« Dramata » de Hrotsvita.

Le général Gallicanus, païen, reçoit la main de Constantia, la fille de l’empereur Constantin, avant d’aller combattre les Scythes. Mais cette dernière, fidèle chrétienne comme son père, n’aspire à rien d’autre que conserver sa virginité pour honorer son Dieu. Avant le combat, elle confie son futur promis au bons soins de Paul et Jean, ses primiciers.

C’est avec ce drame de Gallicanus que s’ouvre ce volume des œuvres de Hrotsvita de Gandersheim, qui en compte cinq autres : Dulcitius, Calimacus, Abraham, Pafnutius et Sapientia. Chacune de ces pièces qui exalte le martyre chrétien et la virginité ou expose un modèle de conversion, est composée comme une forme de réponse à l’engouement suscité chez certains par les comédies de Térence. Ainsi la moniale de l’abbaye de Gandersheim espère-t-elle regagner aux exigences et joies de l’espérance chrétienne ceux qu’auraient séduit les si habiles – mais si idolâtres – comédies térenciennes.

Comme l’effet d’une fervente prière dépasse celui de l’humaine présomption!

Comme la majorité des grandes œuvres, celle de Hrotsvita connut des fortunes diverses à travers l’histoire. Célébrée de son vivant, puis oubliée jusqu’à l’aube du seizième siècle, elle fut ensuite tour à tour encensée et ignorée jusqu’à atteindre aujourd’hui à une notoriété unanime dans les milieux germaniques et anglo-saxons – alors qu’elle est encore quasi inconnue en français. Icône féministe, exemple du glorieux passé alémanique, origine de la littérature germanique, preuve « rare et précieuse » d’une activité culturelle « digne de ce nom » au Moyen-âge, gage de l’existence d’un théâtre médiéval, la postérité de l’auteure du Xème siècle fut inféodée à nombre de débats idéologiques. La lecture de ses drames – lecture éclairée par un appareil critique objectif et non dirigée par quelque anachronisme que ce soit – est l’occasion de faire retour sur ce qui fut d’abord une extraordinaire aventure formelle. Car c’est bien de cela dont il s’agit chez la géniale moniale : édifier grâce aux ruines formelles d’un fond idolâtre de nouvelles possibilités d’expression à sa foi. Un projet religieux donc, évidemment. Mais un projet religieux pétri dans la connaissance profonde de ce qu’est l’esthétique, de son histoire, de ses possibilités et de ses limites. Et qui préserve ainsi, par delà les conditions théologiques de sa survenance, sa remarquable puissance d’évocation.

Hrotsvita, Dramata, Les Belles Lettres, trad. Monique Goullet.

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