Ma motocyclette avait de ces ruades
Comme parfois en ont les choses
Certes la poésie est bien pure forme appliquée au langage. Mais il n’est pas obligatoire, pour qu’on puisse la dire « bonne » (ou « intéressante », ou « intelligente », ou « novatrice », ou « originale », ou…) qu’elle doive à ce point être un laboratoire formaliste, que le lecteur, face à elle, doive absolument se forger de nouveaux outils de reconnaissance. Une « bonne » poésie se doit de « chambouler » le langage, auquel cas elle manque son but. Mais il n’est pas nécessaire qu’elle l’ « obscurcisse », le « déconstruise », le fasse « bégayer » (ou autres deleuzianismes déridiens, ces gimmicks de l’entre-soi). Elle peut « voler haut » sans se vêtir des ailes de la philosophie (ces ailes dissimulant d’ailleurs souvent les oripeaux de la prétention). En d’autres mots, elle peut être « bonne » sans être « compliquée ».
Quand dirai-je bien ce qui est
J’espère y parvenir un jour
Je vis pour cela je vis pour.
Georges Perros est de ces rares poètes qui sont parvenus à composer une oeuvre qui soit à la fois proche du lecteur et exigeante, « simple à lire » et constamment en recherche, « ordinaire » et profondément fascinante. Les Poèmes bleus est composé sans ordre préétabli. Il est tout entier fabriqué du quotidien et de la banalité de la vie de son auteur. Il n’est soutenu par aucune théorie. On y trouve de l’octosyllabe, du vers libre, du sonnet. Il y est fait état des parlers régionaux. Il y est beaucoup question d’amitié et d’amour. Toutes choses qui en 1962, année de son écriture, ne sont pas particulièrement à la mode dans le milieu de la poésie. Toutes choses ordinaires qui, combinée à un talent extraordinaire (car oui, fabriquer une « bonne » poésie qui ne soit pas « compliquée » n’est pas pour autant « simple »), permettent précisément à cette poésie de continuer à exister en dehors de toutes les modes. Et gageons qu’elle existera encore bien longtemps…
Le poète est celui-là qui ne cherche pas mais trouve
Par haute fidélité
À ce qui n’existe pas
Comme l’homme existe et s’en va.
Georges Perros, Poèmes bleus, 2019, Gallimard.
1 Commentaire
parfois le facile c’est sacrément difficile !