Quelques mesures sanitaires…

Eu égard – comme on dit – à la situation générale, nous avons décidé, au-delà des mesures légales, d’en prendre quelques autres :

  1. La période des fêtes – comme on dit – est celle du papier d’emballage. Qui dit emballage, dit temps d’attente. Qui dit beaucoup d’emballage, dit beaucoup de temps d’attente. Qui dit beaucoup de temps d’attente, dit beaucoup de gens qui patientent dans un endroit clos ou qui patientent dehors en attendant que les gens dans l’endroit clos en sortent les bras chargés de cadeaux emballés. Qui dit beaucoup de gens qui patientent dans un endroit clos ou qui patientent dehors en attendant que les gens dans l’endroit clos en sortent les bras chargés de cadeaux emballés dit risque de contamination accru pour les gens dans l’endroit clos, dit rhume pour les gens qui patientent dehors, dit confinement, dit mort, dit amende, dit emmerdes… En conséquence, nous avons décidé cette année, à partir du premier décembre, de ne plus emballer vos cadeaux. On vous avoue franchement avoir pensé à plusieurs façons d’organiser la chose efficacement. Mais, hormis le fait que cela n’était jamais vraiment convaincant, il nous est apparu que c’était une bonne façon d’en terminer une fois pour toute avec un truc qui est certes mimi-tout-plein (et encore n’est-ce mimi-tout-plein que parce qu’on nous a, en fait très récemment, habitué à trouver ça mimi-tout-plein) mais qui est aussi, écologiquement parlant, un fameux gaspillage.
  2. Si la période des fêtes est celle du papier d’emballage, elle est aussi, corrélativement, celle des records d’affluence. Comme vous le savez sans doute, nous sommes cette année très logiquement tenu de faire respecter des distances de sécurité et des jauges. Et ces dernières sont bien en deçà des affluences d’une période de fêtes « normale ». Pour permettre à chacun de venir choisir les livres désirés, et de se faire conseiller en toute sérénité, nous vous conseillons donc de vous y prendre suffisamment à l’avance. Nous serons quant à nous ouverts les dimanches 13 et 20 décembre entre 11h00 et 18h30.
  3. Jusqu’ici nous avions fait montre de compréhension pour ceux qui ne mettaient leur masque qu’après avoir passé la porte. Après tout, on peut tous oublier… Après avoir constaté statistiquement qu’il y a trois fois moins de gens qui oublient vraiment que de gens qui se servent de l’oubli pour se parer de leurs plus beaux atours branquignolo-libertaro-conspirationnistes, nous avons décidé d’interdire notre entrée à tout qui ne serait pas affublé, avant son franchissement, de l’accessoire idoine (adeptes du porte-menton compris).
  4. Enfin, les évènements récents nous ont démontré, si besoin en était encore, combien le travail de sape contre la raison pouvait porter ses fruits. Forts d’un nécessaire questionnement quant à nos façons d’envisager notre rapport à ce qui nous environne, beaucoup sont séduits à l’idée de jeter le bébé raison avec l’eau du bain positiviste. Les tenants des nouvelles « écologies » chamaniques, collapsosophes ou chtulucènes, en disant refuser le « diktat de la raison », le « dualisme cartésien » ou « la mainmise de l’intellect sur le corps », n’ont de cesse de propager, en sus de l’idée d’une histoire des idées complètement fantasmée, celle d’un avenir qui n’est qu’idéologie. Certes, ils se bâtissent ainsi une notoriété à peu de frais. Ils ont la parole facile – puisque la raison fait elle-même partie du problème, le discours qu’on tient sur ce problème peut faire fi du raisonnable et de ses critères – et nombre d’oreilles attentives – l’attente d’autres façons d’envisager notre rapport à ce qui nous environne est immense et l’adhésion d’autant plus alléchante que l’accès à cette autre façon sera censé se faire plus par l’intuition que par le concept. Mais c’est sur le lit de ceux qui se rêvent Descola sans le lire que se nourrissent les délires les plus délétères. Il nous a dès lors semblé important de rappeler que cette mainmise de la science et de la technique, ou cette impression de mainmise, est aussi vieille que la science elle-même. Et que l’effroi, les peurs, et les méfiances qu’elle suscitait a fait germer bon nombre de débats et de réponses qui nous semblent toujours pouvoir irriguer nos réflexions actuelles, et ce précisément parce qu’y trouvait place, non pas une négation de la raison, mais une ré-orientation, parfois radicale, de ses possibilités. Pour donner un peu plus de visibilité à ces tentatives aujourd’hui toujours efficaces (et souvent aussi éminemment reconnues dans le monde non francophone qu’ignorées dans notre langue) nous avons donc décidé de réorganiser un tantinet nos rayons. Vous trouverez ainsi parmi ceux-ci, en sus d’un important réassort en classiques (grec, latin, scolastique ou chinois), des titres – nouveaux ou pas – d’André Gorz, de G.E.M Anscombe, d’Hans Blumenberg, d’Ernst Cassirer, de Wang Fuzhi, de Heinrich Rickert, de Lydia Goehr, d’Hans Reichenbach, d’Otto Neurath, de Rudolf Carnap, de Moritz Schlick, de C.S. Peirce, d’A.N. Withehead, etc. Certes vous n’y trouverez sans doute pas le confort rassurant de la confirmation de vos a priori. Mais vous y découvrirez, on le croit sincèrement dans la joie, de nouvelles pièces à cet édifice commun qu’on appelle la raison. Plutôt que de le fuir – vers où? – cherchons-y comment l’habiter mieux…

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