres, de réunions autour de passions communes.  Un lieu de convivialité qui permettra en plus de télécharger sur sa tablette-tv-téléphone-appareil-photo-machine-à-laver des e-books.  Bref, une forme d’Apple Store cloné avec Meetic.  Oh avenir doré!  Douleur de n’être pas né plus tard!  Enfin pouvoir emballer la fille de rêve en faisant glisser sensuellement son doigt sur un écran!  Pour résumer, vendre que des livres, ça rapporte pas un balle, ça fait de toi juste un ringard grincheux, un peu con, qui a peur d’innover.  Et innover justement.  Ben innover, c’est de faire une librairie qui vende quelque chose d’autre que du livre.  Ou du livre, mais pas trop.  Donc, la librairie de l’avenir, qui marchera du tonnerre et explosera les ventes, cette librairie sera donc tout, mais surtout pas une librairie.

Entre Lidl et Meetic, entre le magasin de concept et l’organisateur d’événement, entre le vendeur de trucs et le futur auto-proclamé-féroce-bouffeur-d’Amazon, si tous parlent de la vente du livre, aucun ne réserve de place au livre.  On y parle de livre comme d’une marchandise qu’il s’agit de vendre, point barre.  Quel livre?  Mais peu importe.  Ce ne sont pas des livres que l’on vend, mon bon môssieur, mais DU livre.  Du bouquin.  Du papier.  Et si l’on doit penser (penser, mon dieu, quel effort déjà) à l’avenir de la vente de celui-ci, à quoi bon penser (deux fois, c’est trop, on est crevé) à ce qu’il est avant de le vendre?

Résoudre les problèmes inhérents (et il y en a) au commerce culturel ne peut passer (à notre humble avis, on est pas PDG) que par la saisie certes d’enjeux connexes au « produit » vendu (le comment de la vente) mais d’abord par une remise en question du produit lui-même (le quoi de la vente).  A lire cet article, on ne perçoit du livre que les moyens qui sont mis en œuvre pour le fourguer.  Au poids.  A l’unité.  En gros.  En fichier.  Avec du merlan ou un chargeur GSM.  Tout seul ou en groupe.  Et on se dit alors, rasséréné, que s’il est bien question d’avenir dans ce torche-cul (oups), ce n’est pas de celui de la librairie.

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