« Questions sur la métaphysique, volume II » de Jean Duns Scot

Pourquoi, aujourd’hui, lire Jean Duns Scot? Pourquoi encore lire de la métaphysique alors que toute spéculation sur ce que pourrait revêtir le « sens profond de l’être » semble à mille lieues des urgences actuelles?

L’étant est-il dit univoquement de toutes choses? Il semble que oui.

C’est dans ce deuxième volume des Questions sur la métaphysique qu’est traitée par Jean Duns Scot la très importante question de l’univocité de l’être. Pour faire court, le philosophe scolastique revient sur la thèse aristotélicienne selon laquelle tout ce qui est ne l’est pas selon le même mode d’être (thèse de l’équivocité de l’étant). Autrement dit, et pour ne l’exemplifier que dans un cadre théologique, la différence entre Dieu et l’homme serait une différence fondamentale d’être – dire « l’homme EST » ne recoupe pas ce qui est dit dans « Dieu EST » – et non pas simplement une divergence de modalité d’un être qu’homme et Dieu partageraient. Pour Duns Scot, au contraire, dire « être », que cela le soit d’un homme, d’un animal, d’une chose inanimée ou d’un dieu, revêt absolument le même sens primordial. Ce basculement radical aura des conséquences remarquables sur la façon dont se développera la pensée des siècles qui suivront.

Lire Duns Scot aujourd’hui n’est pas qu’affaire d’érudition ou de posture. Alors même qu’un double mouvement s’affirme de plus en plus qui d’un côté encense la moindre tentative chamanique de penser le monde et de l’autre réduit toute tentation métaphysique contemporaine à un anachronisme, la parution d’une nouvelle traduction de ce chef-d’œuvre de la pensée nous rappelle qu’existent aussi dans la tradition occidentale des outils pour faire face aux défis majeurs actuels. Peut-on conférer une personnalité juridique à un animal, une plante, voire un fleuve, pour les protéger? Penser l’animé ou l’inanimé entièrement sous les mêmes registres de l’être ne contribuerait-il pas à lever certaines des apories dans lesquelles s’engoncent certaines tendances de l’écologie actuelle? Le concept d’ecceité, sorte de moyen-terme entre l’universel et l’individu, inventé par l’Ecossais, ne serait-il pas d’un grand secours alors que nous avons incontestablement besoin de construire des rapports nouveaux aux autres et à ce qui nous environne? Lire Duns Scot aujourd’hui n’est ni un luxe, ni un geste nostalgique. Lire ces questions, dans la richesse de leurs rigoureuses circonvolutions, dans leur impeccable cheminement logique, nous offre l’occasion d’observer à vif comment des réponses furent trouvées, il y a plus de sept siècles, à des problèmes plus actuels que jamais.

Jean Duns Scot, Questions sur la métaphysique, Volume II, Livres IV à VI, trad. Olivier Boulnois, Dominique Demange, Ide Lévi, Kristell Trego, Magali Roques.

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