« L’invisible » de Clément Rosset.

Il y est question de ces choses (bien plus nombreuses que l’on croit) que l’on voit alors qu’elles sont invisibles, que l’on entend alors qu’elles sont inaudibles.  Il est donc beaucoup question d’illusions mais encore plus de cet exploit qui consiste à ne penser à rien. Et surtout de faire de ce rien quelque chose.

Et de cela, Roussel ou Mallarmé, s’en sont révélés les Maîtres;

les objets qui « peuplent » – si l’on peut dire – l’univers mallarméen, mais qui ne peuvent peupler aucun univers réel, sont nécessairement d’une fragilité ou plutôt d’une porosité, qui les confine à la frontière du visible et de l’invisible, de l’existant et de l’inexistant, du concevable et et de l’inconcevable.  Le modèle le plus achevé en est sans doute le célèbre « ptyx » dont il est question dans le sonnet qui commence par Ses purs ongles très hauts dédiant leur onyx […].  Non seulement ce ptyx ne possède, comme tous les objets « purement » mallarméen, d’autre consistance que celle d’un aboli bibelot d’inanité sonore, mais en plus il a la particularité de n’avoir pas de nom, sinon celui que lui invente Mallarmé qui a besoin d’une rime en « ix » ou « yx » pour compléter son poème : il est donc deux fois fictif et irréel au second degré ; il l’est même trois fois, puisque par comble il est absent du « salon vide » où il siège d’habitude.  C’est donc en toute justice que Mallarmé peut déclarer à son sujet qu’il constitue ce seul objet dont le Néant s’honore.

« Modèle le plus achevé », « célèbre », vous conviendrez qu’il nous fut difficile de ne pas clairement « égocentrer » pour la première fois une chronique!

Clément rosset, L’invisible, 2012, Minuit.

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